Source : Rios Vivos
Nous, les organisations et personnes militantes du Honduras, Guatemala, Salvador, Mexique, Colombie, Équateur, Pérou, Chili, Bolivie, d’Uruguay, Paraguay et de l’Argentine, unies par l’Initiative de Femmes, Territoires et Environnement du Fonds d’action urgente pour l’Amérique latine et les Caraïbes et les fonds de femmes et féministes d’Amérique latine sous-signées, sympathisons et exprimons notre profonde préoccupation concernant les agressions physiques récentes contre Maxima Acuña Chaupe, Prix Goldman 2016, au Pérou; et la recrudescence de criminalisation des autorités ancestrales mapuche Lonko Juana Calfunao et Machi Francisca Linconao, dans l’Araucanía, au Chili.
Nous signalons la persistance des agressions et de l’utilisation systématique de la criminalisation par des acteurs étatiques et des entreprises pour freiner les luttes des femmes autochtones dans la défense des droits et territoires collectifs de leurs peuples contre l’imposition de projets de développement. Ces trois cas mettent en évidence la responsabilité et la complicité des États dans la violations des mesures de protection accordées par la Commission Interaméricaine des droits humains et l’impunité alarmante avec laquelle les auteurs des ces agressions sont traités. Ces faits, loin d’être une exception, constituent une tendance qui a augmenté dans la région.
Malgré les mesures de protection de la CIDH qui la protégeaient depuis mai 2014, Máxima Acuña Chaupe et sa famille ont vécu plusieurs agressions par l’exploitation minière Yanacocha, y compris du harcèlement, des menaces, de la violence physique, de la destruction de biens et de cultures, ainsi que la criminalisation de la défenseure. Le 18 septembre, 80 employés de l’entreprise sont entrés illégalement sur la propriété de la famille à Tragadero Grande, ont détruit leurs récoltes et ont physiquement agressé Máxima, déchirant ses vêtements et la blessant avec des coups et des égratignures sur sa poitrine, sa tête, ses bras et ses jambes. Son mari a également été blessé et persécuté afin de lui arracher l’appareil photo avec laquelle il a tenté d’enregistrer l’attaque. En dépit de la cruauté de leurs actions, l’entreprise Yanacocha a publié sur son site web des fausses informations alléguant que l’action était une défense pacifique du territoire de la part de ses soi-disant propriétaires.
L’autorité spirituelle Machi Francisca Linconao est une défenseure des droits collectifs et du territoire ancestral du peuple mapuche face à l’industrie forestière dans l’Araucanía au Chili. L’année 2008, a marqué un précédent historique en réalisant la première application de la convention 169 de l’OIT dans ce pays, quand elle a dénoncé le fait que la société Palermo Limitada détruit des lieux sacrés dans leur lof (communauté). Actuellement, sa vie est à haut risque en raison de la détérioration rapide de sa santé physique et émotionnelle, à cause du manque de contact avec la nature et ses plantes médicinales, en plus d’être détenue de façon injuste à Temuco.
La Machi a été arrêtée violemment en mars 2016 et a été impliquée dans le cas d’un incendie criminel qui a coûté la vie au couple Luchsinger-Mackay, en janvier 2013. Même si elle avait été acquittée dans ce même cas à l’époque, maintenant elle fait face à des accusations de terrorisme et il y a des demandes faites pour son emprisonnement à vie. L’accusation portée contre elle – dont la seule preuve est un témoignage obtenu sous la menace et la torture – est de toute évidence illégale et viole la Convention Interaméricaine des droits humains et la Convention 169 de l’OIT, et est soutenue par la Loi antiterroriste 18314, largement critiquée parce qu’elle ne répond aux normes minimales du procès équitable et violerait le droit à la protestation sociale.
Dans la même région, la Ionko – autorité politique – Juana Calfunao, qui a défendu le territoire mapuche contre la construction d’une route (Los Laureles – Lac Colico), a fait objet, à plusieurs reprises, de menaces, de harcèlement, de privation de sa liberté, de destruction de biens et de sa résidence, ainsi que de violences physiques et sexuelles lors de sa détention. Malgré les mesures de protection de la CIDH, le 15 septembre 2016, elle a été arrêtée à nouveau à Cunco. La lonko Juana a été libérée rapidement, cependant nous avertissons du risque permanent pour sa vie et celle de sa famille, et l’impunité avec laquelle ces violations sont traitées.
Face à ces faits, nous exigeons des États du Chili et du Pérou:
– Qu’ils adoptent immédiatement des mesures concrètes pour garantir la vie et l’intégrité personnelle des défenseures Machi Francisca Linconao, Máxima Acuña et Juana Calfunao et leurs familles, en accomplissement des mesures de protection accordées par la CIDH.
– Qu’ils enquêtent et punissent les auteurs physiques et intellectuels des nombreuses violations dont elles ont été victimes.
– La libération immédiate et définitive de Machi Francisca Linconao et le paiement d’une compensation appropriée pour les dommages causés au cours des périodes successives d’emprisonnement.
– Le respect de la Convention 169 de l’OIT qui garantit les droits à la terre, à l’autonomie et à la participation des peuples autochtones et qui empêche l’exécution de projets de développement qui les menacent.
– La reddition de compte et l’imposition de sanctions aux entreprises et à leurs agents qui bafouent continuellement les droits humains et les droits collectifs des peuples autochtones.
– La promotion d’un environnement sécuritaire et propice à la défense des droits environnementaux et des femmes, en s’abstenant de criminaliser les défenseures, ainsi que la punition des fonctionnaires engagés dans de telles pratiques.
Nous exhortons les mécanismes régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme à:
– intervenir de façon urgente et d’exiger des États le respect des droits fondamentaux des femmes défenseures, le respect des mesures de protection et la cessation de l’impunité dans ces cas et tous les cas de violations de la région.
– En particulier, nous exhortons instamment à la Commission d’accorder des mesures de protection à la Machi Francisca Linconao.
À la société civile:
Nous lançons un appel aux organisations des droits humains, d’écologistes, de femmes et de féministes de l’Amérique latine à persister dans la plainte et la documentation de toutes ces violences contre les défenseures de territoires, et de renforcer la coordination et la solidarité pour garantir leur vie et leur intégrité.
Signé par :
Fondo de Acción Urgente para América Latina y el Caribe FAUL- AL
Association for Women in Development- AWID
Instituto Internacional de derecho y Sociedad- IIDS
Red de Apoyo a la Machi Francisca Linconao
Fondo Centroamericano de Mujeres- FCAM
Fondo de Mujeres del Sur
Fondo de Mujeres Bolivia- Apthapi Jopueti
Sociedad Mexicana Pro- derechos de la Mujer- Fondo Semillas- México
Fundación Colectivo Alquimia Fondo para mujeres FONDO ALQUIMIA- Chile
Fondo Lunaria- Colombia
Enlace Continental de Mujeres Indígenas de las Américas- ECMIA
Red Latinoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Sociales y Ambientales
Unión Latinoamericana de Mujeres- ULAM
Organización Fraternal Negra Hondureña OFRANEH- Honduras
Organización La Esperanza de Mujeres Garífunas de Honduras OLAMUGAH- Honduras
Red de Sanadoras Ancestrales del Feminismo Comunitario – Guatemala
Asociación de Mujeres Aq’ab’al- Guatemala
Organización de Mujeres Mamá Maquín- Guatemala Red Nacional de Mujeres en Defensa de la Madre Tierra – RENAMAT Bolivia Colectivo de Coordinación de Acciones Socio Ambientales CASA- Bolivia
Coordinadora Nacional de Organizaciones de Mujeres Trabajadoras Rurales CONAMURI – Paraguay
Consejo Nacional de la Mujer Indígena CONAMI- Argentina
RAP-AL – Uruguay
Red de Mujeres de Condega- Nicaragua
Mujeres Ambientalistas de Metapán Luz y Esperanza- El Salvador
Joven Siglo XXI- Nicaragua
Mujeres Ambientalistas del Sur- Nicaragua
Colectivo por la Autonomía- México
Frente de Mujeres Defensoras de la Pachamama – Ecuador
Movimiento Ríos Vivos- Colombia
Escuela Mujer y Minería CENSAT Agua Viva – Colombia
Mujeres del Común- Colombia
Movimiento Social en Defensa de los Ríos Sogamoso y Chucuri- Colombia
Fuerza de Mujeres Wayuú- Colombia
Consumo Ético- Panamá
Familiares de Presos/as Políticos/as Mapuche Lafkenche- Chile
Mujeres Defensoras del Río Pilmaiken – Chile
Madres de Ituzaingó Línea Fundadora – Argentina
Organización Nacional de Mujeres Indígenas Andinas y Amazónicas del Perú – ONAMIAP- Perú
FEMUCARINAP – Perú