L’AMBASSADE CANADIENNE DEVANT LES TRIBUNAUX POUR SON INTERVENTION INDU DANS UN CONFLIT MINIER AU MEXIQUE
Le lundi 25 mars 2019, nous nous sommes rendu à la Cour Fédérale du Canada afin d’exiger justice pour mon père Mariano Abarca, assassiné en 2009 pour avoir dénoncé les impacts négatifs de l’exploitation de baryte par l’entreprise minière « Blackfire Exploration », ainsi que les abus qu’a commis l’entreprise sur notre territoire à Chicomuselo au Chiapas.
Le 5 Février, ma famille, Otros Mundos A.C., la Red Mexicana de Afectados por la Mineria (REMA), le centre des droits humains de l’université du Chiapas, et Mining Watch Canada, avons demandé au Commissaire de l’intégrité du secteur public d’ouvrir une enquête sur les actes et omissions de l’ambassade canadienne au Mexique qui ont contribué à créer un environnement mettant en danger la vie de mon père et pour ne pas avoir agi en accord avec les politiques de respect et de protection des droits humains des personnes d’autres pays.
La demande présentée démontre l’appui qu’a donné l’ambassade à l’entreprise, même en ayant connaissance des menaces que cela représentait pour mon père et pour notre famille. Toutes les conclusions présentées sont fondées sur une documentation étendue, obtenue grâce à la loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif. Il y est révélé le rôle essentiel que l’ambassade canadienne a joué pour faciliter les opérations de l’entreprise Blackfire depuis son commencement, jusqu’à sa suspension pour violations environnementales.
Devant le refus qu’a présenté le commissaire d’ouvrir une enquête, nous avons demandé un recours en appel devant la Cour Fédérale du Canada, audience à laquelle nous avons assisté le 25 mars. Aussi, nous avons réalisé une série d’activités avec divers acteurs de la société civile canadienne afin de débattre de l’importance d’ouvrir une enquête sérieuse et impartiale concernant l’ambassade, étant donné la nécessité de rendre justice à mon père Mariano Abarca. Il est également impératif d’enquêter sur les implications qu’a ce cas dans les droits des personnes affectés par les entreprises minières avec capital canadien au Mexique et dans beaucoup d’autres parties du monde.
Aujourd’hui, nous désirons faire savoir que, dans la querelle, l’avocat Patrick Bendin, du Conseil légal du département de justice, a défendu la décision du commissaire de ne pas ouvrir l’enquête. Ce dernier argumentant principalement sur le fait que les politiques citées dans les pages du gouvernement, et référencées dans les témoignages des fonctionnaires public au parlement canadien au sujet de la responsabilité sociale des entreprises et leur rôle dans le contexte de conflits socio-environnementaux entourant la minière, ne sont pas « officielles ». Pour cette raison, les fonctionnaires n’ont pas pu l’avoir violé. Il réaffirma que le commissaire n’a pas le devoir d’ouvrir une enquête et que ce droit est discrétionnaire. Il fut malheureux d’écouter une représentation du gouvernement du Canada, qui n’a démontré aucune rigueur dans la révision des documents présentés et qui qualifia notre dénonciation concernant les agissements de l’ambassade comme des « spéculations ».
Pour nous, il n’y a aucun doute que mon père a été assassiné pour son rôle de dénonciateur des impacts environnementaux et sociales de la mine Blackfire Exploration. Nous considérons que l’ambassade canadienne au Mexique a été responsable pour avoir exercé des pressions sur nos gouvernants pour favoriser l’entreprise et contrôlé les protestations des communautés, même en sachant que la vie de Mariano était en grave danger. Contrairement aux faibles tentatives de l’avocat du gouvernement canadien d’insinuer que notre demande était basée sur de pure spéculations, il y a de nombreuses preuves évidentes, et nous espérons que la Cour exige une enquête sérieuse sur ce cas.
Aujourd’hui même, alors que la diplomatie économique entre le Mexique et le Canada est d’un grand intérêt pour l’état canadien, pour celui du Mexique et évidement pour les entreprises minières, la minière canadienne continue d’être une menace pour notre territoire. Malheureusement, notre gouvernement a annoncé la minière comme une stratégie de développement du pays et a fait la promotion des investissements canadiens, ainsi que du modèle d’extraction canadien, qui est en train d’être rétabli comme un exemple à mettre en œuvre dans notre pays. Cela met à risque les biens naturels de l’eau, de la terre, de l’aire, tout comme les droits collectifs des paysan.ne.s et des peuples autochtones du Mexique, augmentant également le risque pour ces personnes. Il existe de nombreux rapports qui ont démontré que le modèle d’action des entreprises se positionne contre la sécurité physique et psychologique des défenseurs et défenseuses de la terre et du territoire.
Illustrant les risques graves rencontrées par les communautés affectées par la minière, une étude de l’organisation Proyecto Responsabilidad Corporativa y Justicia (JCAP) a documenté 44 morts, plus de 400 blessés, et plus de 700 cas de criminalisation entourant les conflits miniers liés à 28 entreprises minières canadiennes dans 13 pays d’Amérique latine entre 2000 et 2015.
La famille Abarca et les organisations qui font parties de la Red Mexicana de Afectados por la Mineria (REMA) attendons la décision du juge de la Cour Fédérale du Canada dans quelques mois. Le plus important est que l’état canadien accepte aujourd’hui que la minière canadienne a mis en danger la vie et l’intégrité physique et psychologique de mon père Mariano Abarca, tout comme celle de centaines d’autres défenseurs de l’environnement, affectés par l’extraction minière au Mexique et dans le monde. Qu’il accepte que les entreprises minières agissent avec corruption, tout comme elles criminalisent et menacent les populations. Avant tout, l’ambassade canadienne doit refuser d’appuyer les intérêts économiques et ne doit pas omettre les violations aux droits. Aujourd’hui, nous attendons que le corps diplomatique clarifie son rôle dans la promotion des entreprises à l’étranger et que son engagement face aux droits humains des affectés par les minières cesse d’être une option personnelle et volontaire et redevienne une obligation conforme à ses propres standards de responsabilité sociale.
Nous demandons que l’état canadien et l’état mexicain assument leur responsabilité dans la mort de mon père Mariano Abarca, tout comme dans la promotion des entreprises canadiennes sur notre territoire, et qu’ils s’engagent à respecter, surveiller et protéger les droits humains et collectifs des personnes affectées par la minière.
#JusticepourMarianoAbarca
¡Fuera la minería del país!
La famille Abarca Montejo
Fundación Mariano Abarca A.C.
Otros Mundos A.C.
Red Mexicana de Afectados por la Minería (REMA)
Centro de Derechos Humanos de la Universidad Autónoma de Chiapas
Mining Watch Canada
Signez la pétition demandant justice pour Mariano Abarca. (en anglais)
Écoutez la nouvelle audio produite par le CDHAL concernant le cas.
Photo et source : https://justiciaparamarianoabarca.wordpress.com