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Du coup d’État politique à la destruction des terres au Brésil

par ATTR, ABRA, CPT, GRAIN | 16 déc 2020 Land

L’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que d’ici 2050, la frontière agricole aura progressé de quelque 70 millions d’hectares dans le monde. Cette estimation inclut toutefois une réduction de 63 millions d’hectares dans les pays soi-disant développés ; ainsi, l’intensification totale dans les pays du Sud sera de 132 millions d’hectares. Toutes les terres considérées comme les “dernières terres arables” pour l’avancée de la frontière agricole dans le monde se trouvent dans les pays du Sud global, et l’immensité du Brésil a conduit à ce que ses terres et ses ressources soient visées par une nouvelle vague d’accaparement de terres.

Le boom des produits agricoles et des minerais depuis 2008, et la convoitise des terres qu’il a déclenchée au Brésil, ont alimenté la déforestation, la violence et l’accaparement des terres. Par conséquent, les conflits autour des terres publiques ont été particulièrement intenses au cours de cette période.

Le Brésil a réformé son cadre juridique afin de faciliter les investissements, principalement étrangers, sur le marché des terres et des ressources naturelles. En 2012, l’adoption du code forestier a gracié la déforestation illégale de quelque 29 millions d’hectares jusqu’au 22 juillet 2008, tout en autorisant la déforestation légale sur 88 millions d’hectares supplémentaires de végétation indigène, en vue d’étendre la frontière agricole.

Il existe maintenant une sorte d’accord international pour pardonner la déforestation historique afin de pouvoir certifier la production selon les critères environnementaux. Dans cette optique, la directive de l’Union européenne sur les énergies renouvelables de 2018 considère que les produits importés sont « libres de déforestation » même s’ils proviennent de zones déboisées avant 2008. Ce n’est pas pour rien que le Brésil est devenu le principal partenaire commercial de l’UE pour les importations de soja.

Fin 2016, peu après le coup d’État institutionnel contre la présidente Dilma Roussef, 26 cadres juridiques brésiliens liés à la terre ont été abrogés pour autoriser la pseudo-légalisation de l’accaparement des terres publiques. Profitant d’un régime d’exception typique des coups politiques, le président de l’époque, Michel Temer, a adopté une mesure provisoire, qui est devenue plus tard une loi autorisant le transfert massif de terres publiques à des mains privées. Cette mesure a pris la forme de grâces pour les invasions de terres publiques jusqu’au 22 juillet 2008 – la même date que celle prévue dans le code forestier pour les grâces liées à la déforestation. Cette mesure “ provisoire” était l’un des principaux héritages du coup d’Etat post-institutionnel.

Depuis le “miracle” du 22 juillet 2008, le pays légalise les actes fallacieux et les conversions agricoles, même s’ils s’inscrivent dans un cycle violent d’invasion, de déforestation et de spoliation des territoires des premières nations et des communautés traditionnelles. Cela profite et stimule le marché foncier, facilitant le rapide éco-lavage des chaînes d’approvisionnement agro-industrielles internationales.

La soi-disante “loi d’accaparement des terres » (Lei da Grilagem) résultante de la mesure provisoire n° 759 du 22 décembre 2016 autorise non seulement la régularisation immédiate de quelque 40 millions d’hectares de terres publiques fédérales (une superficie plus grande que l’Allemagne !), augmentant ainsi les surfaces publiques illégalement occupées dans le bassin de l’Amazonie légale qui peuvent être régularisées, mais elle perturbe également la politique nationale de réforme agraire et facilite l’introduction de colonies illégales sur le marché foncier, ce qui se traduit par une véritable contre-réforme agraire.

Ce cahier d’études spécial (disponible en portugais uniquement), une production conjointe de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), de GRAIN, de l’Association de Avocat.e.s de Travailleuses et Travailleurs Ruraux (AATR) et de l’Association Brésilienne de Réforme Agraire (ABRA), traite des principales réformes juridiques, des illégalités et des stratégies pour faire face à ces menaces pour les territoires en question et pour la société dans son ensemble.

Rapport complet (en portugais seulement)

Source et image : GRAIN.org