Voici le texte de cette analyse des conjoncture politique au Brésil face au gouvernement d’extrême droit de Jair Bolsonaro. Pour l’écouter suivez le lien ICI
L’année 2019 a été très difficile pour le peuple brésilien. Dans cette édition de Contacto Sur, le Comité pour les Droits Humains en Amérique Latine, CDHAL, a invité trois leaders de différents mouvements sociaux du Brésil pour nous rapporter comment a été la première année de mandat du gouvernement d’extrême droite de Jair Bolsonaro.
Nous commençons avec Ronaldo dos Santos, coordinateur de la Coordination Nationale de l’Articulation des Communautés rurales noires et Quilombolas, Conaq. Pour celles et ceux qui ne le savent pas, les communautés quilombolas sont formées par des familles descendantes d’esclaves au Brésil. Familles qui, aujourd’hui, luttent pour rendre effectif leur droit à la propriété de leurs territoires ancestraux, droit déterminé par la COnstitution Fédéral du Pays ainsi que par des accords internationaux comme la Convention 169 de l’organisation mondiale du travail.
Ronaldo, comment décrirais-tu le contexte dans lequel s’est effectuée l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro?
« Le gouvernement de Bolsonaro est dans les faits la suite du gouvernement de Temer, qui a été institué par un coup d’État et a réalisé des avancées fondamentales au service du marché. Il a commencé comme un gouvernement que ne passe pas par un processus démocratique. C’est un gouvernement qui était prêt à tout détruire. Mais malgré d’être un gouvernement de coup d’État, nous n’avons pas considéré Temer comme fou. Temer n’était pas considéré comme un tyran. C’est autre chose pour Bolsonaro qui n’a aucun compromis avec l’éthique, la décence et le jugement. Bolsonaro est un fou assumé.
Ce qui différencie le gouvernement de Bolsonaro et celui de Temer est que l’un a été élu. Chaque chapitre de cette dispute électorale a été très contestable, particulièrement l’arrestation de Lula, qui était le candidat qui dirigeait toutes les enquêtes qui existent aujourd’hui et que le Brésil devrait présider. La Lava Jato, un ensemble d’enquêtes par la police nationale, a assumé le mandat de sortir Lula du jeu et laisse un espace pour que gagne un autre candidat, qui a résulté être Bolsonaro.
Donc Bolsonaro entre en insultant toutes les valeurs d’une société démocratique. Il a réuni une équipe comme gouvernement que la caractéristique principale de ces membres est d’être contre le thème qui les touche. Par exemple, le ministre de l’Environnement est contre l’environnement. Le ministre de l’Éducation est contre les principes de bases de l’éducation. »
Et quels ont été les principaux objectifs de ce gouvernement? Quelles en ont été les conséquences?
« Le gouvernement de Bolsonaro est complètement aligné avec l’agenda du marché. L’agenda de la violence avec l’accessibilité aux armes comme moyen de combattre la violence, qui est compris comme l’autodéfense du citoyen, l’agenda moral, la lutte contre les gays. De toute façon, ces directives ne sont en réalité qu’un écran de fumée. La directive centrale du gouvernement de Bolsonaro est d’avancer dans l’agenda ultralibéral et c’est que faisait Paulo Guedes. Au Brésil, la presse hégémonique critique, en partie, certains discours et quelques attitudes du président Jair Bolsonaro. Mais protège Paulo Guedes et l’agenda économique du gouvernement de Bolsonaro.
Donc, le gouvernement de Bolsonaro est un gouvernement pervers et dommageable. Il ordonne le génocide de la population autochtone, la violence dans les campagnes s’intensifie. La corruption au Brésil est totale. Bolsonaro paralyse la réforme agraire, le cadastre des terres quilombolas, il libère la régularisation de l’accaparement des terres et avec cela les incendies de l’Amazonie, la destruction des écosystèmes.
Le gouvernement de Bolsonaro, en résumé, est un gouvernement de destruction, de l’orgueil d’un peuple, de l’honneur d’un peuple, la destruction de souveraineté nationale, la destruction de la richesse nationale. Un gouvernement d’accaparement, de tout ce que nous avons ou de ce que nous n’avons pas pour le captal international. C’est un gouvernement de destruction de ce qui nous reste et de ce qui nous garantit un vrai niveau de souveraineté. »
Pour le Mouvement des travailleurs et travailleuses Rurales Sans Terres, le MST, la dernière année a été une période spécialement difficile, avec plusieurs persécutions et assassinats de leurs membres, en plus de recul significatif des politiques politiques publiques du secteur agricole. Il y a notamment la fin du Programme National d’Alimentation Scolaire, le PNAE, qui constitue en l’achat de produits provenant de l’agriculture familiale pour fournir les écoles publiques. C’est ce que nous raconte Gilmar Mauro, Coordinateur National du MST dans un vidéo diffusé par Brasil de Fato.
« Cette année a été difficile pour plusieurs raisons. Nous avons connu plusieurs évictions et des morts. Nous avons subi des reculs dans les politiques publiques qui d’une manière ou d’une autre venaient aider à structurer la petite agriculture dans tout le Brésil. La restriction de crédit qui s’est ajouté au recul politique, comme le PNAE, le programme d’acquisition d’aliments, a grandement impacté des petites cultures et implantations. Nous avons eu beaucoup de difficultés pour faire de grandes luttes. C’est évident que le peuple brésilien fait une analyse de la conjoncture et les gens ne commencent pas à lutter quand ils et elles savent qu’il n’y aura pas de victoire et c’est comme ça que pense aussi le MST.
Cependant, tout ce qu’a fait le gouvernement de Bolsonaro ne résout pas le problème de la faim, de la misère et du chômage. Ce qui réussit dans notre pays est un projet de destruction des implantations. C’est en lien avec la titulation territoriale. Mais la situation des implantations fait partie de cette stratégie qui cherche à régulariser l’accaparement des terres au Brésil. De fait, c’est un accaparement historique des terres qui se produit au Brésil et le gouvernement cherche actuellement à le légaliser. Plus que ça. Avec la possibilité d’acquisition des terres au Brésil par des fonds et des investissements des particuliers peuvent acquérir jusqu’à 25% des terres municipales.
Mais nous avons pu résister de plusieurs manières; plusieurs zones n’ont pas été expulsées, nous avons pu résister et conserver le centre d’entraînement Paulo Freire à Pernambuco, nous avons pu résister contre le dépouillement de la zone qui produit du café organique à Minas Gerais, nous avons pu résister et conserver le campement Marielle, nous avons réussi à résister dans plusieurs parties du Pays.
Nous avons évolué dans d’autres perspectives que nous appelons la réforme agraire populaire. Cette réforme inclut la terre, mais c’est une conjoncture d’autres choses qui sauve la dignité humaine. Ainsi nous progressons avec la formation d’une classe de droit à Parana, nous progressons dans les communications du MST. Nous avons pu avancer dans la formation politique et idéologique. L’école nationale est une référence internationale, offrant des formations dans tout le monde.
C’est dire que nous construisons un processus qui n’est évidemment pas prêt pour lutter maintenant, parce que peut-être ce n’est pas le moment. Nous allons résoudre les problèmes brésiliens, il n’y a pas d’autres manière que le conflit se passe. Mais le conflit ne doit pas être provoqué par eux. Nous sommes, la classe travailleuse, qui doit déterminer le moment du conflit. »
Finalement, pour Cristiane Juliao, du peuple Pankararu de Pernambuco et représentante de l’Articulation des Peuples Autochtones du Brésil, Apib, il est nécessaire de continuer à lutter et propose que nous nous unissions pour faire front non seulement à ce gouvernement, mais contre tout le système d’exploitation et de mort.
« Nous, les peuples autochtones, hommes, femmes, jeunes, vieux, nous savions que Bolsonaro ne serait pas un bon président. Pas que les précédents étaient bon non plus, mais lui, oui nous disons que c’est un tyran. Nous savions que ce serait une année difficile et ce le fut. Nous avons connue plusieurs pertes, des proches, des parents, perte de la biodiversité, perte des écosystèmes. Il y a eu des initiatives négatives pour les peuples autochtones et pour toutes les populations aussi, parce que tout ce qui touche l’environnement nous touche tous et toutes. Ce n’est pas un facteur isolé. Tout est connecté.
Alors nous avons peur pour ce qui s’en vient maintenant. Il est sous l’emprise de son pouvoir et il peut faire ce qu’il veut. Le Congrès National est silencieux, nous n’avons pas vu de réaction de leur part, pas une seule, contre les déclarations de Bolsonaro.
Mais les mouvements autochtones du Brésil continuent. Il continue de lutter parce que nous ne pouvons pas nous désister, nous devons continuer. C’est dans la résistance que notre existence nous ai garanti. C’est comme ça que nous garantissons le futur du pays, pour nos fils et nos filles, ainsi qu’une qualité de vie pour nos anciens et nos anciennes. Ce n’est pas juste pour eux et elles qui ont passé tant d’années à lutter pour ne pas pouvoir profiter des fruits de leurs actions. Alors par respect à ces personnes, nous avons l’obligation de continuer à lutter, nous mobilisant cette année pour réaliser un campement Terre Libre avec tout le monde. Parce qu’au Brésil il y a déjà un mandat de sécurité contre toutes les organisations autochtones qui ont été décrétées comme terroristes.
Donc ce sera une année difficile, beaucoup plus armée que ce que nous avons vu. Nous avons besoin à chaque fois de nous unir encore plus pour l’environnement. Maintenant c’est des feux en Australie, des feux en Amazonie, des feux partout. Cette incinération mondiale doit cesser.
C’est émouvant de parler de ça quand je regarde des animaux mourants brûlés ou des courants d’eaux détruits, je le ressens dans mon corps. Les esprits le ressentent aussi. Ils nous transmettent le nécessaire pour que nous puissions faire quelque chose.
Territoire notre corps, notre esprit pour qu’ensemble nous réussirons à continuer dans cette lutte.
Avançons »