Par huit fois, les tribunaux canadiens ont été saisis pour obtenir réparation pour des dommages environnementaux ou des violations des droits humains causés par des entreprises extractivistes canadiennes à l’étranger. Il existe cinq cas où des demandeurs étrangers ont directement saisi les tribunaux canadiens, même si aucun d’eux n’a jusqu’à date gagné en justice dans un litige de ce type. Deux de ces cas, García et al v. Tahoe Resources e Araya, ainsi que Gize v. Nevsun Resources Ltd. sont survenus en 2014; les trois autres recours remontent à 2010 et 2011 et étaient dirigés contre Hudbay Minerals.
En plus de ces demandes, en 2012, un groupe de citoyens équatoriens a inité une procédure judiciaire au Canada dans le but de faire respecter une décision équatorienne contre une entreprise extractiviste américaine. Les défendeurs incluent l’entreprise américaine, mais aussi sa filiale canadienne.
Une série de problèmes juridiques se posent quand surviennent des actions légales de nature transnationale. D’abord, un demandeur étranger doit établir la compétence du tribunal canadien à traiter le litige. La compétence se réfère à l’autorité juridique conférée par le droit à un tribunal ou à une cour dans sa capacité à juger une matière. La responsabilité de démontrer qu’il existe une connection substantielle entre le cas et la province ou le territoire où préside le tribunal incombe alors au demandeur. La même chose survient avec les recours introduits devant les tribunaux fédéraux.
Même si un tribunal possède la compétence de traiter un litige transnational, il peut décider de ne pas s’en occuper. Le principe juridique de forum non conveniens permet à un tribunal de ne pas traiter une demande s’il détermine qu’il existe un moyen plus approprié de juger le cas. C’est ainsi que, si une entreprise est poursuivie en justice, elle peut demander que le recours soit rejeté selon l’argument que l’État hôte est un forum plus approprié en raison de sa proximité avec les parties impliqués, les témoins ou encore les éléments de preuve.
La structure légale des entreprises multinationales constitue un autre problème pour les demandeurs étrangers. Le voile corporatif des entreprises est un concept juridique qui reconnaît l’entreprise-mère et ses filiales comme des entités séparées, séparant ainsi les responsabilités légales des filiales de celle l’entreprise-mère. Souvent, cette séparation ne correspond pas à la réalité: en effet, de manière générale, les entreprises-mère participent à la gestion et aux opérations de leurs filiales. Dans le but de responsabiliser les entreprises-mères aux abus de leurs filiales, un demandeur peut alléguer que ce voile ne s’applique pas, ou reconnaître son existence mais demander qu’il ne soit pas pris en compte considérant les circonstances du cas. Cependant, les tribunaux refusent souvent d’ignorer ainsi le voile corporatif des entreprises. Une autre approche est de rendre directement responsable une entreprise-mère pour les évènements survenus à l’étranger. Au lieu d’affirmer que l’entreprise-mère est responsable pour les actions de ses filiales, cette approche la rend responsable pour ses propres actions et ses omissions dans des opérations à l’étranger. Cette approche est présentement mise à l’épreuve dans cinq cas transnationaux soumis à des cours canadiennes.
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