Bakatá, le 1er septembre 2021. L’Organisation nationale autochtone de Colombie, ONIC, Autorité nationale du Gouvernement autochtone, consciente de l’existence des 115 Peuples et Nations autochtones de Colombie, exprime son indignation. L’organisation rejette catégoriquement le traitement médiatique de la Convention sur la Diversité Biologique réalisé par la Présidence de la République de Colombie, le lundi 30 août dernier lors du lancement de la PreCOP. L’événement s’est déroulé dans la Maloca de la communauté autochtone Jusy Monilla Amena de l’Amazonie colombienne. Cette communauté est une organisation aux buts touristiques. Il ne s’agit ni d’un représentant politique, ni d’une organisation représentant les 10 026 habitants regroupés dans 11 « resguardos » et communautés légalement constitués au Trapèze amazonien. La communauté n’est pas non plus l’une des organisations affiliées à l’ONIC.
L’engagement d’un opérateur de services touristiques par la Casa de Nariño a fait semblant d’inclusion et de dialogue avec les communautés et les peuples autochtones, un acte de manipulation évident. De nombreuses voix issues de l’opinion publique, de la communauté nationale et internationale ont exprimé leur colère et leur indignation Cette moquerie ne respecte pas nos cosmogonies et nos coutumes. Elle ne respecte pas le dialogue interculturel. Elle ne répond qu’à un spectacle médiatique.
La pandémie, dont nous avons tous et toutes souffert, a causé des pertes massives de diversité biologique. Il est impératif que le gouvernement prenne au sérieux le dialogue avec les organisations et les autorités autochtones, car elles représentent la voix légitime des peuples autochtones. La crise climatique et le programme politique qui garantit la conservation de la biodiversité, la protection et la transmission générationnelle des connaissances traditionnelles des peuples et nations autochtones essentielles à leur préservation sont des sujets d’une grande importance. Le gouvernement national dirigé par le Dr. Iván Duque Márquez devrait aborder toutes ces questions avec le respect et la profondeur qui leur sont dus.
Dans certaines cultures amazoniennes, l’utilisation de la « banque de pensées » fait partie de la formation d’un homme. Lorsque le gouvernement convoque les peuples autochtones, nous nous asseyons volontiers à leur table. Dans le département de l’Amazonas, il existe une table composée des associations d’autorités traditionnelles dont les fonctions incluent l’interlocution avec le gouvernement. Ce sont des dirigeants élus par le biais des processus collectifs, organisationnels et politiques à cette fin. L’image diffusée par les médias révèle que les autochtones n’étaient pas là en tant qu’interlocuteurs. Le gouvernement n’avait donc pas l’intention d’aborder la question de la conservation de la biodiversité avec les habitants protecteurs du territoire le plus riche en biodiversité de la planète, de la plus grande forêt vierge de la planète. Le gouvernement national reçoit aujourd’hui d’importantes sommes d’argent de la coopération internationale et il est poussé par les voix de nombreux gouvernements européens et mondiaux à donner une participation réelle et effective aux peuples et nations autochtones. Pour cette raison, cette image médiatisée est particulièrement désolante.
Les communautés, les nations et les peuples autochtones de Colombie vivent, souffrent et résistent aux impacts du conflit armé sur leurs territoires, ainsi qu’à la persistance de projets extractivistes, de monoculture agro-industrielle; des projets miniers, énergétiques et hydroélectriques entraînant l’extermination physique, culturelle et spirituelle des peuples et de leurs écosystèmes.
Nos appels constants au « retour à la terre » font sourde oreille au sein des grandes corporations économiques qui servent les intérêts du grand capital. Nous sommes profondément blessés par l’inaction, l’omission et la complicité du gouvernement national dans la protection de la vie des leaders autochtones et environnementaux. En Colombie, 65 leaders environnementaux ont été assassinés durant l’année 2019. Entre juillet 2020 et 2021, il y a déjà plus de 40 assassinats. L’Observatoire du Conseil pour les droits des peuples autochtones, les droits humains et la paix ONIC a enregistré en 2021 56 menaces et 33 meurtres contre les communautés, les peuples, les dirigeants et les leaders autochtones par des acteurs armés sur tout le territoire national.
Cette décennie est définitive pour faire face à la crise climatique, mais aussi à la perte massive de la biodiversité: l’humanité doit changer les modèles de développement destructeurs qui ont provoqué ces catastrophes. L’ambition et les mécanismes de mise en œuvre des objectifs 2030 et 2050 en matière de biodiversité, discutés par les États lors de la présente Pré-COP et de la COP en octobre de cette année en Chine, vont définir l’avenir des sociétés humaines.
La Cour constitutionnelle a déterminé que le gouvernement national et le gouvernement autochtone doivent siéger à la table ronde permanente de consultation des peuples autochtones, dans le cadre de la consultation sur le plan de développement national 2018-2022. Vos ministres et vice-ministres ont rencontré sur place les organisations représentatives des peuples autochtones. Nous vous invitons, avec le respect et le sérieux que l’occasion exige, à visiter cet espace légitime de dialogue. Nous vous invitons à vous réunir pour créer les transformations sociales nécessaires qui permettront d’enrayer la perte massive de la diversité biologique, l’un des risques graves et irréversibles auxquels le pays est confronté aujourd’hui. Ce travail conjoint pourra, peut-être, bâtir un modèle du « Bon vivre” pour tout le monde, soit une intégration constitutive de la nature comme source de vie.
Enfin, nous demandons au Président Iván Duque Márquez de prendre part au dialogue aux côtés des autorités autochtones et non auprès d’organisateurs de voyages touristiques. Nous pourrons ainsi parler directement des questions de biodiversité, du bien-vivre et de notre mandat de « retour à la terre ».
Pour cela, nous demandons au président Iván Duque de convoquer la Table ronde permanente de concertation – MPC, instance de dialogue et de concertation, qui est compétente en la matière, dont le mandat normatif est le décret 1397 de 1996 et dans laquelle siègent les ministres de l’Intérieur, de l’Environnement et du Développement durable.
Nous sommes impatients d’avoir de vos nouvelles.
Source : ONIC
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