Publié par Paloma Martínez Méndez, Radio Canada International, le 3 avril 2025
À l’invitation d’Avocats sans frontières Canada, Germán Ospina Muñoz, avocat colombien spécialisé dans les droits humains et l’environnement, s’est rendu au Québec pour faire connaître le cas Anchicayá qu’il défend depuis 2001 et renforcer les réseaux de soutien internationaux.
Un combat pour les rivières et leurs communautés
Lors de la dernière étape de sa tournée dans les deux principales villes de la province canadienne du Québec, Germán Ospina a accordé une interview à Radio Canada International (RCI).
Depuis 24 ans, cet avocat spécialisé dans les droits humains et l’environnement travaille à des actions collectives pour la défense de communautés en situation d’extrême vulnérabilité, comme les communautés afro-colombiennes et paysannes.
L’un des cas qu’il a présentés au Québec est celui du déversement, en 2001, de 500 000 mètres cubes de boues putréfiées et toxiques dans la rivière Anchicayá, par la compagnie hydroélectrique espagnole Unión Fenosa (aujourd’hui propriété du groupe Naturgy).
« Il s’agit de communautés dont la subsistance et la survie dépendent absolument de la rivière, car c’est là qu’elles puisent toute leur eau », a déclaré M. Ospina, expliquant qu’il n’y a pas de services tels que les égouts et les aqueducs dans la région.
Jurisprudence et obstacles à la protection de l’environnement
L’affaire a fait jurisprudence en Colombie et a été portée devant les tribunaux internationaux. En 2023, la Cour constitutionnelle colombienne a rendu l’arrêt SU-196, qui ordonnait la protection de la rivière. Cependant, la rivière n’a pas été reconnue comme un sujet de droit.
« C’est inexplicable parce qu’il y avait absolument tous les arguments », a déclaré M. Ospina, suggérant que la pression exercée par les entreprises privées et l’État pourrait avoir influencé la décision.
« Nous devons comprendre qu’il s’agit d’une affaire dans laquelle les entreprises privées et l’État lui-même sont très puissants. L’action en justice était dirigée contre l’entreprise et contre l’État. Il s’agit donc de forces antagonistes très puissantes ». Germán Ospina, défenseur colombien des droits humains et avocat spécialiste de l’environnement
L’arrêt est toujours en vigueur et Germán Ospina espère que des visites comme celle-ci au Canada permettront de s’assurer que ce qui a été obtenu « ne reste pas lettre morte, mais que toutes ces mesures sont réellement mises en œuvre sur le terrain et mises en pratique ».
Aujourd’hui, l’affaire est en cours devant la Commission interaméricaine des droits humains, qui demande une réparation intégrale et la reconnaissance de la rivière en tant que sujet de droit.
Réseaux de soutien à la justice environnementale
Rosalinda Hidalgo travaille depuis plusieurs années au sein du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL). Il s’agit d’une organisation canadienne basée à Montréal dont la mission est de diffuser et de soutenir les mouvements sociaux en Amérique latine.
Pour elle et son organisation, la visite d’acteurs ayant mené « une longue lutte et une grande expérience est un privilège » pour les organisations de défense des droits humains, car elle leur permet de connaître de première main les luttes et les problèmes auxquels ces communautés sont confrontées.
Mme Hidalgo, responsable des actions urgentes au CDHAL, considère que ces visites permettent de tisser des liens avec ces acteurs, de sensibiliser la population locale au Canada aux menaces qui pèsent sur elle et de positionner ces communautés comme des acteurs clés de la protection de l’environnement et de la lutte pour les droits collectifs.
« Les communautés, en particulier les communautés afro-descendantes, sont confrontées à des entreprises transnationales géantes, qu’elles soient espagnoles ou canadiennes, qui commettent de graves violations des droits humains. Le cas de la Colombie est emblématique de cette situation ». Rosalinda Hidalgo, Comité pour les droits humains en Amérique latine
De plus, selon cette dirigeante communautaire, il est important de faire connaître les succès des luttes de ces peuples, car ils sont source d’espoir et d’encouragement pour d’autres communautés en résistance en Amérique latine et au Canada qui « se trouvent dans des moments de désespoir ».
Selon Rosalinda Hidalgo, connaître ces stratégies de lutte est un privilège qui nous permet d’accompagner et de diffuser ces processus de justice.
La défense de l’environnement sur la scène internationale
Cette visite au Canada nous permet de rendre notre cause visible et de rechercher un soutien et une solidarité internationale dans cette lutte asymétrique contre les grandes entreprises et l’État.
En Colombie, il existe des précédents d’éléments naturels déclarés soumis à des droits, tels que le fleuve Atrato et l’Amazonie colombienne. Pour Germán Ospina, ces exemples sont une source d’inspiration.
« Les communautés se battent toujours et nous sommes toujours à leurs côtés », conclut l’avocat.