Face au grand nombre de cas de violences perpétrées par l’État du Chili et ses institutions envers les femmes mapuches, l’initiative d’organiser une journée d’analyse, de réflexion et de dénonciation de cette situation a vu le jour. Cette initiative se concentre particulièrement sur les cas de Machi Francisca Linconao, Iamngen Macarena Valdés et Iamngen Lorenza Cayuhan. Le forum « iñe ngutramkawun; Mujeres, Violencia y Territorio » (Femmes, violence et territoire) a eu lieu dans l’auditorium Salvador Gálvez, au sein de la Faculté d’Ingénierie de l’Université de Concepción et a été organisé par le Colectivo Mujeres Mapuches (collectif de femmes Mapuche) UdeC. Il s’est déroulé durant trois jours et Rubén Collío, werken de Tranguil et conjoint de Macarena Valdés, Jose Cayuan, frère de Iamngen Lorenza Cayuhan, ainsi qu’Ingrid Conejeros, porte-parole de Machi Francisca Linconao, y ont participé.
Trois cas ont été abordés durant le forum. Aucun de ces trois cas ne peut être considéré comme un cas isolé ou inédit dans la réalité quotidienne du peuple mapuche. Grâce à la couverture médiatique que le mouvement contre les violences faites aux femmes a su mettre en place durant cette dernière année, un autre type spécifique de violence a gagné en visibilité. Il s’agit d’une violence moins visible, mais qui n’est pas moins grave pour autant : la violence à l’encontre des femmes mapuches. Ingrid Conejeros affirme que « Lorenza est une prisonnière politique qui a été jugée sans preuve, et il se passe la même chose pour Machi Francisca. Cela a pour cause une violence de la part de l’État qui agit en tant qu’administrateur de la violence à l’encontre de notre peuple. Actuellement ce sont les compagnies forestières et les grands propriétaires terriens qui détiennent le contrôle policier et judiciaire ».
Il a été annoncé il y a quelques jours que 266 effectifs policiers supplémentaires arriveront sur le territoire de Wallmapu. Cette mesure ne répond pas aux indices de délinquance au sein des communautés, mais plutôt à une politique étatique qui criminalise le peuple mapuche et qui prétend contrôler les revendications et le territoire à travers la répression. Ces mesures ne sont pas dues au hasard et ne sont pas pas dénuées d’explication ; l’idée est de renforcer ce stéréotype dans l’opinion publique que les membres de nos communautés sont violent-e-s. Les cas-montages dont sont victimes les familles et l’impunité des responsables sont la preuve de l’immense injustice pour les communautés, qui semblent appartenir à une catégorie inférieure aux yeux de l’État chilien.
Rubén Collío s’est présenté au forum, malgré le fait qu’à peine quelques mois se sont écoulés depuis l’assassinat de sa compagne qui s’est déroulé en présence de son fils d’un an et demi, seul témoin de l’assassinat. Il fait référence à Macarena Valdés en tant que « la Negra » et dit se sentir « bancal » depuis que certains tentent de faire passer l’assassinat de sa compagne pour un suicide. Accompagné de ses quatre enfants, il signale avoir reçu des menaces de la part de l’entreprise RP Global, laissant entendre que sa maison serait incendiée. Depuis la mort de Macarena, d’autres femmes ont également reçu des menaces insinuant qu’elles pourraient subir le même sort que cette dernière.
Fortes et courageuses sont ces femmes qui ont défendu leur terre et leurs familles. Aujourd’hui, deux d’entre elles se trouvent privées de leur liberté et une a été assassinée au nom des intérêts économiques des compagnies extractives. Le mal qui a été fait à ces femmes et à leurs familles est irréparable, mais la lutte des communautés continue et ne s’arrête pas. La défense du territoire a coûté cher, mais elle se maintient avec force ; femmes et hommes continueront à se tenir debout afin d’exiger le droit et le respect qu’ils et elles méritent.
Un appel a été lancé durant le forum pour une nouvelle journée de mobilisation le 12 décembre 2016, en soutien à Machi Francisca Linconao, autorité spirituelle mapuche qui a été emprisonnée injustement pour l’accusation d’un incendie terroriste dans l’affaire Luschinger-Mackay, en vue de laquelle la préparation du procès commence le 19 décembre 2016.