On continue de nous assassiner…
Le Mouvement Rios Vivos Antioquia et le la région du Bajo Cauca de Antioquia sont de nouveau en deuil. Dans la soirée du 8 mai, dans le secteur du Pescado, à Puerto Valdivia, alors qu’il exerçait son travail d’arpailleur, notre camarade Luis Alberto Torres Montoya, 35 ans, a été assassiné. Il laisse une femme et trois enfants ainsi que son frère de 20 ans, Duvian Andrés Correa Sanchez. Luis Alberto Torres Montoya faisait partie de l’Association de petits mineurs et pêcheurs de Puerto Valdivia-AMPA, articulée au Mouvement Rios Vivos.
Ce grave événement a eu lieu à moins de huit jours de l’assassinat de notre camarade Hugo Albeiro, de la même municipalité, et dans un contexte où les communautés sont en train de préparer une nouvelle série de mobilisations de protestation afin qu’Empresas Publica Medellin- EPM reconnaisse les nouvelles conséquences qu’elle provoque dans la zone avec son projet Hidroituango. Celles-ci sont causées par la réduction drastique des eaux qui se trouvent au bas du mur du barrage, suite aux effondrements qui ont bloqué le passage des eaux et provoqué la panique et l’angoisse de la population.
Nous espérons que, face à ces événements, l’action de la Police d’Antioquia ne se limitera plus à discréditer et à ignorer le travail de leadership et de défense des droits humains et environnementaux que nous, les membres de Rios Vivos, exerçons. Nous nous attendons, au contraire, à des actions décidées à répondre à la complexité du contexte social de la zone du Bajo Cauca et autres régions, qui, par le biais d’assassinats sélectifs, perdent chaque jour une vie innocente d’un agriculteur, d’arpailleurs ou de pêcheurs engagés dans la défense de la vie et de leur territoire.
Nous demandons pour la énième fois que le Ministre de l’Intérieur réponde à notre appel afin de mettre en place un Plan de protection et de prévention collective du Mouvement Rios Vivos.
Nous demandons de façon urgente que l’ANLA (autorité nationale de permis environnementaux) se prononce sur la visite technique d’urgence réalisée par le projet Hidroituango suite à l’obstruction des tunnels créés par le projet.
Nous demandons que le Gouvernement d’Antioquia, plus grand investisseur du projet, respecte les engagements pris avec Rios Vivos dans le cadre de la Table pour des solutions aux conflits minéraux-énergétiques.
Nous demandons que le Bureau du Procureur enquête sur l’agissement des fonctionnaires et institutions qui ont bafoué systématiquement les accords avec Rios Vivos Antioquia. Si le Gouvernement d’ Antioquia, la mairie de Valdivia, l’ANLA et l’AUNAP (Autorité nationale d’agriculture et de la pêche) avaient entrepris des démarches, conformément à ces accords, les catastrophes actuellement subies par la région et la nation auraient pu être évitées. Nous demandons également que le Bureau du Procureur environnemental enquête avec promptitude les événements entourant les effondrements, assèchement de sources d’eau, plans de contingence qui ont donné lieu à la situation d’urgence social, économique et environnemental dans la zone affectée par Hidroituango. Il est nécessaire que cette instance de contrôle fasse une déclaration publique.
Les deux membres de Rios Vivos ont été assassinés sans avoir été reconnus comme affectés par Hidroituango, sans avoir obtenu la caractérisation socioéconomique. Il est urgent que l’entreprise EPM révise ses procédures et établisse un processus de reconnaissance qui prenne en compte des réalités socio-culturelles et des séquelles laissées par le conflit armé dans la zone.
Ces assassinats et l’impunité que nous avons observée freinent les efforts de construction de paix territoriale pour lesquels nous nous sommes engagés en tant que mouvements sociaux de Colombie. Ainsi, nous faisons un appel au gouvernement national afin qu’il réponde et freine les assassinats de leaders en Colombie.
Nous lançons également un appel aux organisations nationales et internationales afin qu’elles continuent de manifester leur solidarité avec notre mouvement et avec les familles des victimes et nous les encourageons à continuer d’exiger des actions pertinentes de la part de l’État et des institutions.
Que la paix ne soit pas au prix de notre vie,
Les eaux pour la vie, pas pour la mort!