«La lutte pour la justice pour Berta Caceres ne s’arrête pas ici… Nous ne sommes pas des victimes passives. Nous agirons parce que Berta Cáceres le mérite, parce que le peuple Lenca le mérite, parce qu’ils continuent de nous persécuter même maintenant car la structure criminelle qui a tué Berta Caceres est toujours active et nous la dénoncerons.» Laura Zuniga Caceres, fille de Berta Caceres qui a témoigné à la fin du procès.
Du 19 octobre au 24 novembre, le procès des 8 premiers accusés du meurtre de Berta Caceres s’est déroulé au Honduras. La défenseure des droits humains et leader du peuple Lenca était la co-fondatrice et coordinatrice du Consejo cívico de organizaciones populares e indígenas de Honduras (COPINH), qui a travaillé sans relâche afin freiner le projet hydroélectrique «Agua Zarca» de l’entreprise Desarollos Energéticos Sociedad Anónima (DESA), qui prétend s’installer sur la rivière sacrée Gualcarque. Avant sa mort qui a eu lieu à son domicile le 2 mars 2016, Berta avait dénoncé 33 menaces qu’elle avait recues et qui n’ont jamais fait l’objet d’une enquête. Elle était également la cible de criminalisation et d’autres leaders du COPINH ont également été attaqués et tués.
Les organisations internationales du Canada et du Québec expriment leur préoccupation face à la gestion de ce cas, qui a été entaché d’irrégularités, de manque de transparence et de violations des droits des victimes. La Cour a rejeté l’admission de certaines preuves qui montraient la culpabilité des dirigeants et employés de la compagnie hydroélectrique DESA qui, selon l’entourage de Berta et un groupe d’experts juridiques internationaux ayant fourni un travail d’investigation poussé, sont responsables du meurtre.
Lors des préparatifs du procès, les preuves déposées par l’avocat des victimes qui apportaient des informations contextuelles importantes, mais aussi concernant plus généralement la structure criminelle qui a commandité le meurtre, n’ont pas été admises par la cour. Celles-ci incluaient des analyses d’experts reconnus démontrant la probabilité d’une plus grande conspiration dans le meurtre de Berta Caceres.
Pendant le procès a amplement été démontré, par le biais de messages textes dans les téléphones saisis, que l’exécutif de DESA a embauché leur ancien chef de sécurité, un ancien militaire désormais à la retraite, Douglas Bustillo, pour coordonner le meurtre de Berta Caceres. Alors que le responsable social et environnemental de DESA, Sergio Rodriguez, utilisait des réseaux d’informateurs pour enregistrer les faits et gestes de Berta, Bustillo recrutait le meilleur officier des forces spéciales, le major Mariano Diaz, et une cellule criminelle chargée de s’occuper du meurtre. Le procureur d’État n’a pas mené d’enquête sur ce point crucial du dossier, qui ferait un lien entre les responsables de DESA et le meurtre de Berta.
Depuis le début, le procès a été marqué par des irrégularités et des manquements dans les procédures. La Cour a ainsi commencé le procès avant même que toutes les procédures préalables aient été révisées, mettant en péril le bon déroulement du procès. Cela incluait les motions relatives au droit du COPINH de participer en tant que victime, des limitations sur la nature publique ou non du procès et sur la récusation des juges.
Malgré des requêtes répétées, les procureurs n’ont pas présenté de charges criminelles avec conspiration contre l’accusé, ce qui aurait facilité l’admission des preuves décrivant les activités du réseau criminel responsable du meurtre de Berta Caceres. Plus de deux ans après que des preuves clés comme un téléphone et une arme, aient été trouvés au domicile du major Mariano Diaz, le bureau du procureur a rapporté que la plupart des ces objets n’avaient pas été analysés.
Le procès s’est ouvert avec l’expulsion des avocats représentants les victimes, la Cour a considéré que ceux-ci avaient abandonnés le procès, alors qu’ils avaient au préalable montré une explication écrite de leur absence comme établi par le droit hondurien, ce qui représente un grave manquement aux droits des victimes à la fois du point de vue du droit hondurien que du droit international.
Lors des écoutes préliminaires, le procureur a refusé aux victimes et à la défense l’accès aux preuves, et ce même après que la cour ait ordonné aux procureurs de transmettre ces preuves. La Cour n’a cependant pas sanctionné les procureurs pour désobéissance aux ordres.
La Cour a aussi rejeté la demande des victimes de participer au processus et d’avoir leur propre conseil juridique, et ainsi les a forcé à se faire représenter par le procureur public qui a obstrué et retenu des informations clés.
Le COPINH et la famille de Berta Caceres ont déclaré illégal le processus judiciaire à cause des ces nombreuses irrégularités portées par l’état du Honduras lors du procès.
Le COPINH rapporte que des menaces contre des membres de la communautés qui s’étaient opposés à DESA se sont multipliées lors du procès, forçant au moins un leader Lenca à fuir la région. La cause est probablement une campagne de diffamation dirigée contre le COPINH. Comme preuve, un cabinet juridique de Washington, embauché par DESA, a publié un nombre important d’accusations non-fondées de violence concernant le COPINH, mettant l’organisation et ses membres en péril. Ils ont également publié des suggestions scandaleuses sur la vie sexuelle de Berta, allant jusqu’à utiliser des messages de harcèlement de Bustillo à Caceres comme étant le signe d’une relation amoureuse.
Le verdict du 29 novembre 2018 est un premier pas important, cependant la justice ne sera pas rendue tant que la structure criminelle derrière le meurtre de Berta Caceres ne sera exposée et les auteurs matériels et intellectuels amenés devant la justice.
Nous appelons le Procureur général du Honduras a mener une enquête approfondie et à poursuivre les individus impliqués dans le meurtre de Berta Caceres, mais aussi dans les autres cas de violence reliés au barrage Agua Zarca, incluant les groupes financiers qui continuent de promouvoir la violence dans la région de Rio Blanco.
Nous réitérons nos inquiétudes concernant le déroulement des procédures, relevées, entre autres, par les membres de la Mission légale d’observation, qui pourraient servir de base à un futur appel.
BC Teachers’ Federation
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Common Frontiers
Ontario Secondary School Teachers’ Federation
Fonds humanitaire des Métallos