HomeCommuniquéFleurs équitables et certifications sociales et écologiques : Où en est-on?

Fleurs équitables et certifications sociales et écologiques : Où en est-on?

 

On ne trouve pas de fleurs certifiées équitables sur le marché québécois à l’heure actuelle.
 

Plusieurs entreprises du secteur de la floriculture dans le monde ont adopté différents programmes de certification, des codes de conduite et des normes ISO face aux pressions des acheteurs internationaux.

 

En Colombie, le programme dominant est celui développé par l’Association colombienne des exportateurs de Fleurs (Asocolflores), une corporation qui, au milieu des années 1990, a créé le Programme Flor Verde « fleur verte » dans le but de conserver et de multiplier ses ouvertures de marchés à l’international et de changer son image au sujet de ses pratiques professionnelles et environnementales. L’homologation de Flor Verde avec une autre certification européenne GLOBALGAP en 2008 a favorisé Florverde sur le marché européen. Les certifications sont aujourd’hui accordé par le même vérificateur selon les mêmes normes. Les standards de certification ont été modifiés sans consultations dans les dernières années par les exportateurs et cela a valu plusieurs critiques à l’Association.


 

Le programme américain Veriflora basé sur des standards de production organique et de responsabilité sociale comprend 2 entreprises certifiées en Colombie et d’autres en Équateur, Pérou et au Costa Rica.

 

C’est avec la certification Veriflora et celle de Flor Verde que l’entreprise canadienne d’importation et distribution Sierra Eco fait affaire en Colombie. Au Québec, les fleuristes vendant des fleurs de la compagnie Sierra Eco disent vendre des fleurs équitables comme l’affirme la compagnie sur son site internet et dans ses publications. Si on se réfère aux normes internationales du commerce certifié équitable, ces fleurs ne respectent pas les critères de certification équitables. Veriflora certifie des standards de production plus écologique et respectueux de la santé des travailleurs. Quand ces normes sont respectés, elles sont certes, un pas dans le bon sens, mais ces fleurs ne sont guère certifiées équitables.

 

L’entreprise Rainforest Alliance, également américaine, a aussi établi des standards sociaux et environnementaux. en mettant plus d’importance sur ces derniers. Il existe présentement que 3 entreprises toujours certifiées dans le monde (on en a déjà compté beaucoup plus), soit une au Guatemala, une au Costa Rica et une en Équateur.

La certification « commerce équitable » de l’organisation Transfair Canada compte une seule entreprise certifiée, il s’agit de Hoja verde en Équateur. Au Kenya et au Zimbabwe qui approvisionne principalement l’Europe, où la demande pour les produits équitables est plus forte, 30 serres ont obtenues la certification équitables de la part de la Fair Labor Organization (FLO).

 

Fair Flowers and Plants (FFP), certification européenne, a certifié six (6) producteurs colombiens. Il est possible que des fleurs de ses serres se retrouvent au Québec, mais il est plutôt difficile de le savoir.

 

Ces certifications sont-elles une assurance pour le consommateur dit responsable?

 

La réponse est non.

Pour illustrer cette réponse négative, il est important de parler de la compagnie Elite Flowers, Cette dernière compte entre autres la certification des programmes Flor Verde, Rainforest Alliance et Veriflora et est l’une des entreprises les plus exposées aux visites de diplomates et d’investisseurs étrangers pour présenter la meilleure image de la floriculture en ce qui a trait aux pratiques de travail.

 

Chez Elite Flowers, malgré ces 3 certifications, son code de conduite et ses normes ISO, les travailleurs et travailleuses ont affirmé que les journées de travail étaient exténuantes et duraient parfois plus de 24 heures en période de grande demande comme la St-Valentin; ils pouvaient même travailler jusqu’à plus de 140 heures par semaine. Il est inutile de préciser qu’il s’agit d’une grave atteinte aux droits humains.

 

Malheureusement, soit les programmes de certification n’incluent pas de normes sur les journées de travail, soit leurs mécanismes d’audit et de supervision ne permettent pas de le vérifier. Il est aussi extrêmement difficile de faire respecter, par ces certifications, le respect du droit à la libre-association si malmené en Colombie, mais aussi dans la majorité des pays du monde.

 

Selon nos partenaires en Colombie, aucune entreprise, même celles qui sont certifiées, ne font pas un usage abusif de la sous-traitance afin de ne pas avoir à assurer des charges sociales pour le travailleur et de pouvoir mettre fin à son contrat à tout moment sans compensation. Les certifications sociales s’adressent aux employés permanents des serres. Mais qu’en est-il si année après année, ceux-ci sont de moins nombreux et remplacés par des contrats de courtes durées sans avantages sociaux? Il peut être normal que ces contrats de sous-traitance soient utilisés à l’occasion pour l’embauche de personnel supplémentaire pour la St-Valentin par exemple, mais le problème c’est qu’ils sont maintenant utilisés toute l’année.

 

Selon la Corporation Cactus, ces certifications sont très souvent des initiatives patronales visant à redorer l’image du producteur pour ces client étrangers. Les travailleurs ne sont presque jamais impliqués dans l’application des dites améliorations et connaissent peu ou pas le cadre entourant la certification ni n’ont accès à un processus de plaintes confidentielles bien qu’au niveau de l’environnement et de la santé humaine, ils puissent représenter une amélioration. Seule la certification équitable prévoit que soit formé un comité de travailleur.euse.s pour voir à l’application de la certification.

 

Le Comité pour les droits humains en Amérique latine conseille aux importateurs, fleuristes et consommateurs d’être vigilants et d’entrer en contact plus régulièrement avec le CDHAL, la Corporation Cactus, le syndicat indépendant Untraflores (qui produit un bulletin au deux mois dénonçant les principales violations des droits dans les serres en donnant le nom de celles-ci) ou avec les travailleurs directement (et de façon confidentielle) afin de s’assurer qu’au-delà du titre de certification, les travailleurs voient leurs droits du travail respectés et possèdent de véritables contrats de travail de longue durée.

 

Il est toutefois évident que nous encourageons les acheteurs à appuyer les serres certifiées, mais il est important d’être vigilant et demander des redditions de compte annuellement. Au niveau écologique et de la santé, on peut certes y avoir des avancées. Quoique des fleurs voyageant par avion des milliers de kilomètre ne seront jamais un choix très écologique, certifiées ou pas.

 

 

Et le commerce certifié équitable?

 

La démarche de certification du commerce équitable nous semble la plus intéressante et la plus sérieuse.

 

Toutefois, rappelons-nous que le commerce équitable, à la base, avait été pensé afin de permettre des échanges directs entre acheteurs du Nord et petits producteurs du Sud (souvent des coopératives). Il s’agissait d’ouvrir des portes du marché à des coopératives et petites entreprises en leur offrant un prix juste et stable dans une relation directe transparente.

Dans le secteur des fleurs, la certification équitable s’adresse aux moyennes et grandes entreprises comme les petites entreprises ou coopératives n’existent pas. Cette certification pour moyenne et grande entreprise est née en 2006 et a donc d’autres critères.


 

L’industrie des fleurs comme vous pouvez le voir dans notre article sur le commerce mondial des fleurs exige des investissements importants, brevets sur les semences (parfois transgéniques), achat de nombreux pesticides et engrais, transport réfrigéré par camion et par avion, système d’irrigation très énergivore, etc. Le commerce équitable se fait donc avec des entreprises, qui peuvent détenir 1%, 5%, voire 40% du marché (!) et qui s’engagent à respecter les normes minimales du travail du pays (OIT) en plus de verser une prime équitable.

 

Cette prime n’est pas versée afin d’augmenter les salaires dérisoires qui ont préséance dans cette industrie milliardaire mais pour mettre en place des projets communautaires dont l’entreprise pourra ensuite se vanter. Il est important de noter que beaucoup de ces entreprises reçoivent des subventions de la part de l’État, des congés fiscaux et absorbent très peu les coûts reliés aux insfrastructures municipales et ressources naturelles qu’elles utilisent, notamment l’eau. Il peut donc apparaître un peu ironique que la prime équitable serve à financer par exemple une bibliotèque pour les enfants alors que l’entreprise ne paie pas les impôts qui permettraient aux élus locaux de mettre en place une bibliothèque publique.


 

D’autre part, l’assurance du respect de la liberté d’association est très difficile à contrôler dans le système de certification actuelle. La très grande majorité des serres dans le monde ne comptent sur aucun syndicat indépendant.


 

En Colombie, il important de noter que le secteur de la floriculture qui génère annuellement plus d’un milliard de dollars, n’a pas réussi en 40 ans de croissance, à payer plus que le salaire minimum à ses travailleurs lui ayant permis une telle prospérité et les certifications sociales et écologiques présentes depuis 10 ans n’ont pas changé la donne en cette matière.


Au Kenya, Human Rights Watch affirme même que des serres ayant obtenu la certification équitable achetaient des fleurs à d’autres serres n’ayant pas leurs certifications afin d’augmenter illicitement leur vente de fleurs certifiées. Voici une autre illustration de la difficulté de faire du commerce équitable avec ce type d’entreprises.


 


Pas facile de s’y retrouver entre toutes ces certifications privées!
 

Peut-être cela nous indique-t-il qu’elles ne sont pas une panacée et qu’avant de confier le respect des droits du travail à des certificateurs plutôt absents, il faudrait avant tout travailler à renforcer la force d’organisation des travailleur.euse.s afin qu’ils soient en mesure de défendre eux-mêmes les normes inclus dans ces certifications, mais surtout d’exiger que l’État fasse son travail de protection des droits dans leur secteur sous peine de sanctions commerciales ou d’accords commerciaux contraignants peut-être… 

 

D’autre part, la place du commerce équitable est-elle dans ce genre de grandes industries ou dans la mise en marche d’une autre économie accessible aux petits producteurs et respectueuse des droits humains et de l’environnement? La réflexion est lancée.

 


Un court vidéo de 4 min. expliquant la problématique équitable dans le secteur des fleurs est disponible ici:
www.education.francetv.fr/videos/commerce-equitable-ou-commerce-de-l-equitable-v107244