Canada, 3 juillet 2017
Face aux risques associés à l’approbation d’une Loi sur la sécurité intérieure au Mexique, ayant pour principal objectif de légitimer l’intervention de l’armée dans les actions de sécurité publique, Nous, organisations sociales des Amériques, unissons notre voix à celle de plusieurs organismes de la société civile mexicaine et internationale pour dénoncer l’atteinte aux droits humains que représenterait l’adoption de ladite loi.
À l’heure actuelle, tout porte à croire que la stratégie de militarisation implantée par le gouvernement mexicain depuis 2006 est loin d’améliorer la situation des droits humains et a mené à une recrudescence de la violence au pays, avec 213 000 morts et plus de 30 000 disparus en dix ans. Par ailleurs, il existe une documentation abondante (1) [1] de cas de torture, de détentions arbitraires, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par des militaires mexicains depuis le début de cette stratégie. Le taux de violation des droits humains a également atteint des niveaux sans précédent : entre 2006 et 2014, il y a eu plus de 1 273 plaintes pour des actes de torture commis par des militaires[2].
La stratégie de « guerre » du gouvernement mexicain est hautement préoccupante et normalise l’état d’urgence ainsi que les actions des forces militaires en matière de sécurité publique. Plusieurs dispositions du projet de Loi sur la Sécurité intérieure contreviennent directement à la Constitution politique de l’État mexicain. Nous pouvons mentionner que le projet de loi :
- habilite l’Armée, la Marine, la Force Aérienne et toute force de sécurité publique fédérale à mener des enquêtes et réaliser des actions de surveillance de la population par «toute méthode de collecte de l’information » sans restriction et sans recours à un juge, violant le respect et la garantie du droit à une procédure régulière, à un procès équitable et du droit à la vie privée, entre autres.
- prévoit que la documentation sur les actions menées par les forces armées en application de la loi sera considérée comme classée pendant 12 ans pour des raisons de sécurité nationale, sans que des organisations de la société civile, des institutions publiques ou des membres du Congrès puissent avoir accès à cette information ;
- considérant que la loi ne dispose pas d’un caractère d’application spécifique contre le crime organisé, mais contre « qui pose un risque à la nation » (article 3), elle ouvre la voie à l’usage de la force publique, incluant la force létale, contre les manifestations pacifiques des communautés et des mouvements sociaux ;
- signifie la normalisation d’un régime d’exception où les forces armées se substituent aux forces policières pour assurer la sécurité publique, et où les droits à la liberté d’expression, à la liberté de circulation, aux procédures régulières et à la présomption d’innocence, entre autres, seraient violés ;
- privilégie des actions de répression et de confrontation contre la population au lieu de miser sur des actions de dialogue et de paix dans les zones et régions affectées par une violence généralisée, par exemple à travers la formation et la capacitation adéquate de la police, et l’appui à des initiatives citoyennes et communautaires pour assurer la sécurité.
Les organisations signataires manifestons notre préoccupation face à l’adoption éventuelle de cette nouvelle Loi sur la Sécurité intérieure, qui ouvre la voie à la répression et à d’éventuels actes de torture et d’assassinats que pourraient commettre le gouvernement mexicain et ses forces militaires, sous prétexte de maintenir l’ordre et la sécurité.
Un pays militarisé démontre une crise institutionnelle profonde. Au Mexique, cela a généré des cas graves de torture, féminicides, assassinats, déplacements forcés, disparitions forcées et de multiples exécutions extrajudiciaires. Nous croyons de la plus haute importance que l’État mexicain opte pour la mise en place de conditions de paix, et non de guerre, pour résoudre la crise sévère des droits humains que connaît actuellement le pays, et respecte l’ensemble des dispositions de la Constitution de l’État mexicain, qui prévoit que les forces armées soient régulées et assujetties au pouvoir exécutif et au contrôle civil.
Nous lançons également à la communauté internationale un appel à dénoncer les violations graves perpétrées par l’État mexicain et ses organes gouvernementaux et à faire pression sur le Mexique pour que soient respectés les multiples traités internationaux en matière de droits humains auxquels ce pays a souscrit.
- Rapport du rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan E. Méndez (2014) ; Amnesty International (2015). Promesas en el papel, impunidad diaria. La Epidemia de tortura en México continúa.
- Campaña Seguridad Sin Guerra: http://www.seguridadsinguerra.org/
CONTACTS MÉDIAS:
Canada: Comité pour les droits humains en Amérique latine-CDHAL. +1-514-257-87-10 ext. 334
Mexique: Centro de Derechos Humanos Fray Francisco de Vitoria O.P. A.C. 56596797 ext.227
Télécharger la déclaration en format pdf
ORGANISATIONS SIGNATAIRES
_______________________________________________________________________
QUÉBEC
- Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
- Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
- Centro de trabajadores y trabajadoras inmigrantes (CTTI)
- Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
- Confédération des syndicats nationaux (CSN)
- Conseil central du Montréal métropolitain (CCMM–CSN)
- Conseil régional Montréal métropolitain-FTQ
- El bloque de artistas del Centro de trabajadores inmigrantes
- L’Entraide missionnaire
- Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
- Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
- Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
- Groupe de recherche sur les espaces publics et les innovations politiques – UQÀM
- Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC)
- Projet Accompagnement Québec-Guatemala (PAQG)
- Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
- Syndicat canadien de la fonction publique-Québec (SCFP-Québec)
- Syndicat des Métallos
- Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes (STTP)
- Syndicat des employés de service section locale 800
CANADA
- Canadian Council for International Co-operation
- CIPOVAN- Consejo Indígena Popular de Oaxaca “Ricardo Flores Magón”-Vancouver
- Common Frontiers
- Colombian Action Solidarity Alliance (CASA)
- Inter Pares
- Migrant Worker’s Dignity Association (MWDA)
- MiningWatch Canada
INTERNATIONAL
- Acción Colectiva, Mexique
- Bios Iguana A.C., Mexique
- Coalición Fortaleza Latina PA, États-Unis
- Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), Haïti
- Consejo Tiyat Tlali. Sierra Norte de Puebla, Mexique
- Costureras de Sueños, Mexique
- Otros Mundos AC/Chiapas, Mexique
- Instituto Mexicano para el Desarrollo Comunitario, A.C., Mexique
- Procesos Integrales para la Autogestión de los Pueblos, Mexique