Lettre remise au Consulat général du Honduras à Montréal, le 4 mars 2016
AU-HON-030315
À qui de droit,
Le Comité pour les droits humains en Amérique Latine (CDHAL) est un organisme canadien qui, depuis 1976, s’occupe de veiller à la situation des Droits Humains en Amérique Latine. Par la présente, nous désirons vous communiquer notre profonde inquiétude et dénoncer l’assassinat de notre collègue hondurienne Berta Caceres, leader de la communauté autochtone Lenca et défenseure des droits humains, ainsi que l’agression de l’activiste mexicain Gustavo Castro Soto, qui se trouvait avec elle.
Selon les informations que nous avons obtenues, Berta a été tuée par balles par deux hommes qui se sont introduits dans sa résidence de la municipalité d’Esperanza, à Intibuca, dans la matinée du 3 mars 2016. Gustavo Castro, fondateur et directeur actuel de l’organisation Otros Mundos A.C. et de Ami.e.s de la Terre Mexique, était hébergé chez Berta Caceres au moment des faits et a été blessé par l’attaque. Castro Soto est également membre du conseil de coordination du Movimiento Mexicano de Afectados/as por las Presas y en Defensa de lo Ríos-MAPDER (Mouvement mexicain des affecté.e.s par les barrages et en défense des rivières), la Red Latinoamericana contra las Presas y en Defensa de los Ríos, sus Comunidades y el Agua –REDLAR (Réseau latinoaméricain contre les barrages et en défense des rivières, de leurs communautés et de l’eau).
Berta était une des cofondatrices du Conseil national des organisations populaires et autochtones d’Honduras (COPINH) et représentante des luttes des communautés autochtones Lencas contre les projets hydroélectriques et miniers que les transnationales, aidées par le gouvernement hondurien, avaient initié sur les territoires ancestraux, sans qu’il n’y ai de consultation libre, préalable et éclairée. Elle appuyait son peuple dans la protection de leurs terres et de la rivière Gualcarque, à Rio Blanco, Intibuca, face à la construction en territoire lenca du barrage hydroélectrique Agua Zarca de l’entreprise hondurienne DESA. Ce projet de barrage a causé plusieurs dommages aux communautés, incluant des déplacements forcés, le dépouillement, la répression, la mort et les menaces à l’accès à l’eau pour les communautés de la zone.
Berta a dénoncé à maintes reprises les expropriations causées par les méga projets de développement, la militarisation du territoire Lenca ainsi que la criminalisation, la répression et les attaques dont sont victimes les défenseures des droits humains du peuple Lenca. La semaine passée, Berta avait dénoncé devant des médias l’assassinat de quatre dirigeants Lenca de sa communauté, l’impunité de ces crimes ainsi que les menaces et harcèlements que subissent plusieurs autres personnes de la communauté.
Depuis le 29 juin 2009, la Cour interaméricaine de droits humains avait assigné à Berta des mesures de protection qui n’ont pas été appliquées ni respectées par les autorités honduriennes.
Nous condamnons la mort de cette femme courageuse ainsi que des autres défenseur.e.s des droits humains victimes de ce système répressif, nous nous unissons aux voix d’indignation et de rage qui se lèvent afin de réclamer justice et que son cas soit reconnu internationalement comme un acte orchestré par les intérêts des corporations et du capital qui prétendent détruire les rivières, la terre et la vie qui y habite.
Nous manifestons également notre solidarité et notre soutien au défenseur des droits humains et environnementaliste Gustavo Castro Soto, blessé durant l’attaque. Celui-ci a fait une déclaration devant le Procureur en tant que témoin-clé dans l’enquête sur l’assassinat de Berta Caceres. Cette situation pourrait menacer sa vie et intégrité.
C’est dans ce contexte et dans le climat de violence généralisée dans lequel se trouve le Honduras, démontré dans le rapport « Cuantos mas? » de l’ONG anglaise Global Witness qui évalue à 111 assassinats d’environnementalistes au Honduras entre 2002 et 2014, le Comité pour les droits humains en Amérique latine exige :
-qu’une enquête sur les événements soient lancée de manière immédiate, indépendante, exhaustive et impartiale et que les responsables soient menés en justice.
-qu’on mette fin à la persécution et à la criminalisation de ceux et celles qui défendent les droits humains et que les mesures de protection soient appliquées et respectées.
-qu’on mette fin à l’impunité et que soit menée une enquête sur l’assassinat de Berta Caceres et de toutes les camarades qui luttent pour la justice sociale et l’environnement.
-que l’État du Honduras mettent en place toutes les mesures juridiques et politiques possibles afin de garantir la protection immédiate de Gustavo Castro et qu’il assure son intégrité, sa liberté et ses droits humains.
-qu’on suspende tous les projets dénoncés par les défenseur.e.s des droits humains et les communautés, incluant les projets hydroélectriques Agua Zarca sur le rivière Blanco, et Blue Energie sur la rivière Cangel.
-que se retirent les entreprises et institutions qui construisent ou financent des projets où sont dénoncées des violations des droits humains et où la Convention 169 de la OIT n’est pas appliquée.
Justice pour Berta Caceres!
Justice pour le peuple hondurien!