Septembre 2022
Le 11 décembre 2020, plusieurs de organisations et réseaux qui luttent pour le respect des droits de l’homme, de la Nature et de l’accès à la justice, ont demandé au gouvernement de l’Équateur de déposer un recours dûment argumenté devant le système judiciaire néerlandais, afin de faire annuler de la sentence arbitrale qui menace les droits de l’homme de plus de 30 000 personnes, paysans et autochtones de six peuples amazoniens. Plus de 260 organisations et collectifs, représentant plus de 280 millions de personnes, ont signé cette demande. Le 28 juin 2022, la Cour d’appel néerlandaise a rejeté en deuxième instance l’appel de l’Équateur visant à annuler la sentence arbitrale en faveur de Chevron. Cette sentence exige notamment que l’État verse une indemnité de plusieurs centaines de millions de dollars à Chevron et que l’État équatorien empêche l’exécution du jugement de Lago Agrio, selon lequel la compagnie pétrolière est condamnée à payer plus de 9,5 milliards de dollars afin de réparer les dommages environnementaux, sociaux et culturels causés par ses opérations pétrolières en Amazonie équatorienne. Ce jugement a été ratifié par toutes les instances judiciaires de l’Equateur.
Jusqu’à présent, l’UDAPT, l’Union des communautés touchées par les activités pétrolières de Texaco (aujourd’hui Chevron), n’a reçu aucune information indiquant que le gouvernement a l’intention de faire appel de la décision néerlandaise devant la Cour suprême des Pays-Bas. D’après ce que nous savons, le 28 septembre 2022 constitue la date limite pour introduire un recours auprès de la Cour suprême néerlandaise. Des organisations et réseaux sociaux équatoriens (CONAIE, CONFENAIE, COICA, CDES, INREDH, FIAN- Ecuador, Amazon Watch, UDAPT) ont écrit cette semaine au Procureur Général de l’État pour lui demander de présenter cet appel, voir carte ici).
Cette affaire inquiète beaucoup les collectifs sociaux, les femmes, les peuples autochtones, les jeunes, les défenseurs de la nature, les paysans, les défenseurs des droits de l’homme du monde entier. Nous sommes préoccupés par le grave précédent qui serait créé en imposant la supériorité d’une sentence arbitrale basée sur un traité bilatéral de protection des investissements (TBI) par rapport à un jugement ratifié par toutes les instances judiciaires d’un État de droit, qui protège les droits fondamentaux de plus de 30 000 personnes. En outre, nous considérons les actions du gouvernement équatorien avec une grande inquiétude. L’Équateur préside le groupe de travail, le processus de construction et d’approbation du Traité contraignant, conformément à la résolution 26/9 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur les sociétés transnationales et les droits de l’homme, dans le but de mettre fin à l’impunité des sociétés transnationales telles que Chevron, qui commettent de graves violations des droits de l’homme dans le monde.
Nous rappelons que l’État équatorien a l’obligation de protéger ses citoyens et la nature ainsi que de garantir un accès effectif à la justice. A cet égard, il faut comprendre que l’exécution d’une sentence fait partie de l’accès à la justice. Empêcher l’exécution d’un jugement revient à violer ce droit. La sentence arbitrale est contraire à la constitution équatorienne et viole la séparation des pouvoirs. Le jugement de Lago Agrio a déclaré Chevron coupable et condamné la transnationale à payer les réparations pour les dommages causés. En outre, l’Équateur a signé plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tels que la Convention américaine relative aux droits de l’homme, qui stipule, au chapitre I, article 25 sur la protection judiciaire, que « toute personne a droit à un recours simple et rapide, ou à tout autre recours effectif, devant une cour ou un tribunal compétent, pour être protégée contre des actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou les lois de l’État intéressé ou par la présente Convention, alors même que cette violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles… » et la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule dans son article 8 : » Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. »
Dans cette perspective, nous vous demandons instamment de ne pas interférer dans le procès privé entre les communautés affectées par les operations pétrolières et Chevron et de respecter votre devoir de garantir l’accès à la justice à vos citoyens et la sécurité juridique, soit en particulier :
– de présenter un recours devant la Cour suprême de justice des Pays-Bas avant le 28 septembre sur la base d’une défense adéquate, conformément au droit constitutionnel équatorien, aux traités et autres instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme, à l’environnement et aux droits des peuples autochtones.
– de respecter le jugement équatorien de Lago Agrio afin de réparer les dommages causés par les opérations pétrolières de Chevron et ne pas intervenir dans les tribunaux étrangers pour empêcher les actions d’exécution (exequatur) entreprises par les plaignants dans l’affaire Lago Agrio.
– d’informer de manière opportune, adéquate, suffisante et transparente les signataires de la présente lettre, et en particulier les personnes affectées organisées dans l’UDAPT, afin qu’elles puissent se défendre contre toute menace à leurs droits.
Nous vous demandons instamment de presenter appel de la décision néerlandaise devant la Cour Suprême des Pays-Bas afin de ne pas créer un précédent en faveur de l’impunité des entreprises dans le monde et de garantir un accès effectif aux communautés équatoriennes dans leur longue bataille pour la justice et la réparation.
DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DEMANDENT À L’EQUATEUR DE FAIRE APPEL DEVANT LA COUR SUPRÊME DES PAYS-BAS.
La Campagne mondiale est un réseau international regroupant plus de 250 mouvements sociaux, organisations de la société civile, syndicats et communautés.
Contact: facilitation@stopcorporateimpunity.org