Au cours de la période récente, des centaines de milliers de Colombiens sont descendus dans la rue dans le cadre de manifestations antigouvernementales pacifiques pour protester contre un projet de réforme fiscale néolibérale d’austérité proposé par le gouvernement de droite du président Iván Duque. Le gouvernement a cherché à imposer des hausses d’impôts qui auraient un impact disproportionné sur les personnes les plus pauvres en éliminant les subventions de certains services publics, en taxant les retraites et en gelant les salaires du secteur public pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans, afin d’atténuer la crise économique que connaît la Colombie.
Le gouvernement colombien a répondu par une répression choquante en déployant l’armée contre la population civile. Les militaires et les policiers se sont livrés à des violations systématiques des droits humains, des ONG affirmant que les forces armées ont tiré sur des civils. Les ESMAD (escadrons mobiles anti-émeutes de la police nationale) et les forces armées colombiennes ont tué au moins 26 manifestants, commis 1181 cas de violence policière et 988 détentions arbitraires. Plus de 471 personnes ont été portées disparues en Colombie entre le 28 avril et le 5 mai.
Le gouvernement a entrepris d’autres actions antidémocratiques en suspendant le droit aux manifestations publiques, rendant ainsi illégales les protestations contre les politiques gouvernementales et la participation aux célébrations du 1er mai.
Bien que la réforme fiscale ait déclenché les protestations, ces dernières se sont poursuivies même après que Duque ait retiré sa proposition fiscale controversée. La répression observée ces deux derniers jours n’a rien de nouveau pour les Colombien.ne.s. Les Colombien.ne.s ont manifesté par intermittence depuis novembre 2019 après des années d’insatisfaction à l’égard des politiques gouvernementales, de la baisse des conditions de vie et de la répression étatique. Selon la Banque mondiale, 45 à 47 % des 50,3 millions de Colombien.ne.s vivent sous le seuil de pauvreté.
Les mouvements sociaux colombiens ont déclaré qu’un génocide était perpétré contre le peuple colombien avec la complicité de l’État. Rien qu’en 2021, 35 massacres ont été perpétrés, selon l’organisme local de surveillance des conflits, Indepaz. Certains mouvements autochtones appellent à la démission du président Iván Duque.
En août 2020, le Bureau des Nations unies en Colombie et la Mission de vérification des Nations unies en Colombie ont publié une déclaration commune dans laquelle ils « expriment leur préoccupation face aux massacres et aux assassinats continus de défenseur.e.s des droits humains, de leaders sociaux et d’ancien.ne.s combattant.e.s des FARC-EP. » Depuis la signature des accords de paix de La Havane en 2016, 1146 leaders sociaux, défenseur.e.s des droits humains et membres démobilisé.e.s des FARC ont été assassiné.e.s.
Le Canada a la responsabilité de se prononcer en raison de ses liens politiques et économiques étroits avec la Colombie, étant donné la signature d’un accord bilatéral de libre-échange litigieux en 2008. Depuis lors, le commerce entre les deux pays a prospéré. De plus, la Colombie est devenue une destination importante pour les investissements des entreprises canadiennes, en particulier dans l’industrie extractive, ce qui a entraîné une augmentation des conflits sociaux dans le pays, notamment le déplacement des peuples autochtones. En tant qu’allié clé du gouvernement colombien, le Canada a la responsabilité de s’attaquer à la violence endémique qui frappe la population.
Rien qu’en 2019, le commerce bilatéral de marchandises entre les deux pays a atteint 1,8 milliard de dollars. Le président Iván Duque, une relation fondée sur des liens économiques étroits. Cette année, la Colombie et le Canada célèbrent le 10e anniversaire de leur accord de libre-échange. La Colombie est devenue le 5e bénéficiaire des investissements canadiens en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Nous demandons au Premier ministre Trudeau de suivre l’exemple d’autres leaders mondiaux en condamnant sans équivoque la violence en Colombie et de demander au gouvernement colombien de :
- Démanteler les escadrons mobiles anti-émeutes de la police nationale, ESMAD
- Mettre immédiatement un terme aux violations des droits humains commises à l’encontre de civils participant à des manifestations, et garantir la sécurité de toutes ces personnes, conformément aux normes internationalement reconnues en matière de droits humains ;
- Enquêter et traduire en justice tous les membres des agences de sécurité de l’État responsables de violations des droits humains pendant la grève ;
- S’abstenir de criminaliser et de stigmatiser les protestations pacifiques ;
- Entamer des négociations avec le Comité national de grève et engager un dialogue sérieux avec les acteurs sociaux et institutionnels afin de s’attaquer aux profondes inégalités qui sont à l’origine de ce conflit ;
Source: Common Frontiers