29 mars 2021
Le 26 mars 2021, l’organisation CARIBE AFIRMATIVO a remis le rapport « Entre les silences et les mots : conflit armé, consolidation de la paix et diversité sexuelle et de genre en Colombie » à la Commission de la vérité. Ce document est très pertinent car il est le résultat d’une visite des départements d’Arauca, Caquetá, Cesar, Cauca et Magdalena Medio. Il est important de mentionner que ce rapport a été réalisé avec le soutien de la Fondation Triangle d’Espagne, de l’Agence estrémadure de coopération internationale pour le développement (AEXCID) et de l’ambassade de Norvège en Colombie. Car
Il s’agit du quatrième et dernier rapport remis à la Commission de la vérité et il suscite une discussion car il démontre que les violences subies par les personnes LGBT lors du conflit armé ne sont pas des faits isolés, mais plutôt des dynamiques d’agressions systématiques sur l’ensemble du territoire national, qui sont dues à une violence fondée sur les préjugés et l’imposition d’un contrôle moral et social par les acteurs armés. Ces cruautés visaient à légitimer la guerre et à les exterminer uniquement en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité ou de leur expression de genre diverse qui s’oppose à l’hégémonie d’un système patriarcal prévalant dans les régions et renforcé par le contexte du conflit.
Dans la majorité des récits des victimes et des collectifs LGBT, les menaces par le biais de pamphlets « imformatifs » anti-LGBT et les déplacements forcés sont les principaux faits de persécution. Quant aux intimidations et aux tracts, ils visaient à exercer un contrôle sur la vie quotidienne des individus, afin de persécuter, d’interdire et d’imposer une moralité qui touchait principalement les femmes trans, les lesbiennes et les hommes trans, surtout dans le département d’Arauca, car celles et ceux qui n’obéissaient pas à ces ordres mettaient leur vie et celle de leurs proches en danger.
Être différent n’implique pas seulement de courir un risque, mais aussi de se montrer affectif ou sensuel avec son partenaire dans un espace public. En d’autres termes, il était interdit aux personnes LGBT de se tenir la main dans le parc ou les rues de leur ville ou d’exprimer tout type d’affection, et ceux qui le faisaient ou qui étaient soupçonnés de leur orientation sexuelle ou de leur relation étaient soumis au harcèlement de toutes sortes d’acteurs, tant des groupes criminels que des forces publiques.
La plupart de ces actes de cruauté ont été perpétrés par les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP) et l’Armée de libération nationale (ELN) entre 1990 et 2012. Dans le département du Cauca en particulier, ces intimidations comprenaient également des tentatives d’homicide, des violences sexuelles et des agressions contre des personnes qui n’étaient pas seulement motivées par leur orientation sexuelle diverse, mais aussi parce qu’elles étaient afro-descendantes ou autochtones. Toutefois, les paramilitaires ont également été les acteurs de cette violence disproportionnée qui s’inscrit dans une politique d’horreur imposant des stratégies de régulation du comportement des personnes LGBT en complicité avec les forces publiques. Dans ce cas, la police et l’armée ont exercé des agressions contre les personnes LGBT, telles que des détentions arbitraires qui se sont soldées par des violences sexuelles.
Historiquement, les corps des personnes LGBT ont toujours été des territoires de guerre, sur lesquels des groupes armés ont exercé un contrôle, une violation et une censure à volonté. Dans le cas du département de Caquetá, les FARC-EP ont exercé un système de genre binaire et une régulation de la sexualité, punissant, «corrigeant» et désignant les personnes comme « étranges » ou « déviantes ». En particulier dans les zones rurales où les acteurs armés consolident la violence due aux préjugés et violent les personnes LGBT parce que leur façon de s’exprimer, d’aimer ou de ressentir est loin du modèle de l’homme traditionnel attaché à cette masculinité et aux rôles de genre exigés par la société. Cela conduit à conclure que dans les campagnes, la supériorité des hommes et la soumission des femmes et de la diversité sexuelle prévalent encore.
Dans le cas des départements de César et Magdalena Medio, les répertoires de violence ont cherché à rendre invisible et à annuler le leadership social des personnes LGBT, et cela s’est reflété dans les autres territoires, car nombre de ces personnes ont décidé de s’organiser pour résister à cette continuité d’agressions, apprendre et générer des espaces pédagogiques pour la connaissance de leurs droits humains. Par conséquent, les groupes armés ont cherché à éliminer ces dirigeant.e.s et à interdire toutes sortes d’espaces d’intégration pour les personnes LGBT, il ne s’agissait donc que de rencontres pour générer de la confiance et des liens d’amitié, ce qu’ils ont choisi de faire clandestinement face à cette persécution.
Ainsi, nous sommes face à un panorama de conflits qui n’a pas cessé, et même après la signature d’un Accord de Paix, nous sommes toujours confrontés à des situations de violence qui ne connaissent pas de trêve dans les territoires. Il est vrai que la différence entre les violences actuelles et les précédentes réside dans la résistance et la construction de la mémoire que nous avons réalisée à partir d’organisations de la société civile. Ces collectifs et ces groupes LGBT+ ne veulent pas poursuivre sous un silence qui occulte leurs couleurs, mais s’appuient plutôt sur l’exercice de la mémoire et la recherche pour lutter contre l’impunité et pour prendre conscience que les personnes LGBT ont également souffert pendant le conflit armé. Bien qu’à l’heure actuelle, les persécutions et les menaces à l’encontre des leaders sociaux ne cessent pas, les personnes LGBT s’expriment et ont connaissance de leurs droits humains pour les faire valoir et les respecter, tout en unissant leurs voix comme un cri qui rejette l’impunité.
Source: Caribe Afirmativo