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Minières et droits humains au Honduras : dénonciation et imputabilité

Photo : Radio-Canada / Paloma Martinez-Mendez

Paloma Martínez Méndez

Elvin Hernández, un chercheur hondurien spécialisé dans les droits de la personne, profite de sa visite au Canada pour illustrer l’urgence d’adopter une loi qui tiendra les entreprises canadiennes responsables de leurs actions à l’étranger.

De passage en Ontario et au Québec, Elvin Hernández a exhorté les Canadiens à s’intéresser à la situation des communautés de Guapinol et de San Pedro, au Honduras, qui dénoncent l’installation « illégale » d’une mine de fer à ciel ouvert dans le parc national de la Montaña de Botaderos, Carlos Escaleras.

Le chercheur hondurien de l’Equipo de Reflexión, Investigación y Comunicación (ERIC) – Radio Progreso a notamment souligné l’impact de deux concessions minières accordées dans ce parc national du Honduras, qui devrait pourtant être une aire protégée. Ces projets nuisent par ailleurs à deux rivières importantes, la Guapinol et la San Pedro, qui alimentent en eau les communautés du même nom.

Pour Elvin Hernández, le projet minier Guapinol, situé dans le département de Colón, au nord du Honduras, est emblématique.

Ce projet nous permet de voir ce qui se passe au Honduras, en Amérique centrale et en Amérique latine. À Guapinol, les concessions minières pour l’usine de granulation et les puits d’extraction d’eau sont accordées illégalement. Il s’agit d’un projet qui a un impact environnemental très fort sur les communautés et qui génère beaucoup de violence, une criminalisation et l’assassinat des défenseurs des droits de la personne.Une citation de Elvin Hernández, chercheur spécialiste des droits de la personne

Depuis janvier 2023, la Fédération internationale des droits humains et Amnistie internationale ont lancé plusieurs appels urgents pour que les circonstances entourant les meurtres d’Aly Magdaleno, d’Oquelí Domínguez Ramos et de Jairo Bonilla Ayala, membres de la Résistance Guapinol contre la mine de fer, fassent l’objet d’une enquête.

Oquelí Domínguez a été assassiné dans la communauté de Guapinol le 15 juin dernier, cinq mois après la mort de son frère Aly Domínguez, et de celle de Jairo Bonilla Ayala, le 7 janvier 2023.

Depuis janvier 2023, la Fédération internationale des droits humains et Amnistie internationale ont lancé plusieurs appels urgents pour que les circonstances entourant les meurtres d’Aly Magdaleno, d’Oquelí Domínguez Ramos et de Jairo Bonilla Ayala, membres de la Résistance Guapinol contre la mine de fer, fassent l’objet d’une enquête.

Oquelí Domínguez a été assassiné dans la communauté de Guapinol le 15 juin dernier, cinq mois après la mort de son frère Aly Domínguez, et de celle de Jairo Bonilla Ayala, le 7 janvier 2023.

La visite d’Elvin Hernández au Canada s’inscrit dans le cadre de la campagne Solidaires pour la terre de Développement et Paix – Caritas Canada, en collaboration avec le Réseau canadien pour la reddition de comptes des entreprises (RCRCE).

Le chercheur hondurien espère que sa tournée au pays permettra de sensibiliser les parlementaires et les citoyens canadiens à la nécessité d’adopter une loi sur le devoir de diligence raisonnable afin que les entreprises canadiennes soient tenues responsables des conséquences de leur présence à l’étranger.

Les Nations unies ont exhorté les États à adopter de telles lois. Certains pays d’Europe l’ont déjà fait, de même que certains États en Amérique latine. Mais nous pensons que l’initiative du Parlement canadien d’adopter une loi sur la diligence raisonnable est très importante, non seulement pour le Canada, mais aussi pour l’Amérique latine, l’Amérique centrale et en particulier pour le Honduras.Une citation de Elvin Hernández, chercheur spécialiste des droits de la personne

Le 29 mars 2022, les députés néo-démocrates Peter Julian et Heather McPherson ont présenté à la Chambre des communes leur projet de loi sur la responsabilité des entreprises dans la protection des droits de la personne.

Après une première lecture le jour même, aucune autre des étapes suivantes nécessaires à l’adoption officielle d’un projet de loi n’a été franchie. En fait, le site web du Parlement canadien indique clairement que le projet de loi n’est pas dans les priorités.

Des pas dans la bonne direction

Lors d’une conférence de presse conjointe avec Elvin Hernández et la représentante du Réseau canadien pour la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) Emily Dwyer le 24 octobre dernier, le professeur Robert McCorquodale, vice-président du Groupe de travail des Nations unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a expliqué qu’un changement mondial était en train de s’opérer.

Il s’agit d’une transformation qui, selon lui, encourage une augmentation de la réglementation mondiale des entreprises.

L’Union européenne est sur le point d’introduire une nouvelle réglementation majeure dans ce domaine. Et d’autres formes d’engagement, notamment en matière de droits de l’homme, que les entreprises doivent prendre. Bien sûr, le Canada a présenté la loi sur l’esclavage moderne, tout comme l’Australie et le Royaume-Uni. Les États-Unis font beaucoup en ce qui concerne les douanes, la traite des êtres humains et d’autres types d’engagements transfrontaliers.Une citation de Robert McCorquodale, vice-président du Groupe de travail des Nations unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises

Un certain nombre de décisions ont également été rendues par des tribunaux. Il s’agit notamment d’affaires très importantes traitées par la Cour suprême du Canada, la Cour suprême du Royaume-Uni, les tribunaux néerlandais et d’autres pays.

Selon Robert McCorquodale, ces jugements commencent à montrer que les activités des entreprises peuvent avoir un impact négatif sur les droits de la personne.

Le changement d’approche de la responsabilité des entreprises est important et influe sur la manière dont elles réagissent. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises ont des politiques en matière de droits de la personne et reconnaissent leur importance, non seulement du point de vue de leur réputation, mais aussi concernant les litiges potentiels, les risques opérationnels et, en général, les conséquences d’un manque d’efficacité et, en particulier, la recherche de solutions pour les personnes affectées.Une citation de Robert McCorquodale, vice-président du Groupe de travail des Nations unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises

Pour sa part, Elvin Hernández a rappelé l’Affaire des plongeurs Miskitos au cours de laquelle une décision historique a été rendue en 2021 par la Cour interaméricaine des droits de la personne en faveur de 42 membres de la communauté Miskito.

Les travailleurs autochtones avaient poursuivi l’État du Honduras pour des violations de leurs droits causées par les activités dangereuses d’entreprises privées dans le secteur de la pêche à la langouste en eaux profondes.

Ce jugement montre l’importance d’adopter des lois visant à respecter les droits de la personne et l’environnement.Une citation de Elvin Hernández, chercheur spécialiste des droits de la personne

Dans sa décision, la Cour a obligé le Honduras à réglementer l’industrie de la pêche et, surtout, pour la première fois dans son histoire, a établi des normes en matière de droits de la personne et de commerce dans le cadre de la Convention américaine des droits de la personne.

Selon de nombreux analystes, ce jugement a marqué un tournant dans le système interaméricain des droits de la personne en établissant les obligations des États et les mesures que les entreprises opérant en Amérique latine doivent prendre par rapport à leur devoir de respecter les droits de la personne.

Le Canada dans les Amériques

Les liens commerciaux et économiques du Canada en Amérique latine comprennent des accords de libre-échange (ALE) signés avec le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Pérou et les États-Unis.

L’accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras est entré en vigueur en octobre 2014. Le commerce bilatéral annuel de marchandises entre les deux pays a atteint 423 millions de dollars en 2020, alors qu’il était de 278,6 millions en 2013.

Le Canada est le premier pays du monde pour le financement de l’exploration minière. L’Amérique latine est la principale zone d’opérations des compagnies minières canadiennes.

La présence des sociétés minières canadiennes en Amérique latine et dans les Caraïbes est importante, bien qu’elle soit passée de 49 % à 32 % après la récession mondiale de 2008. Aujourd’hui, les opérations dans cette région représentent encore près de 50 % de tous les investissements miniers canadiens à l’étranger.

Mon message est de souligner l’importance d’accompagner la campagne de Solidaires pour la Terre pour le Développement et la Paix et les efforts pour une loi de diligence raisonnable au Canada, puisque 507 concessions minières ont été accordées au Honduras. Et toutes ont les mêmes caractéristiques d’illégalité que la compagnie minière Guapinol que nous dénonçons aujourd’hui.Une citation de Elvin Hernández, chercheur spécialiste des droits de la personne

Si nous ajoutons les petites choses qui peuvent être faites ici au Canada aux petites choses que nous pouvons faire au Honduras et en Amérique centrale, c’est ce qui peut aider à sauver la planète d’une trajectoire destructrice, a conclu le chercheur hondurien. .https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/2020910/reportage-mines-droits-personne-honduras-canada-elvin-hernandez