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L’affaire OceanaGold/Pacific Rim : une délégation du Salvador à Montréal
Communiqué
Montréal, 6 mai 2015 — Au moment où une décision imminente est attendue d’un tribunal d’arbitrage investisseur-État peu connu de la Banque mondiale, qui pourrait forcer le Salvador à payer 301 millions de dollars à une entreprise minière canado-australienne, une délégation du Salvador amorce une tournée au Canada pour faire connaître la façon dont les mécanismes d’arbitrage investisseur-État menacent les processus décisionnels démocratiques, la santé publique et l’environnement, ici et à l’étranger.
OceanaGold poursuit le Salvador pour un montant s’élevant à 5 % de son produit intérieur brut car ce dernier ne lui a pas octroyé un permis d’opération pour la mine d’or convoitée, et ce, alors que l’entreprise ne rencontrait pas les exigences réglementaires nécessaires pour l’obtention du permis. C’est la minière Pacific Rim qui a initialement intenté la poursuite en 2009, lorsque le président du Salvador a décrété un moratoire sur les nouveaux projets miniers. Le moratoire sera reconduit par trois présidents successifs. OceanaGold a acheté Pacific Rim Mining en 2013, sauvant de justesse l’entreprise de la faillite, et a obstinément continué la poursuite. Le Centre des investisseurs pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) rendra sa décision sur l’affaire d’un jour à l’autre.
Yanira Cortez Estévez, procureure adjointe à l’environnement pour le bureau de l’Ombudsman des droits humains, et Marcos Gálvez, président de l’exécutif national de l’Association pour le développement du Salvador (CRIPDES), seront à Montréal le 11 mai prochain. Leur visite fait partie d’une tournée canadienne de cinq jours, dans le cadre de laquelle la délégation se rendra également à Ottawa-Gatineau et à Toronto. Les membres de la délégation prendront la parole lors de divers événements publics et rencontreront des députés fédéraux pour solliciter leur appui aux revendications de la population du Salvador et pour avertir les Canadiens des dangers des dispositions de protection des investissements présentes dans les accords commerciaux en vigueur ou en cours de négociation. Nathalie Guay, adjointe au comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux, interviendra d’ailleurs sur l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne (AÉCG) et l’Accord de partenariat transpacifique (TPP), alors que Dominique Neuman illustrera la portée des mécanismes de protection des investisseurs présents dans l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) avec le cas de Lone Pine Resources qui poursuit actuellement le Canada pour 250 millions de dollars.
Les contribuables canadiens ont déjà payé des dizaines de millions de dollars à des entreprises étrangères et pourraient être tenus de verser davantage dans le cadre de poursuites en cours intentées en vertu de l’ALÉNA pour des décisions prises en faveur de l’intérêt public. Dans un cas présentant de nombreux parallèles avec celui du Salvador, Lone Pine Resources poursuit le Canada pour 250 millions de dollars en raison de la décision du Québec, en 2011, d’imposer un moratoire sur l’extraction de gaz de schiste et la fracturation hydraulique (fracking). Cette mesure, jouissant d’un soutien populaire important, se fondait sur un objectif de protection de la santé publique et de l’environnement. La compagnie Lone Pine Resources Inc., de Calgary, a utilisé une filiale américaine pour déposer une poursuite en vertu de l’ALÉNA et exiger une indemnisation pour la perte de revenus potentiels. L’entreprise a fait savoir qu’elle ne laisserait pas tomber la poursuite tant que le Québec ne lèverait pas son moratoire.
Le nombre de poursuites investisseur-État n’a cessé d’augmenter dans les dernières années. D’une douzaine de cas à la fin des années 1990, la CNUCED en répertoriait 568 en 2013. Au niveau nord-américain, 23 nouvelles poursuites ont vu le jour depuis 2005, soit le double de la décennie précédente, et plus de 70 % des recours des investisseurs visent le gouvernement canadien. Les contribuables canadiens ont déjà déboursé plus de 172 millions de dollars en compensations à des multinationales, auxquels on doit ajouter 17,3 millions $ accordés récemment à ExxonMobil et Murphy Oil, qui contestaient une mesure prise par la province de Terre-Neuve-Labrador pour exiger qu’un minimum d’activités de recherche et développement soit réalisées au niveau local.
Alors que les gouvernements successifs du Canada continuent de faire la promotion des mécanismes de règlement des différends investisseur-État dans les accords commerciaux et de protection des investissements, des gouvernements à l’étranger remettent en question ce modèle. Le Salvador a réformé sa loi nationale sur l’investissement pour limiter l’accès des transnationales étrangères aux tribunaux internationaux d’arbitrage tel que le CIRDI. Le Brésil n’a jamais employé ce type de dispositions dans sa politique commerciale et jouit néanmoins d’investissements étrangers significatifs. En 2011, l’Australie a promis de ne pas signer d’accords qui donnent accès à des mécanismes de règlement des différends entre États et investisseurs. L’Indonésie et l’Afrique du Sud envisagent de se retirer d’accords de protection des investissements comportant ce type de dispositions ou de ne pas renouveler leur adhésion lorsque ces accords viendront à échéance. D’autres, tels que l’Allemagne ou la France, pourraient s’opposer à ce qu’un mécanisme de règlement des différends investisseur-État soit inclus dans les accords entre l’Union-européenne et les États d’Amérique du Nord. La Bolivie, l’Équateur et le Venezuela se sont retirés de la Convention du CIRDI pour éviter que des poursuites n’y soient intentées contre eux.
Pour obtenir une entrevue, contacter:
· Montréal : Marie-Ève Marleau, Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), marie.eve(at)cdhal.org, 514-358-2227
· Ottawa/Gatineau: Jen Moore, MiningWatch Canada, jen(at)miningwatch.ca, 613-569-3439
· Toronto: Jim Hodgson, The United Church of Canada, jhodgson(at)united-church.ca, 416-231-5931 x4013
Événement public à Montréal, lundi 11 mai:
Conférence publique « Arrêtez les poursuites! L’affaire OceanaGold ou comment des tribunaux internationaux peu connus menaçent les droits des peuples »
Lundi 11 mai, 18h30-21h
Alternatives, 2e étage,
3720 Av. Du Parc, Montréal
Événement Facebook: https://www.facebook.com/events/1655384188018696/
Contexte:
Trois présidents salvadoriens ont maintenu le moratoire sur l’exploitation minière en réponse à la grande opposition à l’échelle nationale contre l’exploitation minière métallifère. Des communautés locales aux échelons supérieurs de l’Église catholique, les Salvadoriens se sont montrés très préoccupés par les conséquences de l’exploitation minière de l’or sur les communautés agricoles locales et les utilisateurs d’eau en aval. Ce pays repose en grande partie sur un seul bassin versant déjà surexploité. Quatre membres de la communauté s’étant ouvertement déclarés contre la mine ont été assassinés pour leur activisme entre 2009 et 2011.
La poursuite du CIRDI, qui se déroule hors de tout démocratique et des systèmes judiciaires traditionnels, vise à avoir un effet dissuasif sur les projets de loi et les politiques importantes liées à l’exploitation minière à grande échelle au Salvador. En particulier, une loi proposant l’interdiction de l’exploitation minière est bloquée à l’Assemblée législative salvadorienne depuis des années. Pendant ce temps, les communautés affectées par les mines n’ont pas accès à la justice pour exiger d’être indemnisées pour les préjudices subis. En réponse à cette situation, les communautés ont commencé à reconstruire leur souveraineté au moyen de plébiscites municipaux et à se déclarer libres d’exploitation minière. Jusqu’à présent, trois communes du département de Chaletango se sont prononcées contre l’exploitation minière.
Pour en savoir plus:
· “Debunking Eight Falsehoods by Pacific Rim Mining/OceanaGold in El Salvador” (disponible en anglais et en espagnol)
· Le récent rapport (automne 2014) «Marchander la démocratie» (en français)
· Le document «Appel à la construction d’un cadre juridique alternatif aux Accords internationaux d’investissement : Pour confronter l’impunité dont jouissent les entreprises transnationales et protéger l’intérêt public» (en français)
· Le rapport «NAFTA Chapter 11 Investor-State Disputes to January 1, 2015» (anglais)
· Le document «Profiting from injustice» du Corporate Europe Observatory (consulter les faits saillants du rapport en français)
· “Mining For Profits in International Tribunals: Lessons for the Trans-Pacific Partnership” (disponible en anglais et en espagnol)
· “After Decades of Struggle, Salvadoran Communities Declare Territory Free of Mining” (disponible en anglais)
· “Water at the Heart of El Salvador’s Struggle Against Neoliberalism” (disponible en anglais et en espagnol)
Organisations qui appuient la délégation:
Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), Alternatives, Coalition québécoise sur les impacts socio-environnementaux des transnationales en Amérique latine (QUISETAL), Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), Common Frontiers, Conseil des Canadiens, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Église Unie du Canada, L’Entraide missionnaire, Mining Injustice Solidarity Network – Toronto, Mines Alertes Canada, Oxfam Canada, Oxfam Québec, Réseau québécois sur l’Intégration continentale (RQIC), SalvAide, Syndicat des Métallos