(Ottawa) Des représentantes des Premières-Nations ainsi que des militantes des droits humains ont aujourd’hui interpellé le gouvernement canadien afin qu’il exige une enquête indépendante et internationale sur le meurtre de la militante autochtone de renommée mondiale, Berta Caceres, et qu’il y ait une enquête sur l’implication du Canada au Honduras depuis le coup d’État militaire de 2009.
La délégation était de retour à Ottawa mardi, après un séjour de sept jours au Honduras, organisé à la suite du brutal assassinat, le 2 mars dernier, de Berta Caceres, suivi du meurtre de Nelson Garcia le 15 mars. Berta Caceres était une femme autochtone, féministe, militante environnementale et récipiendaire, en 2015, du prix Goldman pour l’environnement. Son meurtre a déclenché une vague d’indignation sans précédent partout dans le monde, exigeant justice, vérité et réparation au Honduras. Garcia était membre du Conseil civique d’organisations autochtones et populaires du Honduras (COPINH), organisation cofondée par Caceres.
Des délégations provenant de 22 pays ont participé, la semaine dernière, à une rencontre internationale organisée par le COPINH et par d’autres groupes au Honduras. Malgré la forte présence internationale, la caravane qui s’est rendue à la rivière Gualcarque afin de commémorer la vie de Berta a été violemment attaquée le 15 avril dernier.
« Nous avons pu constater la collusion entre la police et des hommes hostiles. Lorsque les membres du COPINH se sont rendus à la rivière Gualcarque avec une caravane de militants honduriens et internationaux afin d’y commémorer la vie de Berta Caceres, la police était immobile, armée de bouclier et faisant face aux manifestants pacifiques tandis que, derrière elle, des hommes armés hurlaient des menaces aux membres du COPINH » a décrit Mary Hannaburg, membre de la nation Mohawk et de l’organisation Femmes autochtones du Québec.
« Lorsque ce même groupe armé de machettes a lancé des roches et menacé les membres de la caravane, blessant environ huit personnes, personne n’a été détenu ou arrêté. Pendant ce temps-là, les membres du COPINH ont été traités comme des criminels et le droit du peuple autochtone Lenca à un consentement libre, préalable et éclairé quant aux concessions hydroélectriques et minières est complètement ignoré » dit Mary Hannaburg.
Après l’assassinat de Berta Caceres, des enquêteurs honduriens investiguant le meurtre se sont rapidement rués sur les membres du COPINH, prétendant faire face à un crime passionnel et essayant, sans grand succès, de le mettre sur le compte des divisions internes de son organisation. Entretemps, ils ont été très lents à prendre compte des éventuels liens entre le projet hydroélectrique Agua Zarca et les autres mégaprojets sur le territoire Lenca qui étaient critiqués par Berta et pour lesquels elle avait reçu de nombreuses menaces. Celles-ci ont été documentées, ce qui a mené la Commission interaméricaine des droits humains à recommander à l’État hondurien de garantir la sécurité de Berta et celle du COPINH.
« Il est essentiel de créer un groupe d’enquêteurs internationaux et indépendants sous l’égide de la Commission interaméricaine des droits humains. Le Canada pourrait occuper un rôle de premier plan afin d’exiger au gouvernement hondurien qu’il prenne cette mesure » a affirmé Catherine Morris, membre de la délégation et directrice de la recherche chez Lawyers Rights Watch Canada.
Toutefois, le gouvernement du Honduras voudrait confier l’enquête a l’unité anti-corruption au Honduras, formé par l’Organization des États américains (la MACCIH en espagnol).
« Il serait très inquiétant que le gouvernement canadien appuie cette option. MACCIH n’a ni le mandat, ni l’indépendance, ni l’approbation de la famille de Berta Cáceres et du COPINH afin d’engager adéquatement un enquête » a affirmé Catherine Morris.
La délégation a également questionné le rôle du Canada durant et depuis le coup d’état militaire de 2009, considérant que depuis cette date plus de 100 militants défenseurs du territoire et d’un environnement sain ont été assassinés.
La délégation canadienne a visité une communauté du département de Copan, où la compagnie Aura Minerals, basée à Toronto, opère la mine d’or San Andrés. Ils ont pu entendre parler de la prévalence des problèmes de santé chez les enfants, des préoccupations quant aux violations des accords et de la destruction éventuelle du cimetière de la communauté. Des membres du Comité environnemental local de la zone ont également reçu des menaces de mort.
« Les impacts auxquels sont confrontées les communautés face aux projets miniers canadiens au Honduras ne sont pas vraiment différents de ce que l’on confronte au Canada avec les minières. Mais actuellement, dans cette région, la situation est beaucoup plus dramatique pour ceux qui osent parler des impacts sur la santé, sur la terre, sur les espaces sacrés et sur le tissu social de la communauté » a déclaré Bev Sellars, Conseillère de la Première-Nation Xat’sull/Soda Creek et présidente de l’association Women Advocating Responsible Mining.
Malgré le climat de répression et d’impunité qui régnait au Honduras, le gouvernement canadien a ratifié un traité de libre-échange avec ce pays en 2014 et a prêté son assistance technique à la révision du code minier, ce qui a eu pour effet d’affaiblir les règles environnementales du Honduras et de favoriser les entreprises.
« Le Canada a du sang sur les mains et si les choses ne changent pas de façon significative, cette grave situation ne fera que s’empirer au Honduras et ailleurs en Amérique latine où des militants sont régulièrement criminalisés et tués » a conclut Bev Sellars.
Pour plus d’informations ou pour organiser une entrevue, contacter :
- Jen Moore, Coordonnatrice du programme Amérique latine, Mining Watch Canada, jen@miningwatch.ca ou (613) 569-3439
Photo: Mina San Andrés, mine d’or à ciel ouvert de la compagnie minière canadienne Aura Minerals, installée dans le département de Copan, au Honduras