L’Amérique latine est reconnue pour la puissance et la beauté de ses cours d’eau – l’Amazone, le plus grand bassin fluvial du monde, les fleuves Paraguay et Paraná et les écosystèmes des zones humides, la Usamacinta qui coule à travers les forêts tropicales des Mayas et les eaux limpides des rivières de la Patagonie. Ces rivières sont la source de vie d’une incroyable diversité d’espèces végétales et animales et la source du bien-être des peuples autochtones et traditionnels.
Sous la bannière de l’intégration régionale et avec l’appui de la Banque interaméricaine de développement (BID), affiliée à la Banque mondiale, des groupes de pays ont entrepris différentes démarches d’intégration depuis le début des années 2000. Par exemple, sous l’égide du président mexicain Vicente Fox, en 2001, les pays d’Amérique centrale ont initié le Plan-Puebla-Panama (« Plan PPP », depuis rebaptisé le projet Mésoamérique), visant à unir de façon intégrale toute la région, de l’État mexicain de Puebla (centre du Mexique) jusqu’au Panama. Parallèlement, à l’autre bout du continent, 12 pays d’Amérique du Sud, sous le chapeau de la BID, signaient l’Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (IIRSA), laquelle prévoit plus de 500 projets de transport, de télécommunications et d’énergie représentants un investissement de plus de 60 milliards de dollars. Ces deux initiatives ont mis en péril les cours d’eau de la région et, par conséquence, les communautés avoisinantes, en impulsant la construction de barrages hydroélectriques. L’énergie s’exporte ou se vend au niveau national aux individus qui peuvent se le permettre.
Au cours des dernières années, des groupes de défense des paysans ont exprimé leurs préoccupations face à ces mégaprojets, qui ne pourraient se faire qu’à travers le déplacement forcé de communautés paysannes entières, et ce, sans qu’aucun avantage n’en découle pour celles-ci. En fait, la mobilisation populaire autour de ces deux initiatives s’est si bien organisée que les dirigeants ont cessé de nommer les projets de développement comme faisant partie du PPP ou de l’IIRSA, et leur appellation s’est ainsi effacée des discours publics.
La construction des barrages hydroélectriques se fait généralement sans consulter la population locale, qui est la principale concernée par ce type de projet et, malheureusement, très rarement la bénéficiaire. Cette absence de consultation des communautés contrevient à la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et aux principes définis par la Commission Mondiale des Barrages, auxquels de nombreux pays latino-américains ont adhéré, sans les respecter.
Le CDHAL est préoccupé par le processus et la manière dont les projets hydroélectriques sont mis en place, car les droits humains (en particulier les droits économiques, sociaux, culturels) doivent être au centre de toute prise de décision, tant politique qu’économique. Le CDHAL appuie les peuples latino-américains dans leurs revendications au respect de leurs droits, dont celui à une information accessible, préalable (avant la construction du barrage) et complète, de même que le droit d’être consultés lors de projets de développement les affectant. Le respect des droits humains est une condition sine qua non à la dignité humaine; rien ne peut justifier leur violation. Par conséquent, le CDHAL accompagne les populations locales qui défendent leurs droits collectifs face à des projets qui ont pour résultat de brimer leur intégrité, augmenter la violence intercommunautaire et la répression, arracher les communautés de leurs terres en forçant leur déplacement et causer l’effritement culturel, de même que la désagrégation du tissu social.
Le CDHAL est grandement préoccupé par l’agression du développement, comme par exemple avec les mégas-barrages, et de ses impacts sur les droits humains. En appuyant les communautés affectées par le développement imposé et en défendant leurs droits, nous avons bon espoir de contribuer à changer le rapport de force hautement inégal qui favorise les intérêts privés au détriment des populations marginalisées. En améliorant le rapport de force en faveur des populations, nous espérons que leur poids politique pèse davantage dans la balance du pouvoir et que le droit à l’autodétermination des communautés paysannes et autochtones prime afin que celles-ci puissent décider de leur propre développement, en accord avec leurs valeurs, leur culture et leur cosmovision.
Les peuples d’Amérique latine ont appris l’importance de l’organisation de lutte contre de nouveaux barrages, et, dans les cas de barrages construits dans le passé, ils demandent des compensations justes pour les pertes qu’ils ont subies. La création de réseaux de groupes de lutte contre les barrages, tels que le Mouvement des personnes touchées par les Barrages (MAB) au Brésil, ou le Réseau d’Amérique latine contre les barrages (REDLAR) et le Mouvement mexicain des affectés par les barrages et pour la défense des rivières (MAPDER) au Mexique, a fait renaître l’espoir et la force dans une région où des centaines de nouveaux barrages sont en cours de construction.
Qu’est-ce qu’un barrage?
Un barrage est un mur construit en travers d’un cours d’eau. Il bloque le cours des fleuves, créant des lacs artificiels appelés des réservoirs. L’eau contenue dans les réservoirs peut être utilisée pour générer de l’électricité, pour l’irrigation, pour les besoins de la consommation humaine, pour faciliter la navigation ou pour le loisir. Certains barrages sont construits pour plusieurs de ces raisons.
Plus de 47 000 grands barrages (hauts de plus de quinze mètres) ont été construits de par le monde. La Chine, les États-Unis et l’Inde possèdent les plus grands barrages du monde. Les plus élevés peuvent atteindre 250 mètres de hauteur (soit plus haut qu’un immeuble de 60 étages) et s’étendre sur plusieurs kilomètres de largeur. Ils coûtent des milliards de dollars et leur construction dure plus de dix ans.