Publié par Eugenio Fernández Vázquez dans Pie de Pagina, le 29 mai 2023
La clé pour changer l’ordre des choses est majoritairement entre les mains du gouvernement fédéral et des gouvernements des États, mais surtout entre les mains du Congrès de l’Union. Le gouvernement fédéral et ceux des États doivent décider de quel côté ils sont, s’ils sont avec les producteurs et les citoyens ou avec les capitalistes et ceux qui veulent nous voler le monde.
Les producteurs de café Crisanto Valiente, Minervo Cantor et Abraham Cabal, ainsi que Cirio Ruiz González, président du Conseil régional du café de Coatepec, ont été arrêtés à Veracruz, en violation flagrante des procédures légales et de leurs garanties individuelles. Quatre autres personnes sont toujours en liberté, bien que des mandats d’arrêt aient été émis à leur encontre dans la même affaire. Ils sont accusés, sans aucune preuve sérieuse, d’avoir mis le feu au moulin à café d’Agroindustrias Unidas de México, SA (AMSA), le principal acheteur de la région. En réalité, leur crime était de s’opposer au pouvoir de cette énorme transnationale alimentaire qui a décidé de payer des prix bien inférieurs aux prix de référence. Cette dernière abuse de sa domination sur le marché et met en péril les moyens de subsistance de milliers de familles, ainsi que la conservation d’une énorme biodiversité qui dépend du café pour survivre aux pressions de la déforestation dans la région.
Les faits qui leur sont reprochés se sont produits l’année dernière, lors d’une manifestation contre la décision de l’AMSA de baisser le prix qu’elle paie pour le café produit dans la région. Par accord général, le prix mondial fixé à la Bourse de New York est pris comme référence, et il est supérieur aux prix des années précédentes depuis 2022. Lorsque le prix s’est effondré, comme ce fut le cas en 2019, les producteurs ont accepté les règles du jeu et ont dû se débarrasser de leur café. Cependant, maintenant que le prix du café a augmenté, AMSA a refusé de suivre le mouvement et de payer de bons prix. Comme la transnationale – qui appartient à ECOM Trading, l’un des plus grands conglomérats mondiaux de café, de coton et de cacao – possède l’un des rares moulins à café de la région, elle exerce un monopole de fait (comme un monopole, mais pour l’achat, pas pour la vente) qui met les producteurs locaux à genoux. N’ayant pas d’autre endroit où traiter leur produit, ils doivent le vendre rapidement, au risque de le perdre.
La tension entre AMSA et ses acheteurs montre à quel point la situation actuelle est déjà insoutenable : les acheteurs ont dû manifester pour exiger que l’entreprise respecte les règles, et celle-ci a ensuite eu le culot de faire pression sur ses alliés au sein du gouvernement de Veracruz et ailleurs pour mettre les producteurs de café en prison. Le grand capital continue de s’approprier, avec un cynisme croissant, les richesses qui appartiennent à d’autres. Les gouvernements de tous types de niveaux et de couleurs mettent simplement les outils à leur disposition et les producteurs sont laissés sans défense.
La clé pour changer l’ordre des choses est majoritairement entre les mains du gouvernement fédéral et des gouvernements des États, mais surtout entre les mains du Congrès de l’Union. Les gouvernements fédéral et des États doivent décider de quel côté ils sont, s’ils sont avec les producteurs et les citoyens ou avec le capital et ceux qui veulent nous voler le monde. Cela signifie qu’il faut cesser de fabriquer des crimes pour réprimer ceux qui s’opposent à l’AMSA, en l’occurrence, et qu’il faut plutôt construire un environnement économique véritablement juste. Cela signifie, par exemple, que les réformes promises à la Commission fédérale de la concurrence économique ne devraient pas se limiter à traiter les monopoles, mais devraient également être orientées vers la lutte contre les monopoles. Elles pourraient également contribuer à l’instauration d’un dialogue entre les parties.
D’autre part, la Chambre des députés a entre les mains une loi sur le café qui n’est pas parfaite, mais qui permettrait au moins de clarifier le prix de référence pour le secteur du café et de mettre en place des organismes et des instances de défense des producteurs. Si elle n’a pas été approuvée, c’est par manque de volonté et d’engagement. Ce qui s’est passé à Veracruz ces derniers jours montre qu’il est urgent que les députés l’approuvent.
Le café est un secteur extrêmement important pour le pays, bien qu’il soit souvent négligé. La grande majorité des producteurs de café sont indigènes et très pauvres, mais ils peuvent trouver dans le café un outil pour obtenir un meilleur revenu, surtout si des efforts comme ceux de Cirio Ruiz et de ses collègues pour obtenir des prix équitables pour leur produit sont soutenus. De plus, en raison de son écologie, le café est un puissant outil de protection de la biodiversité. Il est urgent de défendre les producteurs, tout comme il est urgent de cesser de participer au jeu du grand capital.