Observatório da Mineração
Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a demandé au président de l’Assemblée, Arthur lira, d’approuver en priorité le projet de loi autorisant l’exploitation minière sur les terres autochtones
Élu au premier tour avec 302 votes pour la présidence de l’Assemblée, le député Arthur Lira (Parti Progressiste – de l’État d’Alagoas) occupera cette fonction pendant les deux prochaines années et sera responsable de mettre à l’ordre du jour ou non les votes de projets stratégiques pour le gouvernement de Jair Bolsonaro.
Parmi eux, le Projet de Loi (PL) 191/2020, qui autorise l’exploitation minière sur les terres autochtones, une priorité du gouvernement depuis le début de la gestion.
Signé par le ministre de Mines et de l’Energie Bento Albuquerque et l’ancien ministre de la Justice Sérgio Moro, le projet de loi (PL) autorise, en plus de l’exploitation et de la prospection minière , des projets pétroliers et gaziers, la construction de centrales hydroélectriques, l’élevage de bétail et la plantation de semences transgéniques. Les peuples autochtones n’auront aucun droit de veto et la consultation préalable ne sera qu’une simple formalité.
Le document divulgué le 3 février 2021 par Valor (site web brésilien) confirme que le PL 191/2020 fait partie des 35 projets de loi inclus dans les projets “prioritaires” de la liste que Jair Bolsonaro a envoyée à Arthur Lira et Rodrigo Pacheco (Parti Démocrate de l’État de Minas Gerais), président du Senát. La liste comprend également le PL 3729/2004, qui favorise davantage l’octroi des licences environnementales, et le PL 2633/2020, de la “Régularisation des propriétés foncières, connu comme le PL d’accaparement des terres.
Une aubaine pour les députés liés à l’exploitation minière et au caucus ruraliste, majoritaire au Congrès. Mais pour les mouvements autochtones et écologistes, cette conjoncture exige un état d’alerte maximale.
Dans la pratique, cela signifie que la commission chargée d’analyser le PL sur l’exploitation minière sur les terres autochtones peut être créée à tout moment, que son traitement devrait être accéléré et que, avec ou sans modifications, il sera mis à l’ordre du jour pour un vote au Congrès dès que possible.
Selon Márcio Santilli, membre fondateur de l’Institut Socio-environnemental (ISA) et ancien président de la Funai, ce sont avant tout les intérêts miniers qui font avancer le PL 191. “Bien que le projet de loi implique divers intérêts, c’est l’industrie minière qui dirige et investit fortement pour son adoption. Ce projet de loi légalise l’exploitation illégale, autorise les crimes qui se produisent déjà sur les terres autochtones et tente de contourner la Constitution”, déclare Santilli.
La tendance est que ce projet de loi se retrouve devant la Cour Suprême Fédérale et que la contestation au Congrès soit forte. “Même si l’intérêt organique de l’extraction minière est une priorité pour le Congrès, il n’est possible de légaliser cette dernière qu’en détruisant la Constitution”, déclare Santilli.
Dans ce différend, le Front Parlementaire Mixte pour la défense des Droits des Peuples Autochtones, dirigé par la seule députée autochtone du Brésil actuellement, Joenia Wapichana (Parti Rede de l’État de Roraima), devrait jouer un rôle important. Créé en avril 2019, le Front rassemble 210 député.e.s fédérales/fédéraux et 27 sénatrices/sénateurs de plusieurs partis différents, bien que le noyau soit formé par les membres de Rede, du Parti des Travailleurs.euses (PT), du Parti Socialisme et Liberté (PSOL) et du Parti Socialiste Brésilien (PSB).
Lorsqu’il a été transmis au Congrès par Jair Bolsonaro en février 2020, le PL 191 a reçu le répudiation des principales organisations autochtones du pays, comme l’Articulation des Peuples Autochtones du Brésil (Apib) et la Coordination des Organisations Autochtones de l’Amazonie Brésilienne (Coiab). La Chambre des populations autochtones et communautés traditionnelles du Ministère Public Fédéral (6CCR/MPF) a également “exprimé son inquiétude » quant aux conséquences du PL.
Le président du Front parlementaire de l’agriculture (FPA), le député Sérgio Souza (Parti Mouvement Démocratique Brésilien de l’État du Paraná), a célébré les élections de Lira et Pacheco, en déclarant qu’il y a maintenant “une grande convergence, de volonté et d’unité”, que le caucus ruraliste de 260 députés va passer “le meilleur moment” et qu’il y a en Arthur Lira “un grand allié » même pour permettre l’exploitation commerciale sur les terres autochtones.
Selon Márcio Astrini, secrétaire-exécutif de l’Observatoire du Climat, avec Lira au pouvoir “nous allons observer au Congrès un flot historique de tentatives permettant d’approuver des reculs environnementaux. Dans ce scénario, l’enfer est la limite.”
Lira a reçu 200 000 R$ d’une compagnie aérienne liée au secteur minier
Lors de sa campagne de 2014 pour le poste de député fédéral, la dernière avec des dons directs d’entreprises, Arthur Lira a reçu 200 000 R$ de Rico Taxi Aéreo, l’un des plus importantes sommes reçues par Lira à l’époque.
Fondé par Munur Yurtsever, surnommé “Commandant Mickey”, dans les années 1960, Rico Táxi Aéreo est depuis des décennies au service des prospecteurs miniers dans les États de l’Amazonie légale. Lors de sa campagne pour la présidence de la Chambre, M. Lira a fait plusieurs fois le tour du Brésil à bord de jets Rico.
Tant Lira que Rico Táxi Aéreo font l’objet d’enquêtes pour corruption et blanchiment d’argent.
Les frères Attila et Metin Yurtseve, propriétaires de Rico Taxi Aéreo, ont été la cible de perquisitions et de saisies de la police fédérale en novembre 2019, soupçonnés d’avoir blanchi de l’argent pour la campagne Eduardo Braga (Parti Mouvement Démocratique Brésilien de l’État d’Amazonie). Selon le lanceur d’alerte Ricardo Saud, ancien directeur de JBS (une des plus grandes entreprises de viande du monde), ils ont utilisé de fausses factures pour dissimuler des pots-de-vin de 6 millions de R$ versés à Eduardo en 2014, lorsque Braga a tenté d’être élu gouverneur de l’Etat d’Amazonas. Le sénateur nie les accusations.
Rico Taxi Aéreo fait également l’objet d’une enquête dans le cadre d’une autre opération de la Police Fédérale contre le détournement de ressources du Système unique de santé (SUS) dans l’État d’Amazonaset, dans le cadre de cette enquête, un avion a été saisi en 2019.
Selon les données de Congresso em Foco, Arthur Lira est impliqué dans huit enquêtes au total. Le député est mis en cause, dans l’une de ces enquêtes à la Cour suprême, d’avoir reçu un pot-de-vin de 106 000 R$ de la part de Francisco Colombo, alors président de la Compagnie brésilienne des trains urbains (CBTU).
Devant la Cour suprême, il répond à cinq enquêtes. Trois analysent les possibilités de corruption active et passive – y compris celle dans laquelle il est devenu l’un des accusés. Il est également poursuivi pour organisation criminelle pour sa participation présumée à un système de détournement de fonds qui a duré une dizaine d’années, causant des dommages de 29 milliards de R$ à Petrobras (compagnie pétrolière brésilienne). Une quatrième enquête porte sur la criminalité liée à la formation de gangs. Dans la cinquième, il a été inculpé pour blanchiment d’argent.
Le projet de loi pourrait aboutir à 20 ans de déforestation en Amazonie
Un étude réalisé par des chercheuses/chercheurs brésilien.ne.s – de l’Université de São Paulo, l’Université Fédérale de Minas Gerais et de l’ISA – et des chercheuses/chercheurs australien.ne.s publiée dans la revue scientifique One Earth en septembre 2020, montre que, s’il est approuvé, le PL 191/2020 pourrait entraîner la perte de 160 000 km2 de forêt en Amazonie, soit une zone supérieure à celle d’un pays comme l’Angleterre. Cela signifierait presque 20 ans de destruction de la forêt autochtone causée par un seul Projet de Loi au regard de la déforestation moyenne des 2 dernières années.
En outre, la proposition causera également des dommages de 5 milliards de dollars US par an en services écosystémiques, en ne considérant que la production d’aliments, comme la noix du Pará, l’extraction de bois et de caoutchouc de manière durable, l’atténuation des gaz à effet de serre et la régulation du climat.
Les États de Roraima et Rondônia progressent vers l’autorisation de la prospection minière
Deux États clés pour l’exploitation minière et administrés par des gouverneurs alliés de Bolsonaro, Rondônia et Roraima, ont récemment transmis des règles régissant la prospection dans les États.
Dans l’État de Rondônia, le gouverneur Marcos Rocha a signé un décret le 29 janvier qui est déjà en vigueur. Le texte autorise l’exploitation minière dans les rivières de l’État et révoque un décret de 1991 qui interdisait la prospection dans le fleuve Madeira.
Le décret révoqué considérait que l’exploitation minière détruisait le fleuve Madeira, de manière irréversible. L’un des plus importants fleuves du monde, le Madeira couvre plus de 1 300 km – Bolivie, Pérou et Brésil – avec plus de 1 000 espèces répertoriées, traversant des zones qui concentrent l’une des plus grandes biodiversités de poissons de la planète.
Dans l’État de Roraima, les député.e.s ont approuvé la libération de l’exploitation minière dans l’État proposée par le gouverneur Antonio Denarium. Dans sa forme actuelle, la prospection ne nécessite pas d’étude préalable et autorise l’utilisation du mercure. Le député Jeferson Alves (Parti Travailliste Brésilien) défend la libération à l’extérieur et à l’intérieur des terres autochtones.
Contrairement au projet, le Conseil Autochtone de Roraima (CIR) et 39 autres institutions se sont positionnées contre l’autorisation de l’exploitation minière, qui représente la légalisation de la destruction de la forêt et la pollution des rivières.
Source: Observatório da Mineração