Paris-Genève, le 23 mai 2016. La criminalisation, l’assassinat de Berta Cáceres qui s’en est suivi, et les cas de criminalisation du Conseil autochtone Lenca de Santiago Apóstol à Santa Elena et du Mouvement paysan unifié de Aguan (MUCA) à Bajo Aguán sont des exemples de comment, dans le contexte de mégaprojets énergétiques, de biocarburants ou de production minière, les défenseurs sont l’objet d’attaques, de diffamation et de poursuites pénales qui cherchent à les sanctionner et à entraver leur travail de défense de leurs territoires et de leurs droits, a déclaré la mission de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT).
Compte tenu de la gravité et de la systématisation des attaques contre les défenseurs des droits humains au Honduras, l’Observatoire a réalisé – faisant suite à une première mission qui a eu lieu en avril [1] – une seconde mission internationale au Honduras (Tegucigalpa, La Esperanza et Bajo Aguán) du 4 au 13 mai. L’objectif était d’exprimer sur le terrain leur solidarité et transmettre aux autorités leurs préoccupations au sujet de la persécution et de la criminalisation des défenseurs, qui revendiquent les droits de leurs communautés face aux grands investissements.
Le cas de Berta Cáceres Flores, une figure emblématique de défense des droits humains et du territoire, co-fondatrice et coordinatrice du Conseil civique des organisations populaires et autochtones du Honduras (COPINH), est paradigmatique de la criminalisation et des hauts niveaux de risque et de vulnérabilité auxquels sont confrontés les défenseurs et les défenseuses de droits humains au Honduras, en particulier ceux qui travaillent sur les questions liées à la terre. Avant son assassinat en mars 2016, Berta Cáceres avait été victime de persécution judiciaire en 2013 [2], avec un mandat d’arrêt lancé contre elle, et 33 plaintes de menaces de mort contre sa personne déposées.
À Tegucigalpa, le 6 mai, a eu lieu la première audience des quatre présumés auteurs matériels de l’assassinat de Berta Cáceres. L’un d’entre eux est un employé actif de la compagnie DESA S.A, responsable du projet Agua Zarca, et un autre est un actif majeur de l’Armée du Honduras. Bien que ces arrestations soient une avancée dans un pays avec de hauts niveaux d’impunité, nous dénonçons la secrétivité pénale déclarée pour empêcher que les avocats et la famille de Berta Cáceres aient accès à l’instruction développée par le Ministère. De la même manière, nous appuyons la requête de la famille de Berta Cáceres pour que l’État hondurien accepte une Commission d’enquête de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) pour accompagner le travail de la justice hondurienne afin d’enquêter, de juger et de sanctionner les auteurs intellectuels de l’homicide.
En plus du cas de Berta Cáceres, la Mission a vérifié d’autres cas de persécution et de criminalisation contre des leaders de communautés autochtones et paysannes dans d’autres régions du pays, dans des contextes de défense du territoire. Concrètement, la mission s’est centrée sur les cas de criminalisation de 19 membres du Conseil autochtone Lenca de Santiago Apóstol à Santa Elena, accusés d’usurpation de terres depuis 2014, et de 25 membres du Mouvement unifié paysan de l’Aguán (MUCA) à Bajo Aguán. La mission a constaté que ces défenseurs sont présentés comme des criminels pour entraver leur travail, leur supprimer le soutien de leurs communautés et les punir pour leur position de leader, le tout dans un environnement ponctué par des assassinats et des menaces.
« La reconnaissance publique du travail des défenseurs, comme la consolidation de la justice et la lutte contre l’impunité, est essentielle pour remédier à la criminalisation des défenseurs au Honduras et consolider l’état de droit. » a déclaré la mission.
Dans le cas de Bajo Aguán, l’Observatoire a constaté que, lorsque les enquêtes pénales de crimes graves – tel le cas du massacre de cinq paysans, à Finca el Tumbador, le 15 novembre 2010, dans lequel seraient impliqués des gardes de la compagnie DINANT S.A – n’avancent pas, ceux qui se manifestent pour la revendication de leurs droits continuent d’être criminalisés – tel le cas des membres du MUCA, poursuivis pour des manifestations illégales devant la Cour Suprême de Justice, laquelle, de manière illégale, avait annulé la décision qui leur reconnaissait le droit à leurs terres.
La mission a constaté que la criminalisation des défenseurs des droits humains est associée à un problème structurel d’accès à la terre qui tend à s’aggraver, dans la mesure où l’État hondurien continue de stimuler sa concentration, l’extractivisme et l’agro-industrie.
Finalement, dans un acte supplémentaire de criminalisation des défenseurs du territoire, le 18 mai 2016, le Tribunal d’Amapala a ordonné la détention dans un centre pénitentiaire de Abel Perez et Santos Hernandez, membres de l’Association pour le développement de la péninsule de Zacate Grande (ADEPZA), accusés d’usurpation de terres, de menaces et de dommages, dans le cadre de la procédure de récupération par ADEPZA des plages de Zacate Grande, dans la municipalité d’Ampala, dans le département de Valle. L’Observatoire, qui a visité ADEPZA pendant sa mission en avril, a demandé aux autorités d’offrir toutes les garanties d’une procédure régulière aux défenseurs détenus.
Contexte :
La mission était formée de Luis Guillermo Pérez Casas, représentant de la FIDH auprès de l’OEA et membre du CAJAR en Colombie, Magdalena Garcés, avocate en droits humains au Chili, et Natalia Yaya, responsable du programme au Bureau des Amériques de la FIDH. La mission a été réalisée avec la collaboration des organisations membres de la FIDH dans le pays, le COFADEH et le CIPRODEH, et avec l’appui de l’organisation CEHPRODEC.
L’Observatoire publiera dans les prochains mois un rapport avec les constatations et les recommandations spécifiques sur la situation des défenseurs des droits humains au Honduras, dans lequel seront inclues les conclusions sur le sujet.
L’Observatoire pour la Protection des défenseurs des droits humains est un programme qui a été créé en 1997 par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH, qui vise à intervenir pour prévenir ou remédier à des situations concrètes de répression contre les défenseurs et défenseuses de droits humains.
Pour plus d’information, s’il vous plaît, contactez :
- FIDH : Audrey Couprie / Arthur Manet : +33 1 43 55 25 18 / José Carlos Thissen : +51 95 41 31 650
OMCT : Miguel Martín Zumalacárregui / Chiara Cosentino: + 32 2 218 37 19