Des élections violentes et militarisées au Mexique, là où les violations aux droits humains sont la norme
Nous sommes plusieurs organisations sociales du Québec et du Canada qui avons lancé l’alerte le 5 juin passé afin de manifester notre profonde inquiétude face à la violente répression et aux violations aux droits humains qui se profilaient dans le contexte de la journée du dimanche 7 juin 2015. Notre inquiétude s’est vue confirmée et la journée électorale a été marquée par un processus anti-démocratique et répressif où les violations des droits humains se sont transformées en norme.
Dans plusieurs régions du pays, plus spécifiquement au Chiapas, au Guerrero et à Oaxaca, un processus électoral particulièrement violent a été observé, comptant, lors de la semaine antérieure aux élections, plus de 26 morts. Durant la semaine qui a précédé ces évènements, une escalade de la violence a été observée et les épisodes d’abus d’autorité, de coercition et de torture de la part de corps policiers de tous les niveaux et de groupes paramilitaires et de choc se sont multipliés.
Malgré les dénonciations et les alertes émises par des organisations civiles mexicaines et internationales, les violations aux droits humains dans le cadre de la journée électorale ont été systématiques et les états du Guerrero, du Michoacán et de Oaxaca ont été militarisés. Le vendredi 5 juin dernier, à Xalapa, dans l’état de Veracruz, 8 étudiants de l’Universidad Veracruzana ont été brutalement attaqués par un groupe de personnes cagoulées. Cette attaque, à coup de bâtons munis de clous et de bâtons de baseball, a eu lieu deux jours après que le Parti du Travail ait mis la main sur un document du Secrétariat de la Sécurité Publique où ces étudiants ainsi que d’autres activistes étaient signalés comme étant des “déstabilisateurs d’élection”. Trois d’entre eux sont toujours hospitalisés et un d’entre eux présente une fracture crânio-encéphalique.
À Oaxaca, des hélicoptères militaires de reconnaissance ont survolé toute la journée la ville-capitale ainsi que les municipalités voisines. Face à ce climat d’insécurité, l’Organisation des États Américains (OEA) a décidé d’annuler son programme d’observation électorale qui allait être réalisé dans cet État. Dans la municipalité autonome d’Álvaro Obregón, un citoyen a été blessé par balles et pendant qu’il était transféré à l’hôpital, la police locale l’a rattrapé, l’a de nouveau attaqué et a frappé deux femmes qui l’accompagnaient. En même temps, à travers l’État, 88 personnes ont été arrêtées de façon arbitraire.
Le jeudi 4 juin dernier, dans l’État du Guerrero, à Tixtla, une manifestation en solidarité aux familles des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa qui exigeait l’annulation des élections a été violemment réprimée. Cette intervention de la police fédérale a fait plusieurs blessés et a laissé deux professeurs avec des lésions graves. Dimanche le 7 juin dernier, la gendarmerie nationale a réprimé des mobilisations sociales à Tlapa de Comonfort et a ouvert le feu sur la population civile de la localité. Quant à la police fédérale, celle-ci a effectuée de violentes arrestations arbitraires de professeurs, tout en causant la mort de l’étudiant Antonio Vivar Diaz, en blessant gravement 4 personnes, et en entrant par effraction dans des domiciles sans détenir d’ordre judiciaire.
Des incidents de cette sorte ont eu lieu dans tout le pays, au milieu d’une journée électorale où l’intimidation basée sur la militarisation a été un des dispositifs nationaux utilisé afin d’imposer une élection qui avait été rejetée par la société civile organisée. Le bilan final des agressions et des actes arbitraires commis par les instances du gouvernement contre la population mexicaine dans le cadre de la journée électorale ne sera connu que dans les prochains jours.
Par contre, nous tenons à souligner un des éléments qui préoccupe le plus notre organisme en ce qui a trait aux droits humains, soit l’arrivée massive de corps policiers dans les états de Michoacán, Chiapas, Guerrero et Oaxaca, plus particulièrement des éléments de l’armée et de la gendarmerie mexicaine. Un pays militarisé reflète une grave crise institutionnelle qui a déjà causé de graves cas de torture, de fémicides, plus de 100 000 assassinats, 26 000 personnes disparues, 250 000 déplacements forcés et de multiples exécutions extrajudiciaires qui ont eu lieu dans les derniers 12 mois à Tlatlaya, Iguala, Apatzingán et Tanhuato.
En tant qu’organisme de défense des droits humains, nous dénonçons l’utilisation continuelle des forces publiques mexicaines contre leurs citoyennes et citoyens ainsi que les constantes violations aux droits humains de la part du gouvernement mexicain qui font du Mexique un pays où le nombre actuel de morts, de déplacés et de disparus dépasse déjà celui des dictatures du Chili et de l’Argentine.
Le CDHAL et les organismes partenaires exigeons au gouvernement la démilitarisation immédiate du pays et qu’il agisse conforme au respect le plus strict du droit. Nous réitérons par le fait même, notre appel à la communauté internationale afin qu’elle dénonce les graves violations perpétrées par l’État mexicain et ses instances gouvernementales et qu’elle exhorte ses gouvernements à faire pression sur le Mexique pour que celui-ci respecte les multiples traités internationaux en matière de droits humains auxquels il a adhéré.
Montréal, lundi 8 juin 2015
Comité pour les droits humains en Amérique Latine.