La plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) affirme que le président est responsable de meurtres, de déplacements forcés et de persécutions contre les peuples autochtones au Brésil.
La progression de la déforestation et des incendies dans la région amazonienne, les attaques du gouvernement Bolsonaro contre les peuples autochtones et le démantèlement d’organismes gouvernementaux, tels que l’Ibama (Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables) et l’ICMBio, ont conduit à une nouvelle plainte contre le président brésilien devant la CPI. Formulée au nom des chefs Raoni Metuktire et Almir Suruí, la requête demande à la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, d’ouvrir une enquête préliminaire afin de déterminer la responsabilité de Jair Bolsonaro et des membres de son gouvernement.
La dénonciation désigne le représentant brésilien comme responsable du crime, du déplacement forcé et de la persécution des peuples autochtones. La déclaration dénonce également la politique de Bolsonaro en matière d’environnement, en revendiquant la reconnaissance de l’écocide – destruction de l’environnement à un niveau qui compromet la vie humaine – comme un crime soumis à l’analyse de la CPI.
« Nous disposons d’une documentation exhaustive qui prouve que Bolsonaro a annoncé, prémédité cette politique de destruction totale de l’Amazonie et des communautés protégées par l’Amazonie », déclare l’avocat français William Bourdon dans une interview à l’agence A Pública. C’est William Bourdon, lui-même, qui a déposé la plainte, en association avec des ONG et d’autres avocat.e.s. « Il [Jair Bolsonaro] a mis en œuvre cette politique dès son arrivée au pouvoir, avec une multiplication de décisions, d’initiatives visant non seulement à détruire toutes les politiques historiques de protection des peuples autochtones, de soutien humanitaire, qui ont été menées pendant de nombreuses années… Mais il s’est compromis, a publiquement appuyé une politique de destruction de l’Amazonie et de sa population », dit-il.
La CPI, basée à La Haye, aux Pays-Bas, est le premier organe international permanent ayant compétence pour juger les auteurs des crimes les plus graves, y compris le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La plupart des cas examinés par cette instance concernent généralement des conflits armés et des violences physiques contre la population.
La CPI peut exercer sa compétence dans trois situations : lorsqu’un État partie dépose une plainte, lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU dépose une plainte, ou à l’initiative de la Cour, qui peut ouvrir une enquête. Dans le cas de la communication d’aujourd’hui, l’intention est que le bureau de la procureure de la Cour internationale examine si les faits signalés relèvent de la compétence de la CPI et s’ils justifient l’ouverture d’une enquête.
Cette dénonciation s’ajoute à une série d’autres plaintes contre le président brésilien présentées devant la CPI. En avril 2020, l’Association brésilienne des juristes pour la démocratie a accusé Jair Bolsonaro de crimes contre l’humanité pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. Des plaintes dans le même sens ont été présentées par le Parti démocratique du travail (PDT) et des dizaines de syndicats de professionnel.le.s de la santé.
Auparavant, en novembre 2019, la Commission Arns et le Collectif de défense des droits humains (CADHu) avaient déposé une plainte contre Bolsonaro pour incitation au génocide et promotion d’attaques systématiques contre les peuplesautochtones du Brésil. En décembre de l’année dernière, le bureau de la procureure générale de la CPI a fait savoir que la Cour allait procéder à un examen de la plainte. C’était la première fois qu’une requête contre un président brésilien « progressait » devant cet organisme. La plupart des plaintes présentées devant la CPI sont préalablement rejetées.
Aux yeux de l’avocat William Bourdon, Bolsonaro « a annoncé, prémédité et mis en œuvre une politique de destruction systématique » et la justice brésilienne n’a pas réussi à mettre fin à ces actes. « C’est bien plus que du harcèlement, c’est bien plus qu’une politique cynique de mépris ; c’est une politique de destruction, par combinaison de nombreux crimes. Et c’est justement la combinaison de tous ces crimes qui caractérise les crimes contre l’humanité », explique-t-il.
Consultez l’entretien ci-dessous :
Quels sont les points les plus critiques de la politique autochtone de Bolsonaro et ce qui a motivé la plainte ?
Bien sûr, il existe de nombreux critères, mais parmi tous, le plus important est que les manifestations de crime contre l’humanité soient inspirées par une volonté clairement politique. Nous disposons d’une documentation exhaustive qui prouve que Bolsonaro a annoncé, prémédité cette politique de destruction totale de l’Amazonie, la communauté protégée par l’Amazonie.
Il a mis en œuvre cette politique dès son arrivée au pouvoir, avec une multiplication de décisions, d’initiatives visant non seulement à détruire toutes les politiques historiques de protection des communautés autochtones, de soutien humanitaire, qui ont été menées pendant de nombreuses années… Mais il s’est engagé, a publiquement approuvé une politique de destruction de l’Amazonie et de sa population. Il ne s’agit donc pas seulement d’accélérer les incendies, mais d’une politique de déplacement forcé de population, de vol de terres, de pollution, d’exécution de militant.e.s.
Les crimes contre l’humanité commis depuis la Seconde Guerre mondiale, après le procès de Nuremberg, étaient considérés comme des exterminations et des exécutions de masse. Au cours des dernières décennies, avec l’émergence d’une nouvelle politique de destruction des vies humaines, le droit a évolué, il est en constante évolution. C’est pourquoi nous y faisons référence dans notre communication à certaines manifestations publiques du bureau de la procureure de la CPI, dans lesquelles il était clairement indiqué qu’un crime écologique majeur – l’écocide – pouvait être considéré comme un crime contre l’humanité. Il doit s’agir d’une politique systématique et généralisée. Et il est clair que Jair Bolsonaro a annoncé, prémédité et mis en œuvre une politique générale de destruction systématique.
Il s’agit donc de bien plus que du harcèlement, c’est bien plus qu’une politique cynique de mépris, c’est une politique de destruction, par la combinaison de nombreux crimes. Et c’est justement l’interaction de tous ces crimes qui caractérise les crimes contre l’humanité. Bien sûr, dans le cadre de la destruction des agences de protection, du licenciement des personnes qui devraient avoir le mandat de protéger ces communautés, etc. Tout cela est décrit dans notre document.
Comme vous l’avez dit, la plainte souligne que Bolsonaro a commis des crimes classés comme crimes contre l’humanité. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous considérez que les actions de Bolsonaro s’inscrivent dans cette dynamique ?
Elle est absolument claire et documentée. Je dois ajouter que, pour cette grande responsabilité, toute mon équipe et moi-même avons consacré plus d’un an à la préparation de ce document et à la collecte de toutes les preuves. Je suis très reconnaissant à mon équipe et à mes collègues brésilien.ne.s, aux ONG brésiliennes, aux ONG françaises qui ont aidé mon équipe, mon cabinet d’avocat.e.s, à préparer ce document.
Ces crimes sont énumérés dans le document comme étant le vol de terres, les déplacements forcés de populations, la persécution politique, des assassinats. Ils sont mentionnés dans l’article 7 du Statut de la CPI et nous pensons que ce qui s’est passé au Brésil depuis l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro peut être qualifié de crime contre l’humanité.
Cliquez ici pour lire l’entrevue au complet (en portugais seulement).
Source : apublica.org
Source photo: Cacique Raoni – divulgacão
Par Rafael Oliveira | 23 janvier 2020