La lettre ouverte, signée par douze organisations de la société civile canadienne, rejetant la nomination de Jorge Londoño comme ambassadeur de Colombie au Canada, a trouvé écho dans les médias canadiens. Voici l’article publié par Luis Alberto Laborda sur le site de Radio Canadá Internacional.
Des entités civiles du Canada et d’Amérique latine ont exprimé leur opposition à la nomination du futur ambassadeur de Colombie à Ottawa et ont demandé qu’elle soit annulée.
Les organisations, dont le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), Alianza de Solidaridad y Acción por Colombia (CASA) et Miningwatch Canada, ont exprimé leur rejet de la nomination de Jorge Londoño de la Cuesta comme ambassadeur de Colombie au Canada, ancien directeur général de Empresas Públicas de Medellín (EPM).
Cette entreprise est responsable de superviser le projet hydroélectrique Hidroituango, qui a été identifié comme source de dommages environnementaux importants et comme cause de violations des droits humains dans la région.
Demande d’annulation
Dans une lettre ouverte adressée au président colombien Ivan Duque et au ministre canadien des affaires étrangères François Philippe Champagne, les signataires ont exprimé leur rejet de la nomination de M. Londoño, le qualifiant d’« imprudent » et le tenant pour responsable de la « douleur et de l’injustice qui se sont produites alors qu’il était » à la direction de EPM.
Le mégaprojet hydroélectrique, dont le financement comprend d’importants investissements de capital canadien, a été réalisé malgré l’opposition des communautés touchées, qui ont dénoncé dès le début des travaux la corruption et les violations des droits humains, ainsi que les dommages que le projet impliquait pour l’environnement local.
Jorge Londoño a été responsable de EPM et était chargé de superviser le projet jusqu’en décembre 2019, date à laquelle il a démissionné.
En 2018, le barrage a subi des dommages importants lorsqu’un tunnel s’est effondré, provoquant des inondations et l’évacuation de milliers de personnes dans la municipalité d’Ituango et dans le village de Puerto Valdivia, dans le département d’Antioquia.
Selon les signataires, quelque 130 000 personnes demeurent déplacées à ce jour, incapables de retourner à leur lieu de résidence d’origine.
Les enquêtes menées après la tragédie ont confirmé que le tunnel effondré ne faisait pas partie du projet initial, mais que sa construction avait été approuvée par l’organisme de régulation afin d’accélérer les travaux, malgré l’opposition du conseil consultatif technique du projet.
L’approbation de la modification des plans originaux a été accordée un an avant l’obtention de la licence requise par les autorités environnementales, circonstance que les signataires qualifient d’illégale.
La lettre ouverte envoyée au président colombien indique que « les communautés touchées n’ont toujours pas reçu à ce jour une indemnisation adéquate pour les dommages subis par les inondations, qui ont détruit des maisons, affecté les moyens de subsistance et laissé de graves séquelles culturelles et psychosociales sur leurs passages ».
Les travaux d’Hidroituango et son financement
Hidroituango est un mégaprojet d’ingénierie, qui implique la construction et la mise en service d’un barrage avec 8 turbines, capable de produire 2 400 mégawatts d’électricité.
Le barrage est situé dans le département d’Antioquia, à 170 kilomètres de la ville de Medellín. Depuis 2018, la construction a été interrompue et il n’y a aucune certitude que le complexe sera opérationnel d’ici 2025, comme l’avaient prévu les autorités colombiennes.
Le projet a été réalisé sur des terres dont on avait demandé la préservation parce qu’elles contenaient les corps de centaines de victimes de la violence armée qui a secoué le pays pendant des décennies.
Une partie du financement d’Hidroituango provient du Canada.
La Caisse de dépôt et placement du Québec a investi 325 millions de dollars dans ce projet qui a été dénoncé par les instances internationales pour les violations des droits humains commises lors de sa mise en œuvre. Les violations comprennent le déplacement forcé de personnes qui ont été expropriées et expulsées de leur terre contre leur volonté. Il y a également la contamination des terres utilisées pour la production agricole, qui constituait le gagne-pain de ces habitant.e.s et, selon de nombreux rapports, il y a eu des actes de violence qui, dans certains cas, ont entraîné la mort.
Il y a quelques mois, la participation canadienne au projet a conduit diverses entités civiles, dont le Mouvement Ríos Vivos, à organiser une tournée au Canada pour demander le désinvestissement dans le projet.
Nomination inacceptable
La lettre ouverte demandant le retrait de la nomination du prochain ambassadeur de Colombie au Canada indique que « EPM, alors dirigée par M. Londoño, a violé les réglementations environnementales du pays et a effectué des travaux sans avoir les permis et les accords respectifs avec les communautés. En outre, M. Londoño fait également partie des personnes faisant l’objet d’une enquête du Contrôleur général de la Colombie pour leur présumée responsabilité fiscale dans les irrégularités du projet hydroélectrique de Hidroituango, qui auraient causé un préjudice estimé à 4 milliards de pesos » au pays.
La lettre indique également que les signataires craignent que la nomination de l’ancien directeur général de EPM comme ambassadeur au Canada « soit une tentative d’obtenir un plus grand soutien politique et financier pour le mégaprojet, qui a déjà bénéficié de ressources considérables de l’agence gouvernementale canadienne Exportation et développement Canada (EDC) et de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) » et ajoute que cette initiative et d’autres « ont historiquement eu de grands impacts sur l’environnement et sur les moyens de subsistance des communautés, qui sont souvent retirées de la prise de décision et qui ne sont pas indemnisées adéquatement pour les dommages causés par les activités extractives ».
Outre la signature du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), de l’Alianza de Solidaridad y Acción por Colombia (CASA) et de MiningWatch Canada, la lettre envoyée à la présidence colombienne a été soutenue par les entités Campagne lavons les mains sales de la caisse, Centre international de solidarité ouvrière (CISO), Common Frontiers, Groupe de travail conjoint sur la Colombie de Common Frontier, Conseil central Montréal métropolitain de la CSN, KAIROS: Canadian Ecumenical Justice Initiatives, Christian Peacemaker Teams-Canada, Inter Pares et le Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC).
Cliquez ici pour voir l’article original sur le site de Radio Canada International (en espagnol seulement)
Pour de plus amples informations sur le sujet :
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