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Contexte général
L’Amérique latine est depuis des siècles un lieu d’exploitation des ressources naturelles, particulièrement en ce qui a trait aux ressources minières. Depuis la dernière décennie, le secteur minier connaît un boom impressionnant, autour duquel les entreprises canadiennes comptent bien en tirer le maximum de bénéfices.
L’industrie minière représente l’ensemble des activités liées à l’exploration et à l’exploitation de minerais, métaux, gaz et du pétrole situés sous-terre. Les minéraux et métaux sont des ressources utilisées et transformées dans divers domaines, tels que : la construction, l’aéronautique, la production de divers biens de consommations, etc. Invraisemblablement, les ressources issues de cette industrie sont essentielles à la satisfaction de plusieurs besoins et nécessités de bases, ainsi que pour satisfaire aux demandes de produits et biens toujours plus croissantes de la société de surconsommation. Ces minéraux, métaux et combustibles constituent des ressources naturelles non renouvelables et, malgré le discours de l’industrie minière, l’exploitation de celles-ci ne pourra donc jamais s’effectuer en arguant un caractère «durable».
Les rendements extrêmement élevés des sociétés de l’industrie ces dernières années font passer sous silence diverses questions d’ordre environnemental, ayant trait aux droits humains, à l’autodétermination des populations et bien d’autres. Au courant des dernières années, certains minerais ont atteint des sommets inégalés, tel que l’or qui a culminé à près de 1212,50 $US/oz en décembre 20091. De plus en plus de cas d’atteinte aux droits humains et de dégradation de l’environnement ont été exposés au niveau international remettant en question l’image de l’entreprise «socialement responsable» que l’industrie minière tente de se forger depuis plusieurs années.
À l’ère de la surconsommation et pour soutenir les besoins en ressources naturelles des pays émergents, tels la Chine et l’Inde, l’exploitation de ces ressources ne s’effectue pas, dans bien des cas, de façon responsable et ce à divers niveaux : social, environnemental et économique. Pour faire en sorte de combler les besoins d’une partie de la population mondiale, l’exploitation des ressources s’effectue aux dépens d’autres qui, eux, encaissent les impacts de cette industrie.
Afin d’avoir plus d’information sur les différents cas suivis par le CDHAL, veuillez-vous référer au haut de la page à la droite de votre écran sous la section «Cas». À l’intérieur de ces sections, vous trouverez une description du cas à l’étude. Cliquez sur l’onglet «Pour en savoir plus» afin d’en savoir davantage et pour récolter les dernières nouvelles, articles de presse, communiqués , liens pertinents et documents concernant le cas en question ou sur la problématique en général.
Il existe deux types d’exploitation minière. La première, et peut-être la plus connue, est la mine souterraine. Celle-ci peut être représentée comme une immense fourmilière qui consiste en un système de tunnels reliés les uns aux autres et qui permettent d’atteindre les ressources souterraines.
Les avancées technologiques réalisées au courant du XXe siècle ont permis d’augmenter l’échelle d’exploitation et, de ce fait, la capacité de production des sites miniers en transformant les méthodes d’exploitation.
L’exploration de surface constitue la deuxième catégorie. Aujourd’hui ce type d’exploitation représente 60% des mines d’extraction à travers le monde2. Ce type d’exploitation consiste en un creusage par dynamitage, permettant ainsi d’enlever successivement des couches du sol qui sont ensuite transportées pour extraire de la roche les minéraux voulus par divers procédés, mécaniques et/ou chimiques. Cette méthode est utilisée lorsque les gisements de minerais se trouvent près de la surface du sol car elle est plus économique que l’exploitation par mine souterraine. Par contre, ces mines dites «à ciel ouvert» produisent 8 à 10 fois plus de déchets et de résidus que les mines souterraines3. Cette catégorie regroupe :
Source: http://www.nrcan.gc.ca/mms-smm/busi-indu/keyfac-prxfat/mining-miniere/mine3-f.html
L’industrie minière constitue un secteur d’activité économique très important pour le Canada. Elle a contribuée au PIB du Canada à hauteur de 32 milliards de dollars en 2009. À titre de comparaison l’industrie minière est 12 fois plus importante que le secteur forestier et trois fois plus que le secteur agricole5. Le Canada a su développer une expertise dans l’industrie qui est aujourd’hui reconnue mondialement. Cette longue tradition minière peut, entre autres, s’expliquer par le fait que le pays est géologiquement riche en ressources : produisant plus d’une soixantaine de minéraux et de métaux, le Canada est l’un des pays au monde où il y a le plus d’exploitation minière. L’environnement d’affaire stable existant au Canada lui confère également d’être privilégié par les entreprises pour l’investissement du capital d’exploration : près de 16% des budgets mondiaux y ont été affectés en 2009. D’autant plus, les sociétés canadiennes prévoyaient de dépenser davantage que tout autre pays, soit 34 % de tous les programmes d’exploration prévus dans le monde en 20096.
Pour illustrer l’importance de cette industrie pour le Canada, voici un portrait de la situation, toutes les statistiques datent 2009 :
– L’édifice de la Bourse de Toronto (photo)
La Bourse de Toronto13 TSX et la TSX-Venture, une bourse d’investissement adaptée aux sociétés d’exploration, sont devenues au courant des années 2000 les pôles de prédilection de l’industrie minière. Plusieurs raisons expliquent cela. Tout d’abord, il existe dans la ville reine une expertise au niveau financier, juridique et technologique nulle part ailleurs égalée. Ensuite, au courant des dernières années, le gouvernement a fait du Canada un pays très accueillant pour les sociétés minières dû, notamment, à ses avantages fiscaux importants.
La Bourse elle-même propose des conditions avantageuses pour les entreprises, telles que des bas coûts d’inscription et une exigence minimale d’informations de la part des sociétés, comparativement aux bourses américaines. Enfin, le cadre d’autoréglementation prévalant au pays concède aux entreprises la possibilité d’agir selon leur bon vouloir en termes d’éthique sociale et environnementale. En somme, le Canada a créé l’environnement idéal pour que les sociétés étrangères viennent s’y loger et évoluer sans crainte d’être ennuyées. Ce qui explique ces prochains chiffres, datant encore de 2009 :
Tableau 1 – Classification des entreprises minières canadiennes18
Type 1 | Type 2 | Type 3 | Type 4 | Type 5 | |
Emplacement du siège social | Canada | Canada | Pays étranger | Pays étranger | Pays étranger |
Adresse postale | Canada | Canada/Pays étranger | Pays étranger | Pays étranger | Pays étranger |
Territoire de compétence | Canada | Canada | Canada | Pays étranger | Pays étranger |
Dirigeants corporatifs canadiens | Oui | Oui/Non | Minimum | Non | Oui |
Exploitation minière au Canada | Oui/Non | Non | Non | Non | Oui |
Exploitation minière à l’étranger | Oui/Non | Oui | Oui | Oui | Oui |
Dirigeants pouvant être poursuivis en vertu des lois canadiennes | Oui, dans la plupart des cas | Oui, dans certains cas | Non, dans la plupart des | Non, dans la plupart des cas | Oui, dans certains cas |
Inscriptions aux bourses canadiennes | Oui | Oui | Oui | Oui | Non |
►Se référer au lien suivant d’une liste non exhaustive des compagnies minières canadiennes (site de Mines Alerte Canada)
►Se référer à la Campagne Exploitation minière et droits humains du CDHAL pour connaître la situation de projets miniers suivis par le CDHAL dans différents pays d’Amérique latine.
À l’heure actuelle, il n’existe dans le droit international aucun outil stipulant que les États sont responsables des actes de leurs ressortissants à l’étranger19. Le Canada applique le concept de restriction d’extraterritorialité de son droit, faisant en sorte de ne pas imposer son droit à d’autres États. Le gouvernement se décharge, en quelque sorte, des actions commises par les sociétés, individus et organisations ressortissantes du Canada qui opèrent à l’étranger.
Lorsque l’on constate l’ampleur du rôle que jouent les sociétés extractives canadiennes dans le monde, il est nécessaire d’évaluer l’impact qu’ont ces sociétés à l’étranger. Rappelant que 60 % des entreprises d’exploration et d’exploitation minière dans le monde sont inscrites au Canada, que ces firmes contribuent pour 40 % des budgets mondiaux de l’exploration minière et que cette industrie concourt à près de 4,5% du PIB du pays, il est inquiétant de constater l’appui inconditionnel qu’offre le gouvernement canadien à cette industrie et dont bénéficient les sociétés autant au Canada qu’à l’étranger.
Au Canada, il n’existe aucune législation contraignante obligeant une société oeuvrant à l’étranger à respecter les normes relatives à la responsabilité des entreprises. En somme, il est impossible d’exiger d’une entreprise qu’elle respecte un code de conduite dans le cadre de ses activités. Actuellement, seuls des codes de conduite volontaires que chacun dit respecter au « meilleur » de ses capacités régissent les activités de cette industrie. De ces codes volontaires, on dénombre les « Principes de l’Équateur », les « Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales », et l’« Initiative relative à la transparence de l’industrie extractive ». Plus d’information à ce sujet
Se référer à l’étude de cas Projet de loi C-300 pour connaître l’initiative du député libéral John McKay en faveur d’une approche directe pour la responsabilisation sociale des entreprises canadiennes extractives dans les pays en développement (PED).
– Caricature du projet de loi C-300 (photo)
L’Amérique latine se trouve fortement dotée en ressources minérales, car son sous-sol abrite les gisements parmi les plus importants au monde. Comme il a été vu précédemment, les sociétés canadiennes jouent un rôle de premier plan dans l’exploitation de ces ressources sur le territoire latinoaméricain. Comme un peu partout dans le monde en développement, l’investissement étranger y est fortement encouragé et plusieurs mesures avantageuses sont proposées aux sociétés minières étrangères, puisqu’il s’agit d’une industrie hautement lucrative pour les États hôtes.
Les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) soumis par la Banque Mondial (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI), ont été mis en place dans les années 1980 pour faire en sorte que les pays en développement (PED) puissent s’acquitter de leurs dettes. Ils ont également contribué à l’avènement de sociétés étrangères en Amérique latine.
La mise en place de nouveaux codes miniers ou la modification de la législation minière en vigueur, souvent exigés par les Institutions Financières Internationales (IFI) et grandement appuyés par des représentants gouvernementaux étrangers ou de compagnies minières, ont été fortement favorables aux investissements étrangers. Ceci se traduit notamment par de faibles exigences pour les compagnies en termes de respect de conditions environnementales et/ou sociales, mais également par la mise en place de subventions des gouvernements sous différentes formes, telles que des crédits d’impôt ou l’exonération fiscale occasionnant des bénéfices substantiels pour les entreprises.
Enfin, les différents traités d’investissement (accords de libre-échange) qui ont permis de favoriser l’investissement étranger sont en soi un danger pour l’environnement et les droits de la personne. À ce jour, plus de 2 600 traités bilatéraux d’investissements ont été signés entre États. Selon Howard Mann, de l’Institut international du développement durable, il est évident que ces traités et contrats constituent des obstacles à la protection de l’environnement et des droits de la personne20. Plusieurs exemples illustrent les dangers liés à de tels engagements pour les pays en développement. On peut citer l’entreprise canadienne basée à Vancouver, Pacific Rim, qui poursuit actuellement l’État du Salvador pour près de 200 millions de dollars en vertu du chapitre 10 du CAFTA-DR (Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République Dominicaine). Le Canada n’étant pas partie à cet accord, c’est en fait à travers sa filiale états-unienne que Pacific Rim intente sa demande pour perte de profits. (Pour plus d’information, voir le site du CISPES – Committee in Solidarity with the People of El Salvador)
Devant cette ouverture béante pour stimuler l’investissement étranger, très peu d’États ont prévu ou ont pu effectuer la mise en place de mécanismes de contrôle et de reddition de compte. La structure gouvernementale précaire et le manque de moyens des pays en développement ne permettent pas de surveiller les activités de l’industrie extractive sur leurs territoires, de déterminer les impacts liés à celles-ci et de poser les réglementations visant à prévenir et/ou corriger les dérapages.
Au courant des dernières années, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer les situations inacceptables qui sont le fruit de l’exploitation des ressources minérales par des entreprises étrangères. Les organisations de la société civile de plusieurs pays d’Amérique latine ont réclamé la révocation et la révision de plusieurs codes miniers et exigé un moratoire sur les nouveaux projets d’exploration. Au Salvador, le président Mauricio Funes a déclaré en janvier 2010 que son gouvernement n’autoriserait pas de projets d’extraction minière21; au Costa Rica, la nouvelle Présidente Laura Chinchilla réaffirma en mai 2010 un moratoire sur l’exploitation des mines d’or à ciel ouvert (ceci ne touchant pas les projets déjà existant)22, alors qu’en Argentine, cinq provinces ont signé des codes restreignant certaines pratiques minières sur leur territoire 23. Ces organisations exigent que les gouvernements comblent les vides réglementaires occasionnés dans le cadre des PAS par la mise en place de réformes tant juridiques, politiques, qu’institutionnelles.
Au courant des dernières années, beaucoup de grandes entreprises minières canadiennes se sont dotées de code de conduite en responsabilité sociale. En consultant les engagements que disent prendre ces entreprises, tout porterait à croire qu’elles opèrent dans un souci constant de respect de l’environnement et des communautés touchées par leurs activités. Malgré l’image que veut se donner l’industrie minière en général, l’exploitation de ressources minières engendre des conséquences qui se révèlent souvent désastreuses sur les plans social, environnemental et économique. Cette section présentera certaines conséquences négatives de l’exploitation des ressources minières dans les pays d’Amérique latine.
Comme il a été vu précédemment, près de 60% des exploitations minières dans le monde s’effectuent à ciel ouvert, causant une défiguration permanente du territoire dû aux procédés d’exploitation :
– La qualité de l’air diminue, du fait des poussières des sites miniers (dynamitage) et des émissions des machineries et centrales utilisées dans le cadre des activités.
– La qualité et la quantité d’eau s’en trouvent également affectées. La terre, les roches, les résidus et les eaux contaminés par l’utilisation de produits toxiques, malgré la construction de digues et de bassins de rétention, viennent souvent en contact avec les rivières, fleuves et nappes phréatiques environnant, causant la contamination des ressources en eau.
– Des quantités importantes d’eau sont nécessaires à l’extraction et à la séparation des minerais de la roche, diminuant ainsi l’accès aux ressources en eau pour les communautés avoisinantes.
– La qualité des sols se trouve diminuée à cause de la contamination par les résidus miniers contaminés.
Il est important d’apporter une attention particulière aux impacts produits par les minières sur les populations autochtones autant d’Amérique latine qu’ici, au Canada. Ces peuples sont souvent victimes des projets d’extraction minière en raison du peu d’influence qu’ils possèdent ou du fait qu’ils aient été mal informés du projet en question. Dans plusieurs États, la loi ne reconnaît pas que les populations autochtones sont propriétaires des terres qu’ils occupent. Selon l’organisation No Dirty Gold, 50% de l’or extrait entre 1995 et 2015 proviendra de territoires traditionnels de populations autochtones27, illustrant ainsi la nécessité et le besoin pressant d’impliquer ces populations dans les débats.
À ce jour, deux instruments internationaux favorisent la consultation des peuples autochtones lorsqu’il est question du développement économique de leurs territoires :
Bien que cette convention et cette déclaration aient été ratifiées par plusieurs États, leur application dans la réalité comporte bien de fausses promesses… À titre informatif, le Canada n’a pas, jusqu’à ce jour, ratifié la Convention 169.
Voyant les impacts négatifs l’emporter sur les avantages liés à l’implantation d’une minière, de plus en plus de communautés s’opposent au fait que ce type d’industrie vienne s’installer sur leurs territoires. Les exemples de mobilisation citoyenne, tels qu’observés avec les cas Tambogrande au Pérou ou d’Esquel en Argentine, appuient clairement cette réalité de plus en plus courante dans diverses régions à travers le monde. L’accès à l’information et la diffusion de cette mobilisation citoyenne sont nécessaires pour permettre aux populations d’être en mesure de poser un consentement libre et éclairé31 sur les activités de cette industrie. Les entreprises minières prènent peu à peu conscience du fait que, sans l’appui des populations et communautés, sans ce permis social, il deviendra de plus en plus ardu et difficile d’opérer au Canada, en Amérique latine et partout dans le monde.
Manifestation devant le siège social de la CIBC contre «Minera San Xavier» (MSX) à Cerro de San Pedro (SLP, Mexique) un projet minier de la compagnie canadienne Metallica Resources, maintenant New Gold Inc. Fait devant le siège social de la CIBC, actionnaire de la MSX, à Montréal en août 2007.
Ainsi, les mégaprojets de « développement », mis en avant par l’industrie minière, s’attirent de plus en plus d’opposition des personnes directement affectées par ceux-ci. Dans plusieurs États d’Amérique latine, les entreprises minières étrangères fonctionnent souvent main dans la main avec les autorités locales et fédérales et il n’est pas rare qu’elles soient mêlées à des réseaux de corruption ou de collusion pour arriver à leurs fins.
On parle de plus en plus de « permis social », qui aurait la même valeur qu’un permis environnemental pour déterminer l’avancement ou non d’un projet. Le concept de permis social ne fait pas l’objet d’une définition universellement reconnue, mais il a été une question clé dans plusieurs litiges. La Cour Suprême du Canada définit la notion de permis social comme étant composée d’éléments multiples, qui changent et reposent actuellement sur l’élaboration de plusieurs notions clés à l’échelle internationale32. Les éléments qui devraient être pris en compte afin d’obtenir le « permis social » et avant de donner suite à un projet minier sont ceux de :
Les deux exemples de Tambogrande et d’Esquel illustrent une voie à la fois pacifique et démocratique que les communautés utilisent de plus en plus et qui est celle de la consultation populaire, ou le référendum. Après avoir été informés, les citoyens qui seront affectés par un projet minier sont appelés à se prononcer sur l’acceptation ou non du projet. Dans les cas de Tambogrande et Esquel, la population s’est clairement prononcée contre le projet proposé. Actuellement, les consultations populaires de ce genre ne sont pas contraignantes et ne reflètent aucune obligation juridique de les respecter. Mais elles commencent à acquérir de plus en plus d’importance, de poids et de validité. Déjà, en Argentine, il se peut que la première consultation contraignante soit déclarée dans la ville d’Andalgalá.
«Les besoins de base de l’humanité sont : manger, s’habiller et avoir un toit. Il n’y a aucune nécessité publique appelée «or». Il n’y a aucune nécessité publique appelée «cuivre». Personne ne se nourrit d’or ou de cuivre. Les gens vivent en mangeant de la nourriture et c’est de cela dont l’humanité a besoin.» – Godofredo Garcia Baca: agronome et chef de la communauté (assassiné le 31 mars 2001)
Depuis les années 1990, l’investissement minier au Pérou connaît une croissance constante, à un point tel que le gouvernement considère l’industrie minière comme l’instrument principal pour le développement économique du pays. Cette expansion du secteur minier coïncide avec les politiques de libéralisation et de privatisation favorisant l’investissement étranger mises de l’avant sous le régime Fujimori.
En 1999, Manhattan Minerals Corporation, une entreprise minière canadienne, acquiert les droits d’exploration de 10 000 hectares de terres à Tambogrande, dans le but d’exploiter les gisements d’or, de cuivre, de zinc et d’argent qui s’y trouvent. La délocalisation de 8 000 habitants, le détournement d’une rivière et la contamination des sources d’eau potable du district ne sont que quelques-unes des répercussions que l’on prévoyait suite au développement de ce projet.
Face à ces enjeux, plusieurs organismes de base, dont le Front de défense de Tambogrande, organisent des manifestations massives pour protester contre la construction de la mine. La résistance atteint son point culminant avec l’organisation d’un référendum en juin 2002, où la population de la région a été consultée sur le développement du projet minier. Cette consultation a été faite sous la surveillance d’observateurs internationaux, dont une équipe formée de quelques employés et bénévoles du CDHAL. Le camp du NON remporte le scrutin sans équivoque avec 98 % des voix34.
Néanmoins, ce référendum ne constituait pas une obligation juridique pour l’État d’abandonner le projet minier. L’entreprise décida tout de même d’aller de l’avant avec son projet, mais la société étatique chargée d’étudier le projet à cette époque, Centromin Perú, mit un terme à ce dernier en 2003 pour non conformité au respect du contrat minier. Il est iimportant de mentionner que sans l’ampleur de l’opposition populaire qui a su attirer l’attention internationale sur ce cas, le projet minier aurait vraisemblablement pu aller de l’avant et engendrer les violations de droits susmentionnés.
Ayant réussi à faire interrompre les activités d’une multinationale minière par le biais d’une consultation municipale, la population de Tambogrande a marqué un point important dans l’histoire des mobilisations contre les projets miniers transnationaux. Cette victoire suscite de l’espoir pour les communautés ayant des luttes similaires.
L’exemple du cas d’Esquel en Argentine démontre bien le mode de pensée limité d’une grande partie des sociétés extractives. Celles-ci priorisent avant tout les bénéfices et les solutions à court terme tout en n’ayant que peu de considérations pour les impacts de leurs activités à long terme sur l’environnement et les communautés.
Le projet du Cordon Esquel prévoyait l’exploitation d’une mine d’or dont les réserves sont estimées à plus de 3 millions d’onces par l’entreprise Meridian Gold, une filiale de l’entreprise canadienne Yamana Gold. L’entreprise projetait d’exploiter une mine d’or à ciel ouvert située à moins de 7 kilomètres de la ville d’Esquel, dans la province de Chubut en Patagonie, où résident près de 30 000 habitants. Le procédé au cyanure qui aurait été employé pour l’extraction de l’or aurait créé un risque élevé de contamination et de dégradation de l’environnement. De plus, l’implantation de la mine n’aurait pas généré d’emploi pour les habitants de la région et aurait compromis l’industrie touristique de la région d’Esquel.
Face au danger que représentait le projet pour l’environnement et la santé de la collectivité, une forte mobilisation populaire s’est créée. Devant cette opposition, le gouvernement a organisé une consultation. Le résultat était sans équivoque : le 23 mars 2003 la population s’est prononcé à 80% contre la mine : «no a la mina».
En 2006, le gouvernement argentin a passé une loi imposant un moratoire de 3 ans sur les activités minières dans la région d’Esquel.
Grâce à la mobilisation du «no a la mina», la population d’Esquel a marqué un point important dans la lutte aux projets miniers. La communauté a fait figure de proue dans cette lutte en Argentine, et trois communautés, Epuyen, Trevelin et Lago Puelo, ont manifesté leur opposition face aux projets miniers. En 2008, cinq provinces ont adopté des codes restreignant certaines pratiques minières sur leur territoire : Tucuman, La Rioja, Mendoza, La Pampa et Rio Negro35.
Notes
1 GROUPE DE TRAVAIL INTERGOUVERNEMENTAL CANADIEN SUR L’INDUSTRIE MINÉRALE. Survol des tendances observées dans l’exploration minérale canadienne. Ottawa, Ressources Naturelles Canada, 2010, p. 1.8
2 MOUVEMENT MONDIAL POUR LES FORÊTS TROPICALES. L’industrie minière : Impacts sur la société et l’environnement. Uruguay, mars 2004, p.18
3 No Dirty Gold. Solid Waste, [http://www.nodirtygold.org/solid_waste.cfm](site consulté le 19 avril 2010).
5 ASSOCIATION MINIÈRE DU CANADA. Rapport sur la situation de l’industrie minière canadienne – Faits et chiffres 2009. Ottawa, 2009, p.7
6 GROUPE DE TRAVAIL INTERGOUVERNEMENTAL CANADIEN SUR L’INDUSTRIE MINÉRALE, op. cit., p. 5.
7 Ibid. p.86
8 Amnistie Internationale Canada. Exploitez sans exploiter! L’industrie minière canadienne en terrain minée, [http://www.amnistie.ca/images/stories/section_agir/campagnes/mine_campagne/mines_adultes/situation_a.htm](site consulté le 19 avril 2010).
9 Conseil des ressources humaines de l’industrie minière (RHIM). L’industrie minière canadienne, [http://www.acareerinmining.ca/fr/industry/factsfigures.asp](site consulté le 19 avril 2010).
10 GROUPE DE TRAVAIL INTERGOUVERNEMENTAL CANADIEN SUR L’INDUSTRIE MINÉRALE, op. cit., p.92.
11Ibidem
12 Ibid. p.95
13 DENAULT, Alain et al. Noir Canada : Pillage, corruption et criminalité en Afrique, Montréal, Éditions Écosociété, 2008, 352 p.
14 GROUPE DE TRAVAIL INTERGOUVERNEMENTAL CANADIEN SUR L’INDUSTRIE MINÉRALE, op. cit., p.16.
15 Ibidem.
16 Ibidem.
17 ASSOCIATION MINIÈRE DU CANADA. Rapport sur la situation de l’industrie minière canadienne – Faits et chiffres 2009. Ottawa, 2009, p.26
18 MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL. Tables rondes nationales sur la responsabilité sociale des entreprises et les industries extractives canadiennes dans les pays en développement – Document de travail. Ottawa, Juin 2006, p.30
19 CentPapier. Tout ce qui brille n’est pas or… surtout pour les victimes de l’industrie minière, [http://www.centpapiers.com/tout-ce-qui-brille-n%E2%80%99est-pas-or%E2%80%A6surtout-pour-les-victimes-de-l%E2%80%99industrie-miniere/7108/](Site consulté le 19 avril 2010).
20 CONSEIL CANADIEN POUR LA COOPÉRATION INTERNATIONAL. Rapport sur le Colloque d’orientation du CCCI tenu le 13 mai 2009 – Traité d’investissement et industrie extractive : leurs répercussions sur les droits de la personne et le développement durable. Ottawa, 2009, p.8
21 CISPES. [http://cdhal.org/presse/2010/01/13/salvadoran-president-my-government-will-not-authorize-any-mining-extraction] (page consultée le 10 mai 2010).
22 CDHAL/No a la mina. [http://cdhal.org/presse/2010/05/10/costa-rica-asumio-y-detuvo-la-mineria-a-cielo-abierto] (page consultée le 10 mai 2010).
23 No Dirty Gold. Esquel, Argentina, [http://www.nodirtygold.org/esquel_argentina.cfm](site consulté le 19 avril 2010).
24 SLACK, Keith. “Les défis de l’industrie minière mondiale”, Pambazuka News, 2008-10-12, [http://www.pambazuka.org/fr/category/comment/51185%E2%80%A8](page consultée le 19 avril 2010).
25 EARTHWORKS et OXFAM AMERICA. Dirty Metals Mining, Communities and the Environment. 2004. [http://www.nodirtygold.org/pubs/DirtyMetals_HR.pdf] (Document consulté le 14 avril 2010).
26 Slack. op. cit.
27 EARTHWORKS et OXFAM AMERICA. op. cit.
28 Organisation internationale du travail (OIT). Peuples indigènes et tribaux, [http://www.ilo.org/indigenous/Conventions/no169/lang–fr/index.htm](site consulté le 19 avril 2010).
29Ibidem.
30Ibidem.
31 Centre de recherche pour le développement international. Exploitation minière : une chercheure amérindienne exprime le point de vue de la base, [http://www.idrc.ca/fr/ev-26041-201-1-DO_TOPIC.html](site consulté le 19 avril 2010).
32 KNOX, Anthony. McCarthy Tétrault. Les notions de « permis social » et l’aménagement minier canadien, 7 mai 2008 [http://www.mccarthy.ca/fr/article_detail.aspx?id=3991](site consulté le 14 mai 2010).
33Ibid.
34 Tambogrande, mangues, meurtres et mines (2007), d’Ernesto Cabellos Damian et Stéphanie Boyd.
35 No Dirty Gold. Esquel, Argentina, [http://www.nodirtygold.org/esquel_argentina.cfm](site consulté le 19 avril 2010).