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Amnistie internationale confirme que les autorités ont fait usage excessif de la force contre des manifestants

Les autorités haïtiennes doivent mettre fin au recours illégal à la force contre les manifestants et garantir le droit à la vie de ces personnes, a déclaré Amnistie internationale le 31 octobre 2019, après avoir confirmé plusieurs cas de recours à une force excessive par la police pendant six semaines de manifestations anti-gouvernementales, dans le cadre desquelles 35 personnes sont mortes, dont plusieurs aux mains de la police nationale.

« Les images que nous avons examinées ont mis en lumière des atteintes aux droits humains commises par les autorités haïtiennes. Les forces de sécurité sous le commandement du président Jovenel Moïse ont eu recours à une force excessive. Ces faits doivent sans délai faire l’objet d’une enquête approfondie et efficace », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnistie internationale.

« Le président Jovenel Moïse doit prendre des mesures de toute urgence pour veiller à ce que les personnes manifestant contre son gouvernement puissent le faire en toute sécurité, sans mettre leur vie en danger. La police doit cesser d’avoir recours à des armes à feu chargées de balles réelles dans le cadre des manifestations, et des mesures spécifiques doivent être mises en œuvre pour garantir la sécurité des journalistes travaillant sur la situation politique et relative aux droits humains en Haïti. »

Les chercheurs et le Service de vérification numérique d’Amnistie internationale ont examiné des vidéos de plusieurs cas dans lesquels la police a utilisé des armes à létalité réduite sans discrimination et de manière illégale, notamment en lançant du gaz lacrymogène sur des manifestants pacifiques depuis un véhicule de police en mouvement, en tirant des balles à létalité réduite sur les manifestants à bout portant, et en frappant un manifestant.

Amnistie internationale a également confirmé que des policiers, équipés d’armes semi-automatiques, ont tiré à balles réelles pendant des manifestations, bafouant ainsi le droit international relatif aux droits humains et les normes relatives au recours à la force.

Entre le 16 septembre et le 17 octobre, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), une ONG haïtienne, a recensé au moins 35 morts dans le cadre des manifestations, dont neuf imputables à la police. Pendant la même période, l’ONG a indiqué que 200 personnes avaient été blessées, parmi lesquelles au moins huit journalistes.

Problème 1 : Usage d’armes à létalité réduite

Au titre du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes, les armes à létalité réduite, comme le gaz lacrymogène, les canons à eau ou les balles en caoutchouc, ne doivent être utilisées que dans certaines situations spécifiques, après mûre réflexion, et uniquement lorsque leur utilisation est nécessaire et proportionnelle à la réalisation d’un objectif légitime de maintien de l’ordre, car ces armes peuvent causer de graves blessures, voire la mort.

Exemple 1 : La police lance du gaz lacrymogène présumé sur des manifestants pacifiques depuis une voiture de police en mouvement

Le 11 octobre, près de la route Delmas, à Port-au-Prince, des policiers ont lancé d’une voiture en mouvement du gaz lacrymogène présumé sur des manifestants pacifiques, provoquant ainsi leur dispersion.

Exemple 2 : La police ouvre le feu sur deux hommes à bout portant

Le 4 octobre, pendant des manifestations à Port-au-Prince, en Haïti, des agents des forces de l’ordre armés de fusils semi-automatiques ont tiré des balles en caoutchouc sur deux hommes qui fuyaient et escaladaient une barrière.

Exemple 3 : Un policier frappe un manifestant fuyant les canons à eau

Le 11 octobre, près de la route de Kenscoff, à Port-au-Prince, un policier a frappé un manifestant au ventre alors que celui-ci essayait de fuir les canons à eau.

Problème 2 : Utilisation de balles réelles dans le cadre de manifestations

Au titre du droit international et des normes connexes, les balles réelles doivent être utilisées uniquement en dernier recours, lorsque cela est absolument nécessaire pour se protéger d’une menace imminente de mort ou de graves blessures.

Les armes chargées de balles réelles ne sont pas adaptées à un usage pendant des manifestations publiques ou d’autres rassemblements. Si le recours à la force est nécessaire pour disperser des rassemblements violents, il doit respecter les principes de stricte nécessité et de proportionnalité.

Exemple 1 : L’Unité de sécurité générale du Palais national utilise des armes militaires pendant des manifestations

Le 16 octobre, sur la place Jacques Dessalines, à Port-au-Prince, en Haïti, des membres de l’Unité de sécurité générale du Palais national, une unité spéciale de la police nationale d’Haïti chargée d’assurer la sécurité du président et du Palais national, ont interrompu l’enterrement d’une personne qui aurait été tuée pendant les manifestations. D’après des informations des médias, d’autres enterrements similaires ont eu lieu ce jour-là dans le pays.

Armé d’un fusil Galil ACE de conception israélienne, une arme destinée aux opérations de combat et non pas au maintien de l’ordre dans le cadre de manifestations, un policier a tiré en l’air à balles réelles près de l’endroit où se trouvaient des manifestants.

Deux personnes ont été blessées lors de ces événements d’après le RNDDH. Amnistie internationale n’a pas pu confirmer comment ces personnes ont été blessées.

Exemple 2 : Un policier tire à balles réelles en direction de manifestants prenant la fuite

Le 11 octobre, au moins un policier a tiré à balles réelles avec un pistolet en direction de manifestants prenant la fuite à Petion-Ville, alors qu’il ne courait aucun risque évident ou immédiat, ce qui aurait été la seule situation rendant le recours à une telle force proportionnel et légitime. Une autre vidéo de la zone laisse entendre que les manifestations étaient pacifiques.

Complément d’information

Des manifestations ont été organisées tout au long de l’année en Haïti, déclenchées principalement par des accusations selon lesquelles de hauts représentants de l’État, et notamment le président Jovenel Moïse, pourraient être impliqués dans le détournement en leur faveur de jusqu’à deux milliards de dollars issus d’un programme pétrolier du Venezuela pour Haïti.

En février, 41 personnes sont mortes et 100 ont été blessées dans le cadre de manifestations similaires, d’après le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies.

En septembre, le Comité pour la protection des journalistes a condamné le tir dont a été victime le journaliste Chery Dieu-Nalio, blessé lorsqu’un sénateur a tiré en l’air près du bâtiment du Sénat.

Le 10 octobre, Néhémie Joseph, journaliste de Radio Méga, a été abattu dans sa voiture.

Référence : Amnistie internationale

Photo : Libération