Selon un rapport du Cimi, les cas de violence envers les peuples autochtones ont plus que doublé en 2019.
Confirmant toutes les attentes, la première année du gouvernement du président brésilien Jair Bolsonaro s’est caractérisée par une hausse significative de divers types de violence à l’encontre des peuples autochtones dans tout le pays, selon un rapport du Conseil missionnaire indigène (Cimi).
Le rapport annuel intitulé «Violence contre les peuples autochtones au Brésil» a systématisé les informations recueillies en 2019 et décrit en trois chapitres le cadre dans lequel s’inscrivent la violence et la situation des communautés autochtones. Le rapport a été présenté par le Conseil mercredi dernier (30 septembre 2020) lors d’un événement réalisé en ligne en raison de la pandémie et transmis en direct par les réseaux de Brasil de Fato.
Au total, 113 autochtones ont été assassiné.e.s l’an passé selon les données officielles du Secrétariat spécial de la santé autochtone (Sesai) obtenues par Cimi. Malgré le fait que ce nombre soit légèrement inférieur à celui de l’année précédente (135), le signalement d’autres types de violence s’est élevé à 276 cas en 2019, comparativement aux 110 cas en 2018. Ils ont enregistré 33 menaces de mort, 34 menaces à caractère varié, 20 homicides volontaires (quand il n’y a pas d’intention de tuer), 24 tentatives d’assassinat, 10 cas de violence sexuelle, 13 cas de lésions corporelles douloureuses et 16 situations de racisme et discrimination ethnique culturelle.
L’un des cas les plus médiatisé à l’international, par exemple, a été l’assassinat de Paulo Paulino Guajajara à la fin de l’année dernière, un leader et défenseur autochtone, qui a eu lieu dans la région de Bom Jesus das Selvas, dans l’état de Maranhão, au nord-est du Brésil.
Paulino, connu également sous le nom de «Lobo Malo » (Méchant Loup), faisait partie d’un groupe d’agents forestiers autochtones reconnus comme les «gardiens de la forêt». Lui et d’autres autochtones ont été pris en embuscade sur leur propre territoire, entre les villages Lagoa Comprida et Jenipapo, sur le territoire autochtone Araribóia. Son cas a symbolisé la gravité de la situation et l’extermination des communautés autochtones au Brésil.
Assassinats par omission
L’incapacité des autorités publiques à garantir les droits des peuples autochtones a entrainé une hausse considérable des cas de suicide et de mortalité infantile dans les villages. En s’appuyant sur la Loi de l’accès à l’information, le Cimi a obtenu auprès du gouvernement fédéral des informations selon lesquelles 133 suicides ont eu lieu dans tout le pays en 2019, soit 32 cas de plus qu’en 2018. Les États d’Amazonas (59) et du Mato Grosso do Sul (34) ont enregistré le plus grand nombre de cas.
On observe également une augmentation des cas de mortalité infantile (enfants âgé.e.s de 0 à 5 ans), qui sont passés de 591 en 2018 à 825 en 2019. Il y a eu 248 cas dans l’état de l’Amazonie, 133 dans l’état de Roraima et 100 dans l’État du Mato Grosso.
Pas de délimitation, plus de conflits
Outre la tenue de sa promesse de campagne de ne pas autoriser la délimitation de nouveaux territoires autochtones, le gouvernement Bolsonaro a gelé 27 procédures de régularisation de nouvelles zones, lesquelles ont été retournées par le Ministère de Justice à la Fondation Nationale de l’Autochtone (FUNAI). Selon le Cimi, des 1.298 territoires autochtones au Brésil, 829 (63%) sont en attente de l’achèvement du processus de délimitation et d’inscription des territoires dans les bureaux du registrariat. Sur ces 829, 536 zones n’ont obtenu aucune résolution adoptée par le gouvernement.
Suite à la décision politique de geler les procédures de délimitation des territoires autochtones, les conflits pour les droits territoriaux ont plus que triplé en 2019, passant de 11 cas (2018) à 35. Dans l’un de ces conflits, au Mato Grosso do Sul, l’État avec le plus grand nombre de conflits territoriaux enregistrés, un tracteur adapté a été utilisé par des propriétaires fonciers dans le cadre de graves attaques à l’encontre des communautés autochtones. Selon les habitants du territoire autochtone de Dourados, le tracteur avait un trou sur le côté, à travers lequel des coups de feu étaient tirés dans toutes les directions. D’après la plainte effectuée par des autochtones, les attaques contre les Guaraníes-Kaiowá ont toujours eu lieu entre 23 heures et 4 heures du matin.
Dans l’État d’Amazonas , les autochtones des peuples Apurinã e Jamamadi sont constamment menacés par les propriétaires fonciers qui veulent les expulser du territoire revendiqué. Ils sont actuellement confinés dans une petite parcelle de terre. La FUNAI a réalisé une étude préliminaire sur la délimitation en 2003, mais n’a pas donné suite.
Invasions et exploitation
Les invasions de territoires autochtones, associées à l’exploitation illégale de leurs ressources naturelles, ont augmenté de manière alarmante dans le pays, dénonce le Cimi. Ce dernier attribue cette hausse à la position anti-autochtone du président de la République.
«En 2019, le Cimi a enregistré 256 cas d’invasions de propriété, d’exploitation illégale de ressources naturelles et de divers dommages au patrimoine sur au moins 151 terres autochtones de 143 peuples différents. Ce total équivaut à plus du double des cas enregistrés en 2018 (111)», affirme le rapport.
Dans l’état de Rondonia, par exemple, une vague d’invasions a intensifié la menace qui pèse sur les peuples vivant sur le territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau. Selon le Cimi, rien qu’en avril 2019, on a estimé que plus de 180 envahisseurs sont entrés illégalement sur le territoire. Dans le territoire autochtone des Karipuna, on a constaté la déforestation de près de 11.000 hectares de territoire traditionnel revendus par les envahisseurs, qui trompaient d’ailleurs les acheteurs sur la légalité de la propriété. Lors d’une opération menée par la police fédérale dans la région, des machines, des tracteurs, des documents et des appareils électroniques ont été saisis.
Source : Pedro Rafael Vilela, Resumen latinoamericano.
Photo : Resumen latinoamericano.