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Le 2 février 2010, l’autorité brésilienne pour l’environnement a approuvé le projet de barrage «Belo Monte» dans le cours inférieur du fleuve Xingu, malgré les protestations massives des organisations de défense de l’environnement et des droits de l’homme. Le 17 avril dernier, le Tribunal régional fédéral du Nord Brésil s’est opposé à la décision de l’état du Para en accordant au projet Belo Monte une licence de construction.
Le 2 février 2010, l’autorité brésilienne pour l’environnement a approuvé le projet de barrage «Belo Monte» dans le cours inférieur du fleuve Xingu, malgré les protestations massives des organisations de défense de l’environnement et des droits de l’homme. Le 17 avril dernier, le Tribunal régional fédéral du Nord Brésil s’est opposé à la décision de l’état du Para en accordant au projet Belo Monte une licence de construction. Les débats ayant lieu au sein des institutions judiciaires sont venues renforcer les arguments de la centaine d’associations locales qui crie à la catastrophe. Ce projet aura en effet des conséquences écologiques et sociales sans précédent : 8 milliards d’euros seront investis comme seuls coûts de construction ; 140 kilomètres du fleuve Xingu seront très certainement asséchés ; 20 000 indigènes déplacés et 500 km2 inondés dans les premières phases du projet. Ce barrage, dont l’activité commencerait en 2015, serait alors le troisième plus grand barrage au monde.
Belo Monte n’est hélas pas un cas isolé. Lula a beau avoir mené une politique sociale ayant permis de réduire les inégalités dans le pays, il a, progressivement au fil des années, perdu son engagement en matière environnementale. Le départ de Marina Silva du Parti Travailliste en 2007 est un signe clair de l’impossibilité pour le gouvernement Lula d’aller plus loin en matière de protection des peuples indigènes, des forêts et autres ressources naturelles. La nouvelle candidate du Parti Vert brésilien, s’opposant au «Programme de croissance accéléré» sensé répondre à la crise globale, avait alors rompu avec celui qui l’avait placée au gouvernement, entraînant avec elle Gilberto Gil, le directeur de Greenpeace et d’autres figures de l’environnement et des droits de l’Homme. Le récent scandale autour du mégaprojet de barrage financé par GDF-Suez, et donc in fine par les contribuables français, prouve combien il sera important pour le Brésil des années à venir d’élaborer un nouveau modèle de production et consommation énergétique.
L’Union Européenne n’a qu’un choix : celui de passer des paroles aux actes. Au Parlement Européen, il est déjà bien difficile de mettre en avant l’importance du Développement dans les relations extérieures, comme le montrent la teneur des débats autour de l’implantation du Service Européen d’Action Extérieure ou le contenu de la discussion en séance plénière sur les relations UE-Amérique Latine. Le comportement de la Commission est encore plus inquiétant : la Haute Représentante Madame Ashton ne semble pas vouloir se confronter aux vrais problèmes et préfère botter en touche. Refusant toute responsabilité de l’Union Européenne dans le développement des mégaprojets dans les pays en développement, elle a justifié par une série d’arguments technocratiques l’incapacité pour l’Union d’influer sur de tels enjeux.
Dans le cadre des relations UE-Brésil, notamment dans celui du partenariat stratégique noué avec le Brésil en juillet 2007, l’Union Européenne dispose pourtant d’une capacité d’influence certaine. D’abord en termes d’utilisation des fonds : une meilleure utilisation des fonds alloués pour les projets énergétiques tout comme pour les projets de développement devrait permettre de mieux remplir les besoins énergétiques du pays avec des programmes durables de production d’énergie. Ensuite, en terme de cohérence des politiques pour le développement. Que dire, en effet, d’une Union Européenne qui pousse à la protection des forêts et qui dans le même temps promet d’augmenter sa demande en biocarburants à 20% de sa consommation d’ici 2020 ? Pense-t-on que les profits dont bénéficierait alors le Brésil ne sont pour rien dans la déforestation actuelle ?! Enfin, l’Union Européenne ne peut se contenter de projets d’aide aux populations indigènes en difficulté, mais devrait élaborer un partenariat prévenant toute violation des droits de l’Homme.
Les organisations de la société civile s’opposant au projet Belo Monte sont choquées par tant d’incohérence. Elles n’ont d’ailleurs pas tardé à établir une plate-forme de lobbying à destination de Madame Ashton. Elles lui demandent de prendre sa part de responsabilité dans les projets menés au Brésil ainsi que de développer une vraie cohérence dans les politiques de l’Union Européenne.
QUESTION D’URGENCE – 16 février 2010
Objet: Principaux risques sociaux et environnementaux créés par le projet de mégabarrage Belo Monte au Brésil Le 2 février 2010, l’autorité brésilienne pour l’environnement a approuvé le projet de barrage «Belo Monte» dans le cours inférieur du fleuve Xingu, malgré les protestations massives des organisations de défense de l’environnement et des droits de l’homme. Les conséquences écologiques et sociales de ce projet ont été évaluées, uniquement sur la base des coûts de construction, à quelque 8 milliards d’euros. Toutefois, l’exemple des projets similaires en Chine montre les difficultés liées à ces mégaprojets. Selon les estimations des experts, le barrage prévu, qui sera le troisième plus grand au monde, menace d’assécher 140 kilomètres du fleuve Xingu et de forcer le déplacement de 20 000 personnes indigènes. L’Union européenne dispose d’un partenariat stratégique avec le Brésil depuis juillet 2007. Le programme commun de ce partenariat contient un certain nombre de dialogues sectoriels, comme le dialogue UE-Brésil sur les questions sociales et environnementales, un dialogue sur la politique régionale et un dialogue sur la politique environnementale. La question des droits de l’homme est également considérée comme un point essentiel du programme commun (voir COM(2007)0281). La Commission peut-elle fournir le calendrier et les différents ordres du jour des réunions prévues dans le cadre de ces dialogues ? La Commission a-t-elle soulevé la question de la centrale hydroélectrique Belo Monte dans l’un des dialogues précités ou dans l’un des autres dialogues bilatéraux ? Dans la négative, quelles en sont les raisons ? Quelles sont les priorités de la coopération UE Brésil en matière d’approvisionnement en énergie ? L’Union européenne a-t-elle proposé des solutions de rechange aux installations démesurées de production de l’énergie comme le projet Belo Monte ? Quel montant des fonds communautaires est actuellement alloué ou affecté aux projets dans le domaine de l’énergie au Brésil ? La Commission peut-elle fournir une liste détaillée des projets énergétiques au Brésil qui bénéficient des fonds ou de la participation d’entreprises européennes ? Quelles entreprises européennes prennent part à de tels projets ? L’Union accorde-t-elle des fonds pour ces projets par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissement ? Dans quelle enceinte la Commission a-t-elle abordé la question des droits de l’homme dans le cadre du projet Belo Monte ? Quelle a été la réponse des autorités brésiliennes ? Enfin, quel type de coopération l’Union envisage t elle pour assurer le respect de la convention no 169 de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par le Brésil en 2002, selon laquelle les peuples indigènes sont considérés comme un acteur essentiel dans la conception et l’autorisation des grands travaux d’infrastructures ?
REPONSE DE LA HR/VP ASHTON AU NOM DE LA COMMISSION – 25 février 2010 Le plan d’action conjoint UE-Brésil comporte plusieurs dialogues sectoriels, notamment sur l’énergie et l’environnement. Ces dialogues politiques ont pour objectif général d’échanger des informations, de diffuser les bonnes pratiques et de coopérer le cas échéant dans des projets spécifiques. Les questions d’intérêt commun y sont traitées chaque fois qu’existe un intérêt réciproque à les traiter, mais il ne s’agit en aucun cas d’un examen critique des politiques internes. Les dialogues sectoriels ont lieu régulièrement et les ordres du jour sont approuvés au cas par cas par les deux parties. Depuis le lancement du partenariat stratégique, ces dialogues n’ont cessé d’augmenter et de se diversifier. Plus spécifiquement, le dialogue régulier sur la politique énergétique menée avec le Brésil a été mis sur pied en juillet 2007. L’objectif général est d’échanger des informations et des points de vue sur les développements internationaux en matière d’énergie et de promouvoir les projets et initiatives bilatéraux. En principe, les réunions se tiennent une fois par an. Les sujets abordés comprennent notamment l’efficacité énergétique, l’ouverture et la concurrence des marchés, l’amélioration des conditions pour les nouveaux investissements et la promotion de la coopération dans le domaine des sources d’énergie nouvelles et renouvelables. En novembre 2008, à l’occasion de la visite du commissaire à l’énergie au Brésil, s’est tenue la première réunion au niveau ministériel. Le 15 septembre 2009, la deuxième réunion a été organisée au Bruxelles. Le dialogue à haut niveau sur la dimension environnementale du développement durable a eu lieu deux fois, la première en septembre 2006 à Bruxelles et la deuxième en avril 2009 à Brasilia. La troisième réunion est prévue pour mai 2010. Le dialogue a été centré sur les questions suivantes: le changement climatique, la biodiversité et la protection des forêts, ainsi que les questions de développement durable, notamment la gouvernance internationale en matière d’environnement. En outre, au titre de l’instrument de soutien au dialogue, quatre actions sont en cours de mise en œuvre en relation aux échanges de bonnes pratiques en matière d’approche stratégique dans la surveillance des eaux douces et de la biodiversité. Étant donné que le projet de barrage «Belo Monte» est un projet national, il n’a pas été abordé dans le cadre des dialogues précités. L’UE n’a jamais été invitée ni sommée par le gouvernement brésilien de proposer des alternatives ou de donner son avis. Ce projet ne bénéficie d’aucun financement public de la part de l’UE. Le prêt de 500 millions d’euros accordé par la BEI à la Banque brésilienne de développement économique et social (BNDES) bénéficiera à des petites et moyennes entreprises qui réalisent des investissements dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Les autres fonds de l’UE alloués en faveur de projets énergétiques au Brésil se chiffrent à environ 19 millions d’euros ventilés comme suit : 5 millions d’euros au titre du plan thématique pour l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles dans le cadre de l’instrument de coopération au développement et 13,7 millions d’euros au titre de la recherche et du développement technologique (7e programme-cadre). Ces montants pourraient être augmentés si les propositions du Brésil dans le cadre des fonds attribués à l’Amérique latine sont retenues. Leur évaluation est en cours. Les entreprises européennes au Brésil ne sont pas tenues d’enregistrer leurs activités auprès de la délégation européenne, qui n’est pas en mesure de fournir un tel registre systématique. En ce qui concerne la question des peuples indigènes, elle est traitée systématiquement dans le cadre du dialogue UE-Brésil sur les Droits de l’homme. Elle figurait à l’ordre du jour des premières consultations politiques qui se sont tenues à Brasilia en juin 2010. La délégation de l’UE et les États membres sont en contact permanent avec la société civile sur ces questions. En ce qui concerne la convention no 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), une priorité spécifique a été prévue au Brésil pour financer les propositions de projets destinés à soutenir les peuples indigènes au titre de l’instrument européen pour la démocratie et les Droits de l’homme. Certains des projets en cours offrent une assistance judiciaire aux populations indigènes. Parmi eux, un projet exécuté par l’ONG brésilienne Instituto Socio Ambiental (ISA) s’adresse aux populations indigènes du cours supérieur de la rivière Xingu.