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Le complexe de la Rio Madeira est un mégaprojet prévu en territoires brésilien et bolivien. Se déroulant sur plusieurs années, il comprend la construction de quatre centrales hydroélectriques, dont deux en territoire brésilien près de Porto Velho, une autre sur la frontière entre le Brésil et la Bolivie, et une quatrième sur le fleuve Beni en territoire bolivien :
Les deux centrales brésiliennes vont produire à terme 6 450 mégawatts (à titre de comparaison, le complexe de La Grande comprenant les barrages 1, 2, 3 et 4 produisent près de 9 000 mégawatts), ce qui correspond à 8% de la demande brésilienne. C’est la moitié de ce que produit l’actuelle centrale Itaipu (dans l’état de Parana au Brésil), qui est la plus grosse centrale hydroélectrique au monde. La production de la centrale bolivienne sera quant à elle équivalente à 4 à 5 fois la demande intérieure du pays, ce qui laisse présager sa vocation fortement exportatrice. De plus, le projet prévoit la mise en place d’un système de transport fluvial, desservant principalement les industries agroalimentaires, minières et forestières. Le but du projet Madeira est de mettre en place un corridor majeur de production et de distribution d’énergie (hydroélectrique) et de transport de matériel, principalement au service de l’industrie agroalimentaire brésilienne, le tout dans une perspective d’intégration continentale à des fins d’accès aux marchés mondiaux.
Gouvernementaux
Firmes privées
ONGs
Les impacts environnementaux liés au projet Madeira vont s’étendre sur une superficie de plus d’un million de kilomètres carrés (l’équivalent de la superficie de l’Ontario). Les écosystèmes de la forêt amazonienne, tant au Pérou qu’au Brésil et en Bolivie, vont être touchés par les inondations, la déforestation, une réduction des stocks de poissons et un dérèglement des cycles maritimes et des dépôts calcaires. Tout ceci met en péril de plusieurs espèces animales propres à la région. Des lacs artificiels seront créés derrière les barrages de Santo Antonio et Jirau, engloutissant des villages comme Jaci et Mutun (dans le Parana).
Par ailleurs, un projet comme celui de la Madeira provoquera (et provoque déjà) un afflux de gens à la recherche d’emplois. Ainsi, mille nouveaux habitants arrivent chaque semaine à Porto Velho et mettent sous tension les infrastructures sanitaires et les services sociaux qui sont déjà dans un état précaire. À cet afflux devront s’ajouter des milliers de riverains, provenant de communautés indigènes, habitants de zones inondées qui trouveront refuge aux confins de la ville.
En septembre 2006, des audiences publiques sont tenues par l’IBAMA (qui est l’équivalent brésilien du BAPE au Québec) pour les barrages de Santo Antonio et Jirau. En parallèle, plusieurs manifestations ont lieu tant au Brésil qu’en Bolivie.
En mars 2007, l’IBAMA refuse la licence environnementale permettant au projet de lancer un appel d’offres. Dans son rapport, on y relate notamment la fragilité des mécanismes et des propositions de mesures d’atténuation. On traite également de zones touchées qui ne sont pas couvertes par l’étude, et l’absence de définition de l’ampleur des différents impacts et l’absence de mesures d’atténuation. L’équipe technique de l’IBAMA a conclu qu’elle ne pouvait pas assurer la faisabilité environnementale de l’utilisation de la centrale hydroélectrique de Santo Antonio et Jirau, recommandant la mise en oeuvre d’une nouvelle étude d’impact environnemental d’une portée plus large, aussi bien dans le pays que dans les zones frontalières.
En juillet 2007, l’IBAMA, ayant à sa tête un tout nouveau bureau de direction, approuve conditionnellement la construction des barrages de Santo Antonio et Jirau, et ce, malgré les manifestations, déclarations, demandes et pressions, notamment de la Bolivie par l’entremise de son ministère des Affaires étrangères au gouvernement brésilien et d’organisations locales au Brésil.
En janvier 2008, le résultat officiel de l’appel d’offres pour le barrage de Santo Antônio résulte en l’adjudication du contrat de construction au consortium mené par Furnas (39%) et Odebrecht (18,6%).
En mai 2008, le Consortium de l’énergie durable du Brésil (CEBS), dirigé par le groupe français Suez, remporte l’appel d’offres pour la construction et l’exploitation de la centrale hydroélectrique de 3,3 GW Jirau.
En juin 2009, des poursuites au civil ont été enregistrées contre l’IBAMA alléguant que l’institution a omis des faits importants lors de l’adjudication du permis de construction des deux premiers barrages (Santo Antonio et Jirau) sur le Rio Madeira.
En date d’août 2009, les travaux ont été amorcés pour 2 des 4 barrages, soient ceux de Santo Antonio et Jirau.
Début 2010, le chantier est suspendu pendant 2 mois car il y a été constaté de nombreuses violations de droits humains : installations sanitaires insatisfaisantes, pas assez de provisions de nourriture, manque de soins médicaux, des abris insalubres, etc. A cette même période, GDF –Suez (une des entreprises en charge du projet) est nominé pour le Public Eye Award 2010 – la critique du Forum économique mondial de Davos – dans la catégorie Global Award. Ce prix lui est décerné afin de rappeler « aux acteurs de l’économie mondiale dont les pratiques commerciales destructrices ont un impact sur les gens et leur environnement que leurs actions ont des conséquences – dans ce cas pour l’image de l’entreprise. »
Le 14 mai 2010, le Mouvement des Affectés par les barrages au Brésil (MAB), le Forum bolivien de l’environnement et de développement (FOBOMADE) et l’Organisation catalane SETEM-Catalunya portent plainte devant le Tribunal Permanent des Peuples (TPP) contre les entreprises menant la construction du complexe hydroélectrique Rio Madeira (GDF-Suez, franco-belge; BANIF, brésilienne; et SANTANDER, espagnole) pour violations de droits humains.
Le lendemain, le TPP condamne l’Union Européenne (UE) et ses entreprises transnationales (ETN) pour violations graves des droits humains fondamentaux en Amérique latine, considérés comme « crimes contre l’humanité ». Le Tribunal dénonce les exactions des ETN commises en toute illégalité et impunité, car elles ont l’appui et les encouragements de l’UE, de ses États membres et des institutions financières internationales. Le TPP a conclu que les ETN européennes travaillant en Amérique latine ont commis des délits contre la vie et contres les peuples autochtones, ont violés les droits du travail, ont détruit l’environnement et les ressources naturelles vitales des populations, et ont porté atteinte aux droits des générations futures (notion de dette écologique).
Organismes ouvertement opposés au projet:
On ne peut comprendre le projet Madeira sans l’aborder comme une composante de l’IIRSA (Integrated Regional Infrastructure for South America).
L’IIRSA comprend plus de 500 projets du type du complexe Madeira et vise essentiellement à développer, dans un contexte d’intégration des pays d’Amérique du Sud à l’économie mondiale, leurs capacités de transport de matériel, de production et de transport d’énergie ainsi que leurs infrastructures de télécommunications répondant aux besoins économiques des dix prochaines années.
En fait, les objectifs liés à la mise en place de l’IIRSA sont clairs :
L’IIRSA touche 12 pays sud-américains et préconise la mise en place de 12 axes de développement et d’intégration, dont l’axe de l’Amazone Sud (Southern Amazon axis) qui unit le Brésil, le Pérou et la Bolivie.
Dans une perspective strictement commerciale, car c’est bien de cela dont il est question ici, la mise en place d’axes d’intégration présuppose de «corriger» les barrières et obstacles imposés par la nature afin d’accélérer la cadence de transport et d’échanges, et d’en réduire grandement les coûts.
En ce sens, l’axe Brésil-Pérou-Bolivie préside essentiellement à la mise en place d’une voie de transport afin d’acheminer les produits vers les ports du Pacifique sans devoir remonter vers le Nord.
Dans ce contexte plus global, le but du projet Madeira est de mettre en place un corridor majeur de production et de distribution d’énergie (hydroélectrique) et de transport de matériel, principalement au service de l’industrie agroalimentaire brésilienne, le tout dans une perspective d’intégration continentale pour fins d’accès aux marchés mondiaux.