Publié par Via Campesina, le 18 septembre 2024
Dans une déclaration écrite conjointe* soumise par le Centre Europe – tiers monde (CETIM), FIAN International, La Via Campesina et d’autres ONG de la liste, les groupes ont réitéré que la promotion et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) est une étape clé vers la réalisation de la justice sociale et climatique.
Le 17 décembre 2018 a marqué une avancée historique pour le mouvement paysan international ainsi que pour toutes les organisations et communautés rurales qui se sont battues pour la protection de leurs droits. Après plusieurs années de mobilisation, de travail de suivi, de rapports et de plaidoyer, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté, à une très large majorité, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Dernièrement, certains États membres qui s’étaient abstenus en 2018 ont déclaré qu’ils adhéraient à cet instrument, progressant ainsi vers un consensus autour de cet instrument clé.
L’idée derrière l’UNDROP a émergé de discussions internes au sein du mouvement paysan international, mené par La Via Campesina, en réponse aux actions agressives menées par le secteur de l’agrobusiness. Ce secteur cherchait, et cherche toujours, à monopoliser les systèmes alimentaires et agricoles pour maximiser ses profits, ce qui entraîne des violations généralisées et systématiques des droits humains des petit.es producteur.trices de denrées alimentaires. Ces violations participent à l’amplification de problèmes plus vastes, notamment la migration, les conflits armés et la faim dans le monde. L’initiative autour de l’UNDROP est donc née de l’incapacité des communautés paysannes et rurales à répondre à leurs besoins dans le cadre d’un système économique international conçu pour favoriser les élites politiques et économiques dominantes. L’objectif était de mettre à jour le droit international, en établissant un cadre juridique, pour protéger l’agriculture familiale et les autres communautés rurales.
Comme nous le répétons sans cesse, le processus qui a conduit à l’adoption de l’UNDROP doit être considéré comme un processus exemplaire de construction du droit international à partir de la base, en donnant la priorité aux personnes et à la planète. Cette approche devrait inspirer toutes les personnes organisées qui luttent pour un monde meilleur où les droits humains sont pleinement respectés par les États.
C’est pourquoi les États membres des Nations Unies, ainsi que tous les autres acteurs concernés sur le terrain, devraient adhérer aux principes, aux droits et aux dispositions de l’UNDROP. Ceux-ci devraient les guider dans la mise en œuvre du droit international contraignant existant, en soutenant sa promotion et sa mise en œuvre et en mettant fin à toutes les initiatives et actions qui contredisent l’UNDROP. Les États membres des Nations Unies devraient adapter leurs cadres juridiques nationaux afin de s’assurer qu’ils sont conformes à l’UNDROP et les traduire en actions aux niveaux local, national, régional et international. En outre, conformément au principe de bonne foi et aux dispositions de l’article 2.4 de l’UNDROP, ils devraient maintenant revoir leurs accords existants afin de s’assurer qu’ils respectent leurs engagements concernant les droits des paysan.nes. Ceci afin de répondre aux multiples crises auxquelles notre monde est confronté, y compris la triple crise planétaire, ainsi que les nombreux conflits et guerres qui affectent nos sociétés.
Compte tenu de l’urgence de la mise en œuvre de la Déclaration suite à son adoption, les organisations et mouvements historiquement impliqués dans le processus d’élaboration et de négociation dudit instrument ont appelé à la création d’une Procédure Spéciale des Nations Unies. Une étape nécessaire en vue de suivre la situation des droits des paysan.nes dans le monde et de rendre compte des progrès réalisés en termes de mise en œuvre. En octobre 2023, lors de la 54e session du Conseil des droits de l’homme, ce nouveau mécanisme a été mis en place sous la forme d’un Groupe de travail. Ce nouveau succès est le résultat d’un plaidoyer fait par ces organisations et mouvements ainsi que de la collaboration fructueuse avec les pays qui ont soutenu ce dossier et la démarche, en particulier l’État plurinational de Bolivie (porte-plume de la résolution) et les autres membres du core-group (Cuba, Afrique du Sud, Gambie, Luxembourg, Indonésie et Kirghizistan).
Le nouveau Groupe de travail des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales est prometteur pour la promotion et la mise en œuvre des droits des communautés paysannes, des travailleur.euses ruraux.ales, des pêcheurs, des éleveur.euses, des nomades, des populations autochtones travaillant dans les zones rurales, des chasseur.euses-cueilleur.euses, des travailleur.euses migrant.es, des communautés sans terre, etc. conformément à l’article 1 de l’UNDROP. Le Groupe de travail offre un espace crucial pour soutenir les initiatives visant à protéger et à réaliser les droits fondamentaux des paysan.nes et des communautés rurales. Des groupes qui ont été placés dans un état d’extrême vulnérabilité et qui résistent à l’offensive d’un secteur agro-industriel monopolistique prédateur, ainsi que des industries minières extractives, des sociétés immobilières, des sociétés de tourisme, du secteur financier et, plus récemment, des technologies numériques émergentes, entre autres.
En ce sens, le Groupe de travail jouera un rôle central pour les États, en leur offrant une coopération technique, en partageant des exemples de bonnes pratiques et en fournissant des recommandations concrètes sur les meilleurs moyens de rendre leurs actions et leurs cadres juridiques nationaux conformes aux principes et aux dispositions de l’UNDROP. Le Groupe de travail permettra à nous, organisations travaillant avec les détenteur.trices des droits précités et aux organisations de la société civile, de mettre en œuvre l’UNDROP de manière plus inclusive et plus solide. Nous nous attendons également à ce qu’il apporte une plus grande visibilité aux causes structurelles qui ont conduit à l’adoption de l’UNDROP – telles que les diverses formes de discrimination, les violations systématiques des droits humains et les désavantages historiques – appelant une attention adéquate de la part des organisations multilatérales, et en particulier du système international des droits humains.
Pour que les paysan.nes et les communautés rurales (les petit.es producteur.trices de denrées alimentaires reconnus dans l’article 1 de l’UNDROP qui, selon les données de la FAO, assurent jusqu’à 80 % de la production alimentaire mondiale) puissent agir, être visibles, participer et jouir pleinement de leurs droits humains sans discrimination d’aucune sorte, les États doivent veiller à ce qu’ils aient un accès égal au contrôle et à la propriété des ressources. Cela inclut le contrôle des processus de production, de transformation, d’échange et de commercialisation de leurs produits. Il est également essentiel de s’attaquer aux obstacles structurels et non structurels qui limitent l’autonomisation économique des paysan.nes et des populations rurales.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales devrait en priorité :
- Promouvoir les meilleures pratiques et les enseignements tirés de l’expérience, favoriser la collaboration entre les États, les détenteur.trices de droits et les organisations de la société civile. Mettre en évidence et promouvoir diverses politiques publiques qui reconnaissent et protègent les droits des paysan.nes et de toutes les personnes travaillant dans les zones rurales aux niveaux international, régional et national.
- Fournir un soutien technique aux États, aux détenteur.trices de droits, aux sociétés civiles et aux mécanismes et organes pertinents des Nations Unies. Ce faisant, le Groupe de travail renforcera l’importance mondiale de l’UNDROP et s’attaquera aux problèmes sous-jacents qui entravent la réalisation des droits consacrés dans l’instrument.
- Suivre la mise en œuvre de l’UNDROP, en se concentrant sur les défis et les questions clés identifiés par le Groupe de travail, qui sont au cœur des luttes menées par les paysan.nes et les communautés rurales dans le monde entier. Entre autres, le Groupe de travail devrait surveiller, analyser et rendre compte de la manière dont l’agroécologie et les pratiques agricoles véritablement durables peuvent favoriser la justice climatique et environnementale, garantir le droit à l’alimentation pour tous et toutes, renforcer le droit à la santé et, de manière générale, protéger les droits humains. Il devrait également examiner comment les initiatives des paysan.nes, des communautés rurales et des peuples autochtones contribuent à la sauvegarde de la biodiversité ; aborder et inverser la dépossession structurelle des paysan.nes et des communautés rurales des moyens de production (tels que les semences, la terre, l’eau, etc.); aborder la nécessité de démanteler l’architecture transnationale des régimes dominants de commerce et d’investissement qui favorisent l’agro-industrie monopolistique et prédatrice et d’autres pratiques commerciales préjudiciables au détriment des droits des paysan.nes. Il devrait aussi explorer comment la souveraineté alimentaire et la justice sociale servent de principes alternatifs pour un meilleur accès aux marchés.
Le Groupe de travail des Nations Unies devrait de plus souligner l’importance de l’UNDROP en reconnaissant les contributions passées, présentes et futures des communautés paysannes et rurales au développement, à la conservation et à l’amélioration de la biodiversité, qui constituent la base de la production alimentaire et agricole mondiale.
Nous restons prêts à collaborer avec le Groupe de travail des Nations Unies et à travailler en étroite collaboration avec nos gouvernements et les États membres pour mettre en œuvre des mesures qui sauvegardent et protègent les droits des paysan.nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, progressant ainsi vers la mise en œuvre adéquate des droits, des principes et des dispositions de l’UNDROP.