– Les communautés qui défendent le territoire et l’environnement sont en danger
– L’État mexicain doit donner la priorité aux droits sur les intérêts des entreprises
C’est avec une grande inquiétude que nous avons appris la situation très grave dans laquelle se trouvent les communautés paysannes et autochtones de la vallée d’Ocotlán. Depuis 11 ans, la société minière Cuzcatlán, détenue par l’entreprise canadienne Fortuna Silver Mines, extrait de l’argent et de l’or sans l’autorisation sociale des communautés. Aujourd’hui, le ministère de l’environnement et des ressources naturelles (SEMARNAT) est sur le point d’approuver une prolongation du permis environnemental de la société minière.
Un projet né de la violence et de l’impunité
Nous rappelons qu’il y a dix ans, Bernardo Méndez Vásquez et Bernardo Vásquez Sánchez, tous deux citoyens de San José del Progreso, siège du projet minier, ont été assassinés. Tous deux étaient des défenseurs du territoire, de l’environnement et de la vie, et des opposants au projet minier de Cuzcatlán. Lors de plusieurs événements violents survenus au cours des premières années d’exploitation minière, plusieurs autres personnes ont été gravement blessées.
À la suite de cette vague de violence, l’entreprise a initié un processus de cooptation et de division à San José del Progreso. Des citoyens et des citoyennes de San José ont dénoncé à différentes occasions la présence de groupes armés. Aucune agence gouvernementale n’y a prêté attention; les meurtres de défenseur.e.s se sont poursuivis en toute impunité et le tissu social de la communauté s’est fracturé.
Pollution et non-réparation
En 2018, le barrage de résidus de ce projet minier a débordé à deux reprises, provoquant le déversement de déchets polluants dans le lit de la rivière El Coyote. Les villages de Magdalena Ocotlán, Monte del Toro, San Matías Chilazo et San Pedro Apóstol présentèrent leurs dénonciations respectives devant le Procureur Fédéral de la Protection de l’Environnement (Procuraduría Federal de Protección al Ambiente (PROFEPA) en espagnol) au sujet de la contamination mettant en danger les puits d’eau potable et l’aquifère de la région.
Les autorités environnementales ont visité le projet minier, sans jamais faire appel aux communautés affectées.
Concernant la rivière El Coyote, il n’y a pas eu de processus de réparation ou d’assainissement. Trois ans plus tard, il y a toujours des résidus polluants dans la rivière. Pour les communautés touchées, il n’y a pas eu non plus de réparation des dommages subis.
La situation de l’eau est un thème préoccupant pour les communautés. Dans les trois dernières années, il y a eu une diminution alarmante des puits, principalement ceux qui sont utilisés pour l’eau potable. Dans le cas des villages de Magdalena Ocotlán, Monte del Toro, El Vergel, San Martín de los Cansecos et San Matías Chilazo, il y a eu un manque d’eau.
Construction à l’abri de toute légalité
De plus, l’entreprise minière a construit 75 chantiers de manière illégale au fil des dernières années, sans tenir compte de l’étude d’impact environnemental originale pour laquelle elle a déposé en 2019 et 2020 les permis environnementaux « San José II ». Les deux permis furent refusés par la SEMARNAT pour ne pas avoir pris en compte les impacts cumulatifs, synergiques et résiduels des travaux et pour avoir violé le droit des communautés à un environnement sain.
En 2021, la société minière a de nouveau demandé à SEMARNAT un « nouveau » permis environnemental, appelé cette fois-ci « mise à jour des travaux et des activités ». Durant cette même période, la société minière a également demandé une extension de l’étude d’impact environnemental initiale.
Consultations autochtones : absence des autorités fédérales
Les communautés ont exigé que l’agence respecte leur droit à l’autodétermination, au territoire et à un environnement sain. Elles ont donc rencontré à deux reprises María Luisa Albores, directrice de SEMARNAT, qui a promis de participer à un processus de consultation organisé par et pour les communautés.
Les consultations ont eu lieu les 10 et 11 décembre 2021, au cours desquelles les autorités locales ont remis six mille signatures contre le projet minier, dix actes de territoire interdit à l’exploitation minière et deux déclarations régionales. SEMARNAT ne s’est jamais présenté, ne respectant ainsi pas les accords conclus précédemment.
Autorisation environnementale contestée
En plein processus de dialogue avec les communautés affectées, le 14 décembre 2021, SEMARNAT a informé la société minière de l’autorisation des permis environnementaux pour 12 années supplémentaires d’exploitation commerciale.
Dans sa résolution, l’agence n’a fait aucune mention des meurtres, des travaux irréguliers, de la contamination de l’eau ou du stress hydrique dans l’aquifère. Pour les communautés organisées au sein du Front Non à la minière pour un futur de tous et toutes (Frente No a la Minería por un Futuro de Todas y Todos), cette approbation représente une trahison.
« Il est scandaleux que la politique environnementale continue de désavantager les peuples et les communautés », affirment les communautés, qui préviennent que les dommages sociaux et environnementaux de l’entreprise minière touchent 25 000 personnes dans la région d’Ocotlan-Ejutla-Tlacolula.
Il convient de mentionner que le permis environnemental initial du projet minier de Cuzcatlán a expiré le 23 octobre 2021. L’entreprise continue de fonctionner sous protection, bien que ses prêteurs aient fixé la date limite du 18 février 2022 pour clarifier cette situation.
Le 4 février 2022, la société minière Fortuna Silver Mines a annoncé publiquement qu’elle avait reçu une notification de SEMARNAT indiquant qu’elle avait commis une erreur typographique : ce ne sont pas 12 ans qui sont autorisés, mais seulement deux. La société conteste cette correction, et SEMARNAT n’a toujours pas publié la décision finale concernant le permis environnemental dans son journal officiel.
Face à cette situation:
- Nous exprimons notre profonde inquiétude face au climat d’insécurité et de menaces qui met en danger la vie des défenseur.e.s des droits humains et demandons instamment aux autorités mexicaines de garantir leur intégrité physique et psychologique;
- Nous exigeons que l’État mexicain protège les droits des communautés qui défendent l’eau et leurs territoires;
- Nous rappelons que, parmi d’autres engagements internationaux, le Mexique a signé, en 2021, l’accord d’Escazú, qui oblige le pays à promouvoir la protection des défenseur.e.s de l’environnement et du territoire;
- Nous suivrons de près les déclarations des communautés de Oaxaca dans leur défense légitime contre ce projet minier dans les semaines à venir.
Texte original: Oaxaca Denuncia
Photo: Santiago Navarro F.