Déclaration
Journée internationale d’action pour les rivières et contre les barrages
Unissons nos voix pour les rivières et ses défenseur.e.s
Montréal, 14 mars 2016
Ce lundi 14 mars, c’est la Journée internationale d’action pour les rivières et contre les barrages. Nous, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), souhaitons rejoindre les voix qui s’élèvent pour réclamer justice, résister et dénoncer la privatisation des rivières par les compagnies extractives. En ce jour, une multitude d’actions, de mobilisations, de journées d’activités, de forum communautaires et régionaux, de cérémonies traditionnelles et de projections de documentaires sont organisés, partout dans le monde, qui rendent hommage aux défenseur.e.s des rivières et qui proposent des espaces d’échange et de sensibilisation liés à l’importance des rivières et des impacts des barrages.
Barrages et expropriation
La construction de centrales hydroélectriques, comme stratégie de production d’énergie, cause de profonds dommages à la vie des rivières, ainsi qu’aux communautés qui en dépendent. Face à une forte demande en eau et énergie, les États et les compagnies ont présenté des projets de barrages, comme méthode de développement et de lutte contre la pauvreté. Le concept de crise énergétique se déploie pour légitimer la mise en œuvre de nombreux projets hydroélectriques, argumentant l’amélioration des finances publiques, mais permettant aux groupes économiques de maximiser leurs investissements au prix de l’expropriation et de l’exploitation des territoires.
Face à cet argument d’urgence et de nécessité énergétique, les grands barrages se multiplient sur les territoires sans que, bien souvent, ne soient effectuées les études d’impact social et environnemental appropriées, les consultations nécessaires et sans tenir compte des expropriations qu’impliquent de tels projets pour les communautés et pour l’environnement. Divisions au sein des communautés, expulsions, déplacements forcés, destruction des écosystèmes, pollution de l’eau et dégradation de la santé des habitant.e.s, inondation des territoires entiers, perte de sources alimentaires et de moyens de subsistance¹ sont quelques-uns des impacts socio-environnementaux provoqués par la construction de barrages hydroélectriques. À ces dommages s’ajoute la militarisation fréquente des territoires, en vue de protéger les intérêts économiques des dits projets, la répression, la criminalisation, le harcèlement et les assassinats de ceux et celles qui défendent leur territoire, leur communauté et leurs rivières.
Les rivières en Amérique latine et leurs gardien.ne.s
Si en ce jour nous nous souvenons des rivières et de ceux et celles qui luttent pour les défendre, il est impossible de ne pas commémorer la vie et la lutte de Berta Cáceres, défenseure des rivières, femme autochtone Lenca, co-fondatrice du Conseil civique des organisations populaires et autochtones –COPINH du Honduras. Berta fut sauvagement assassinée le 3 mars dernier à son domicile. Nous souhaitons rendre hommage en ce jour de défense de la vie des rivières, la détermination et la résistance de Berta et qui animent les femmes dans leur combat pour la défense de l’eau, de la terre et de la vie. Sa lutte continue et se multiplie entre les membres de sa communauté et de son organisation et a un écho au delà des frontières.
Ce crime, ainsi que ceux à l’égard d’autres membres du peuple Lenca, est directement lié à la lutte pour la défense des rivières, en particulier contre la mégaprojet Agua Zarca, dont l’entreprise DESA veut toujours à s’implanter le long de la rivière Gualcarque. Inspirons-nous de la lutte au Honduras du COPINH pour la défense de son territoire ancestral, du Movimiento Indígena Independiente Lenca de la Paz (MILPAH) pour la défense de la rivière Chinacla menacée par un barrage, et du peuple Garífuna organisé pour protéger la rivière Cuyamel.
Les processus de résistance, tout comme l’eau en constant mouvement, sont affectés par les intérêts du capital. Cependant, en eux se trouvent le courant et la vie qui les renforcent et les guérit dans les épreuves de destruction et de mort. Du Nord au Sud, il existe des menaces, mais aussi de multiples luttes qui s’organisent et qui s’unissent avec un désir commun : le respect des rivières et de la vie.
Nous nous joignons au travail du Movimiento Mexicano por la defensa de las presas y en defensa de los ríos-MAPDER, qui depuis dix ans a travaillé avec des communautés autochtones et paysannes, qui luttent contre les grands projets hydroélectriques au Mexique (tel que La Parota dans l’État de Guerrero, El Zapotillo à Jalisco, El Paso de la reina à Oaxaca et prochainement Las Cruces dans l’État de Nayarit). Nous nous solidarisons avec tou.te.s les affecté.e.s des politiques imposées par le modèle néolibéral et extractiviste des gouvernements mexicains.
Nous appuyons les défenseur.e.s de la Rivière Lempa, de grande valeur historico-culturelle, économique et spirituelle pour les peuples des territoires qui traversent le Guatemala, le Honduras et le Salvador. L’existence de quatre barrages dans le territoire salvadorien et la construction imminente de plusieurs autres projets, ainsi que les impacts des pratiques de destruction de l’environnement, les activités agro-industrielles, la déforestation et la pollution produite dans la ville du San Salvador, mettent en danger la vie autour de la rivière. Nous saluons le travail que réalise la Asociación de desarrollo económico y social Santa Marta – ADES du Salvador pour l’accompagnement des communautés et la promotion de la défense de cette rivière.
Nous soutenons la lutte des personnes affectées par la construction de barrages en Colombie. Nous reconnaissons grandement le Movimiento Ríos Vivos pour sa force de mobilisation, son travail de renforcement des organisations régionales des personnes affectées, de préparation pour la prévention dans les territoires touchés par la menace croissante de construction de barrages et de mini-centrales électriques, à travers le pays. Hommage à tous et toutes les habitant.e.s des rives des rivières qui ont été expulsé.e.s et déplacé.e.s par la mise en œuvre des projets Hidroituango sur la rivière Cauca dans le département d’Antioquia, par le barrage sur la rivière Sogamoso dans le département de Santander et par la construction du Quimbo sur la rivière Magdalena dans le département de Huila.
Nous nous solidarisons avec les compagnons du Movimento dos Atingidos por Barragens, au Brésil, dans leur lutte inlassable et leur organisation pour la défense des rivières du pays et des personnes affectées par les barrages. Nous réclamons justice pour Nilce de Souza Magalhães, plus connue sous le nom de Nicinha, militante du MAB Rondonia, assassinée le 7 janvier dernier dans le campement des personnes affectées par le barrage Jirau où elle habitait. Justice pour les victimes du crime environnemental de Mariana, dans le Minas Gerais, qui font actuellement face à la pollution de la rivière Doce et au dépouillement. Justice pour les personnes affectées par le barrage Belo Monte, qui ont des barrages sur les eaux de la rivière Xingu.
Nous joignons nos voix à celles des groupes, organismes et citoyen.ne.s qui crient au Chili pour défendre leurs rivières, à celles des communautés mapuche qui résistent et protestent contre la récente approbation de grands projets hydroélectriques tels que ceux de Doña Alicia et de Añihuerraqui qui ont été mis en œuvre sans consultation ni approbation, ainsi que les 40 centrales hydroélectriques et les plus de 100 minicentrales hydroélectriques prévues par l’État chilien. Nous demandons une vraie justice pour les Mapuche criminalisé.e.s et réprimé.e.s pour la défense et la récupération de leur territoire.
– Nous nous solidarisons avec tous ceux et toutes celles qui ont subi des dommages irréparables dans leur vie et dans leur environnement, et qui savent qu’il n’existe aucune compensation suffisante pour réparer ou remédier aux graves conséquences que produit le déracinement et l’harnachement des rivières.
– Nous reconnaissons le travail des défenseur.e.s de toutes les rivières qui exposent leurs vies à des actions de violence et de criminalisation, exercées par les pouvoirs économiques et politiques qui impulsent des projets de destruction.
– Nous réaffirmons notre rejet envers tous les projets énergétiques qui exploitent l’eau, ne respectent pas le droit à la consultation libre, préalable et éclairée et au consentement des communautés et menacent, leurs modes de vies et de subsistance, leurs pratiques ancestrales et leur environnement.
– Nous réclamons justice et liberté pour toutes les rivières et leurs peuples aux quatre coins des Amériques, qui affluent et tourbillonnent pour la défense de l’eau, du territoire et, plus largement, de la vie.
– Nous dénonçons et identifions comme responsables les États qui sont complices du pillage, de l’invasion et de la privatisation des territoires par les compagnies nationales et transnationales, publiques et privées, ainsi que les nombreuses violations de droits humains commises aux noms de ces pouvoirs économiques.
Rivières libres, peuples vivants !
NON aux barrages !
Comité pour les droits humains en Amérique latine, Montréal, Canada
1-Grandes represas en América, ¿Peor el remedio que la enfermedad? http://www.aida-americas.org/sites/default/files/InformeAIDA_GrandesRepreseas_BajaRes.pdf