Crédit photos: Agencia Para La Libertad
Voir gallerie
Par Miguel Grinberg
Sept mois après le déversement d’un million de litres d’eau cyanurée à San Juan, en Argentine, l’assemblée de Jáchal et différentes organisations internationales haussent le ton alors que les grands médias et la classe politique font sourde oreille.
Sept mois après, on continue de vouloir imposer le silence. C’est toutefois chaque fois plus difficile, car les preuves et le nombre d’intéressés à connaître la vérité continuent à s’étendre largement au-delà de San Juan, où le 12 septembre 2015, dans la mine Veladero exploitée par la compagnie canadienne Barrick Gold, s’est produit le déversement d’un million de litres d’eau cyanurée qui a affecté la région de la rivière Jáchal, ses affluents et les populations de cette zone.
“Les expertises confirmant la contamination relancent notre lutte, mais il y a cependant une redoutable et suspicieuse négation du sujet, car les fonctionnaires minimisent les effets du déversement et les conséquences qu’il a amené pour la population”, a déclaré Miriam Corso, représentante de l’assemblée de voisinage Jáchal No se Toca, qui a de plus assuré: “nous avons un cas d’enfant de cinq ans de Jáchal dont les analyses de sang présentent des traces de mercure, mais l’identité de l’enfant et de sa famille sont cachées car ils ont reçu des menaces.”
Ce fait, grâce à la protection médiatique dont jouit la méga-industrie minière dans notre pays, est passé inaperçu pour les grands médias et la majorité des fonctionnaires tant provinciaux que nationaux. En revanche, le sujet a été abordé avec préoccupation par les différentes organisations environnementales internationales. Selon Greenpeace, Barrick Gold a utilisé plus de 110 litres d’eau par seconde dans cette entreprise, ce qui équivaut à neuf millions et demi de litres par jour. “Nous n’allons pas cesser de manifester jusqu’à ce que la dernière mine s’en aille, parce qu’elles sont incompatibles avec la vie de la population et le développement de nos communautés”, a souligné Corso.
Quelques semaines auparavant, plus de vingt assemblées et collectifs environnementaux se sont réunis pour célébrer une nouvelle rencontre de l’Union des Assemblées Citoyennes – UAC (Unión de Asambleas Ciudadanas) dans l’Assemblée Jáchal no se toca, créée en 2004 suite à l’annonce de l’installation de la mine dans le département d’Iglesia.
Des représentants du Chili et de l’Uruguay, des assemblées Campesinos por el Valle del Huasco et de l’Assemblée Pachamama (“Terre-Mère”), entre autres, ont assisté à cette assemblée. Après trois jours de débat, des actions conjointes à réaliser ont été déterminées pour porter support à la situation à laquelle est confrontée la population de Jáchal.
Les effets de l’exploitation sont dévastateurs. Les montagnes sont dynamitées avec des tonnes d’explosifs, résultant en une altération conséquente du paysage et la destruction de lieux qui étaient dans plusieurs cas sacrés pour les communautés autochtones. De même, l’extraction de la terre libère dans l’atmosphère des minéraux toxiques comme l’arsenic.
Le processus de broyage et de décantation requiert beaucoup d’énergie pour triturer la roche et extraire quelques fragments d’or pour chaque tonne rocheuse, augmentant la contamination et l’émission de gaz à effets de serre. L’usage de millions de litres d’eau potable des rivières, ruisseaux et nappes implique la dispersion extensive du cyanure utilisé pour la séparation métalifère.
L’eau potable cesse ainsi d’être disponible pour les communautés et pour d’autres usages comme l’agriculture et l’élevage d’animaux. Les minéraux sont notamment séparés dans des fosses à ciel ouvert appelées “digues de cola”, avec des déversements d’une soupe chimique polluante qui finit dans les cours d’eau ou qui infiltre les nappes.
Le réseau AVAAZ, qui a initié une campagne d’activisme par internet, a publié un document qui affirme que “les multinationales de méga-mines prennent le minéral sans laisser rien au pays et en recevant de multiples allocations (énergie, eau, exemptions). Au même moment, l’organisme remarque que “les autorités utilisent la Loi Anti-Terroriste pour agir contre les membres des communautés qui s’opposent à ce type de méga-mines, comme dans les cas d’Andalgalá et de Chilecito”.
Il affirme qu’à la demande de nombreux citoyens et de communautés autochtones déplacées, la municipalité de ce département de San Juan a effectué une étude technique sur l’eau des rivières de la zone, et qu’ainsi une contamination de 1400% au-delà des valeurs tolérables a été détectée.
La même source soutient qu’après le déversement d’eau cyanurée de Veladero la contamination des rivières glaciaires a été vérifiée, y trouvant des éléments dangereux comme de l’aluminium, de l’arsenic, du bore, du manganèse, des chlorures et des sulfates.
Depuis cet épisode, deux enquêtes judiciaires furent ouvertes, une devant le tribunal fédéral à la charge du juge Sebastian Casanello et l’autre devant la justice de San Juan, à la charge du juge Pablo Oritja, dont la circonscription a poursuivi neuf membres exécutifs de l’entreprise Barrick pour le déversement mentionné. Devant cela, le gouvernement de la province a établi une amende à la compagnie de 145.696.000 pesos. L’Assemblée considère cependant que cette amende ainsi que les procès, sont insuffisants.