El Zapotillo, México (suivi des luttes contre le barrage)

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Acteurs principaux

En faveur du projet de barrage El Zapotillo:

Comisión Federal de Electricidad (CFE)Commission Fedérale d’Électricité

Comisión Nacional del Agua (CNA ou CONAGUA, selon la source) – Commission nationale de l’eau : La CONAGUA est l’organisme fédéral qui gère l’eau, qui est considérée comme un bien national. En étant une agence décentralisée du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles (SEMARNAT), la CONAGUA gère les eaux nationales, gère et contrôle le système hydraulique et fait la promotion du développement social.

Directeur général de la CONAGUA : José Luis Luege Tamargo

Directeur général de l’organisme du bassin Lerma Santiago-Pacífico (institution qui a présenté le projet du barrage el Zapotillo) : Raúl Antonio Iglesias Benítez

Comisión Estatal del Agua (CEA) Commission étatique de l’eau, anciennement la Commission étatique de l’eau et d’assainissement de l’État de Jalisco (CEAS) : La CEA est l’organisme qui coordonne et planifie l’usage de l’eau dans l’état de Jalisco.

Directeur Général : César L. Coll Carabias

Gouvernement de l’état de Guanajuato :

Gouverneur : Juan Manuel Oliva Ramirez (PAN)

Gouvernement de l’état de Jalisco :

Gouverneur : Emilio González Márquez (PAN)

Municipalité de Cañadas de Obregón :

La ville, située à 4 km de Temacapulín, appui le développement du « Centro de Población », le nouveau village de relocalisation de la population affectée par le projet de barrage El Zapotillo.

Secretaría de Desarrollo Urbano (Sedeur)Secrétariat de développement urbain : Cet organe gouvernemental est également responsable du développement du « Centro de Población ».

Contre le projet de barrage El Zapotillo:

Centro Universitario de Ciencias Exactas e Ingeniería (UdeG) Centre Universitaire de Sciences Exactes et Ingénierie : de l’Université de Guadalajara

Comité «Salvemos Temacapulín, Acasico y Palmarejo» – Comité «Sauvons Temacapulín, Acasico y Palmarejo» : Ce regroupement populaire rassemble des habitants des communautés affectées qui veulent que le projet du barrage El Zapotillo cesse. Ils sont appuyés par des organismes voués à la défense des droits humains.

Commission Étatique des Droits Humains de Jalisco (CEDHJ) : Ce groupe lutte pour la défense des droits humains des populations de Temacapulín, Acasio et Palmarejo.

Le Colectivo Coa est un collectif d’avocats qui offre des conseils juridiques aux habitants des villages affectés. C’est aussi à travers les avocats membres de cette organisation que divers recours judiciaires sont effectués.

Movimiento Mexicano de Afectados por las Presas y en Defensa de los Rios (MAPDER)   Mouvement mexicain de personnes affectées par les barrages et en défense des rivières : Ce mouvement a pour objectif de rassembler les divers fronts étatiques, les organisations sociales et civiles et les communautés du Mexique qui sont affectées par la construction de barrages.

Instituto Mexicano de Desarollo Comunitario (IMDEC) – Institut mexicain de développement communautaire : Cette organisation issue de la société civile travaille pour un développement local et durable, et pour la justice et l’équité, en se fondant sur les droits humains, la démocratie, la participation et l’action citoyenne, à l’aide de processus d’éducation et de communication populaire.

International RiversRivières internationales : ONG qui lutte pour la protection des rivières et la défense des communautés qui en dépendent. Elle mène des actions en Amérique Latine, en Afrique et en Asie.

Mise en contexte

Le projet de barrage El Zapotillo, situé dans la région de Los Altos de Jalisco (à deux heures au Nord-Est de Guadalajara), servirait à doter en eau potable les villes de León, Guanajuato, la région de Los Altos de Jalisco et la Zone Métropolitaine de Guadalajara (ZMG). Il servirait aussi à alimenter des stations de pompage et des usines de traitement d’eau. Ce barrage pourrait fournir l’eau à la ZMG et arrêter en grande partie l’extraction de l’eau du plus grand lac du Mexique, le Chapala.

Il s’agit d’un projet d’une durée de vie estimée à 25 ans, initié et promu par la CONAGUA, la CEA et la CFE. La construction a été concédée à l’entreprise mexicaine Peninsular Compañía Constructora, ainsi qu’aux entreprises espagnoles FCC Construcción et Grupo Hermes. Ces entreprises privées embauchent environ 200 ouvriers, provenant majoritairement des autres états du Mexique.

Ce réservoir d’eau affecterait une zone de 4 816 hectares, permettant de stocker 911 millions de mètres cubiques d’eau. Il représente un coût total estimé à 8 010 millions de pesos (soit environ 523 millions de dollars US). Alors que 34% des investissements sont privés, 66% du financement provient des organismes publics dont FONADIN, la CONAGUA, l’état de Jalisco et l’état de Guanajuato.

Selon le député fédéral César Octavio Madrigal, le barrage El Zapotillo profiterait à plus de deux millions et demi de personnes, soit un million de la ville de León et un million et demi de l’état de Jalisco, dont 1 200 000 seraient de la ZMG et 300 000 de Los Altos de Jalisco.1

Cependant, le projet aurait comme impact de détruire le cours naturel du Rio Verde (la rivière Verde), inondant ainsi trois communautés de Los Altos de Jalisco: Temacapulín, Acasico et Palmarejo, où vivent actuellement quelques 1 000 personnes. À ce nombre s’ajoute plus de 3 000 personnes faisant partie de la population de ces village mais qui ont émigré aux Etats-Unis ou dans d’autres états du Mexique (les “enfants absents”), tout en maintenant des liens communautaires réels avec leur village d’origine. Au total, l’inondation du Rio Verde affecterait de façon indirecte 15 000 personnes vivant dans les villages avoisinants.

En plus d’un manque flagrant de communication, d’information et de consultation de la part des gouvernements, jumelé à une série de harcèlements et de menaces proférés envers les habitants des villages, le mot d’ordre de la part des responsables du projet dirigé à la population est : “Vous sortez ou vous vous noyez”. Au-delà des menaces, du dénigrement et de la violence psychologique, la construction du barrage El Zapotillo viole jusqu’à présent plusieurs droits fondamentaux : le droit à l’autodétermination des peuples, le droit à la participation en se prononçant au travers d’une consultation, le droit à une information claire et précise, et le droit à la liberté d’association libre de menace, de violence et de contraintes. Si le projet est mené à terme, d’autres droits seraient aussi bafoués : le droit à la propriété, au logement, au travail librement choisi, le droit au développement, à la protection d’un environnement sain, et à la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine.

Conséquences principales et impacts sur les droits humains

La relocalisation aurait un impact direct sur le mode de vie des habitants des villages, mettant en péril leur sécurité alimentaire. Ils perdraient en effet leurs terres fertiles et agricoles ainsi que leurs moyens traditionnels de subsistance : élevage de bétail, pêche et agriculture (maïs, haricots, chili, etc.).2

Une recherche réalisée par la CEDHJ a révélé d’importants impacts psycho-sociaux : des maladies chronico-dégénératives et respiratoires, ainsi que des cas d’anxiété, de dépression et d’agressivité liés au stress ont augmenté parmi les habitants des municipalités affectées par le projet.3La pression due à la construction du barrage, l’incertitude face à leur avenir et le traumatisme dû à la perte éventuelle des lieux de vies sont considérables.

L’importance culturelle et historique de ces communautés est marquante. On calcule que l’époque où les premières populations indigènes ont vécu dans la région remonte au VIesiècle alors que l’histoire culturelle prend de l’importance à partir du XVIesiècle, soit plus tôt que Guadalajara. La communauté de Temacapulín est réputée pour son patrimoine architectural et ses bains thermiques, qui constituent un potentiel touristique peu développé. Depuis une génération, le village surnommé « Temaca » par la population locale subit l’exode des jeunes, principalement vers les États-Unis. En janvier, lors des fêtes patronales pour lesquelles le village est reconnu, les émigréEs reviennent à leur terre natale. Quelques centaines d’habitants y restent, surtout des personnes âgées fortement attachées à leur terre. Le barrage et ses conséquences économiques provoqueraient également une augmentation importante de l’exode rural.

Il existe dans les trois communautés affectées, Temacapulín, Acasico et Palmarejo, trois temples de grande importance historique et religieuse : le temple de El Niño de Flamacordis et la Virgen del Rosario à Acasico, et la Basilica de los Remedios à Temaca, qui, en 2009, a fêté ses 250 ans. De plus, dans les parois rocheuses de Temacapulín est façonnée l’image d’un Christ appelé “El Señor de la Peñita” qui est devenu un site de pèlerinage dans la région. La direction du Patrimoine culturel de l’état de Jalisco a déterminé, en avril 2008, que les constructions antiques de ces villages font partie du patrimoine culturel et ne peuvent donc être sujettes qu’à la conservation et à des restaurations spécialisées.

À l’éradication du patrimoine culturel et au démantèlement de ces communautés, il faut rajouter la détérioration environnementale que provoquerait le barrage. Alors qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée adéquatement, on peut néanmoins affirmer que le corridor biologique du Rio Verde sera grandement endommagé. Tout barrage vulnérabilise la faune et la flore des rivières et leurs alentours. Ils provoquent une augmentation des cas d’infection et de maladies chroniques. Ils affectent l’agriculture et l’élevage, provocant des empoisonnements et réduisant les terres fertiles. Des écosystèmes entiers, d’une grande richesse naturelle, seraient bouleversés, tel le ravin de Los Colomos. Le barrage El Zapotillo ne viendrait qu’aggraver une situation écologique déjà très dégradée par la pollution des rivières dans l’ensemble de l’état de Jalisco.

Historique du projet et de la lutte

Irrégularités, illégalité et harcèlement

Durant les années 1990, divers accords ont été signés afin d’utiliser l’eau du bassin du Rio Verde. Le 24 mai 2005, arbitrairement et sans les études nécessaires, le gouverneur de l’état de Jalisco, Francisco Ramírez Acuña (PAN), décide de construire un barrage sur le Rio Verde après que la pression publique le fasse renoncer à un projet (Arcediano) dans une région avoisinante. On annonce la construction du projet du barrage El Zapotillo. C’est à cette date qu’a véritablement débuté la lutte contre la construction du barrage.

En juin 2005, la CONAGUA débute les études du sous-sol de la région, sans transmettre l’information aux habitants des localités affectées. En septembre, on organise une réunion des populations de Temacapulín, Acasico et Palmarejo avec le Directeur régional de la CONAGUA, Raúl Iglesias. Certains aspects techniques sont présentés à propos du barrage, notamment sa hauteur, 80 mètres, ce qui menace d’inonder Acasico et Palmarejo. Depuis 2006, les habitants des communautés, n’ayant toujours pas été informés convenablement sur le projet, multiplient les démarches légales et politiques pour faire arrêter le barrage.

En 2007, les plans sont révisés : le nouveau projet de barrage mesure 105 mètres, affectant ainsi directement le village de Temacapulín qui serait alors lui aussi submergé. Le processus de présentation du projet démontre alors des irrégularités à propos de l’étude d’impact environnementale (Manifestación de Impacto Ambiental –MIA) présentée en 2006 par la CONAGUA, alors qu’il se basait sur un mur d’une hauteur de 80 mètres.

En janvier 2008, les habitants de Temacapulín manifestent leur rejet total du projet de barrage El Zapotillo. Ils remettent une lettre au Congrès de l’état de Jalisco, réclamant de l’information et demandant que la réalisation de projets hydriques n’affecte pas le patrimoine territorial et historique des villages. Devant cette opposition et en réponse à une question qui porte sur des alternatives au projet El Zapotillo, Raúl Iglesias déclare aux journalistes, sur un ton de plaisanterie : »S’ils restent, nous leur achèterons des bouées et des canots de sauvetage afin que vous ne vous inquiétiez pas.»4

Le 23 mai 2008, les habitants de Temacapulín rencontrent le gouverneur de Jalisco, Emilio González, qui promet qu’en trois mois, des maisons »vraiment bien» seront construites pour les habitants, qu’il y aura des projets touristiques dans la région et que la basilique de Nuestra Señora de los Remedios qui date du XVIIe siècle sera relocalisée pierre par pierre. Il rajoute que si plus de 50% de la population rejette le projet de barrage, celui-ci ne sera pas construit et que l’expropriation n’est pas une alternative. Il affirme aussi que les communautés ne seront pas harcelées par les autorités gouvernementales, qu’il présidera personnellement des réunions de suivi mensuel et qu’il fera appel à Temacapulín, tous les trois mois, pour élaborer une proposition de relocalisation de la communauté.5Une part ces réunions n’ont jamais eu lieu, aucune promesse n’a été tenue, et aucune consultation de la population n’a été réalisée à propos du projet actuel. 

En juin 2008, la CEA de Jalisco convoque une réunion où elle invite les habitants de Temacapulín à choisir l’endroit où ils seront relocalisés. Devant un refus collectif de se prononcer, la CEA se livre à du porte-à-porte pour convaincre un à un les habitants de vendre leurs propriétés. Les opposants au barrage El Zapotillo se manifestent alors à Guadalajara contre les pressions et menaces venant de députés responsables du projet. Parallèlement, du 19 au 21 du même mois, se tient à Temacapulín la 5e Rencontre du MAPDER, qui renforce le processus d’organisation et de défense de la population. Le Comité «Salvemos Temacapulín, Acasico et Palmarejo» participe à cette rencontre. C’est dans ce contexte que se crée un plan d’action pour la défense de leurs droits et territoire. Après cet événement, les communautés menacées posent de nombreuses actions en justice pour dénoncer les multiples irrégularités et les abus du gouvernement qui s’obstine à réaliser le projet.

Depuis juillet 2008, de la machinerie lourde travaille sur le site prévu pour la construction du rempart du barrage, creusant des tunnels, abattant des arbres, aplanissant des routes et utilisant de la dynamite. Au mois d’août, la CEDHJ recommande aux promoteurs de s’abstenir d’actes de harcèlement contre la population et de suspendre immédiatement les travaux jusqu’à ce que les habitants soient informés et consultés de manière adéquate. On leur demande aussi de permettre aux habitants de discuter de projets alternatifs.

En janvier 2009, la CEA débute une campagne pour acheter les propriétés des habitants des municipalités affectées par le barrage. Suite au rejet de la proposition par la communauté, la CONAGUA annonce en février 2009 qu’elle procèdera à l’expropriation des terres. Le 29 août, le Comité «Salvemos Temacapulín, Acasico y Palmarejo» rompt définitivement tout dialogue avec la CONAGUA.

En septembre 2009, le Gouvernement fédéral n’a l’approbation que pour le changement de l’usage du sol pour la construction d’un rempart de 80 mètres de haut. Le 26 septembre, la municipalité de Cañadas de Obregón refuse d’accorder le permis nécessaire à la construction du rempart de 105 mètres. Les 25 mètres de différence correspondant à des terres destinées à l’usage agricole et la MIA (étude d’impacts environnementale) correspondante n’a toujours pas été réalisée.

Parallèlement, la CEA se charge de la construction des œuvres du site de relocalisation, le « Plan de Développement Urbain du Centre de Population Temacapulín », sans toutefois obtenir de permis d’accès au sol. Situé à Talicoyunque, le « Centro de Población » qui surplombe la vallée où sont situés les trois villages menacés d’inondation est rebaptisé « Centre de concentration » par la population. Le 15 décembre 2009, le Tribunal Administratif de l’état de Jalisco (TAE) suspend temporairement la construction de ces œuvres en attendant que le Tribunal prononce une sentence concernant la poursuite des travaux(procédure 319/2009).

Pour sa part, la CEDHJ émet le 31 décembre 2009 une deuxième recommandation (35/2009) demandant au gouverneur Emilio González Márquez de suspendre le chantier, de chercher un projet alternatif, d’arrêter de harceler les populations des trois communautés afin qu’elles vendent leurs propriétés et, une fois de plus, de consulter les populations affectées. Néanmoins, Raúl Iglesias affirme : «Nous n’allons pas accepter cette recommandation. Nous n’avons aucun motif pour arrêter».6

En janvier 2010, trois experts du Centro Universitario de Ciencias Exactas e Ingeniería (UdeG) critiquent à plusieurs niveaux le projet intergouvernemental. Ils déplorent la destruction des trois villages, soulignent le manque d’indicateurs de durabilité hydraulique, économique, sociale et écologique du projet, et enfin, notent l’absence d’opposition au sein du gouvernement de Jalisco qui, par ses gestes, perdrait une souveraineté précieuse sur son eau.7Le 26 janvier, Raúl Iglesias affirme que le gouvernement fédéral a acheté plus de 50% des propriétés à Temacapulín. En réalité, la CEA n’aurait acquis que 19 propriétés de Temacapulín en 2009 avec 50 millions de pesos, correspondant à moins de 10% des 300 propriétés existantes.8

En février 2010, les habitants de Temacapulín voient accroître la défense de leurs droits. En plus des procès en cours, ils reçoivent l’appui au niveau fédéral du sénateur Ramiro Hernández García (PRI) et du député fédéral Enrique Ibarra Pedroza (PT). S’ajoutent aussi à ce groupe le maire de Cañadas de Obregón, Carlos González Padilla, les avocats du Colectivo COA, ainsi que Marco Von Borstel, défenseur des droits humains de l’IMDEC. Du 5 au 7 février 2010 a lieu la 7eRencontre du MAPDER, dans la communauté de Paso de la Reina, à Oaxaca, afin de réaffirmer l’opposition à la construction de barrages au Mexique. La déclaration de la rencontre affirme le rejet par le mouvement de la construction du barrage El Zapotillo parmi d’autres projets.9Malgré tout, les autorités poursuivent les travaux, tant pour le barrage que pour le nouveau village.

Le 3 avril 2010, quatre défenseurs de la population affectée sont victimes d’insultes et menacés de mort par des individus affirmant faire partie du gouvernement fédéral. Le 16 avril, l’ex-candidat à la présidence Andrés Manuel López Obrador et un groupe d’une vingtaine de députés fédéraux et sénateurs du Partido de la Revolución Democrática (Parti de la Révolution Démocratique, PRD) et du Partido del Trabajo (Parti du Travail, PT) arrivent à Temacapulín afin d’appuyer la lutte des habitants contre le barrage. Peu après leur arrivée, des tentatives d’intimidation sont faites par des forces de police de l’état de Jalisco et il y a une présence régulière de l’armée sous prétexte de recherche d’armes et de drogues.10

Appui national et international

Du 2 au 6 octobre 2010, la 3eRencontre internationale des personnes affectées par les barrages et leurs alliéEs qui a lieu à Temacapulín rassemble 320 déléguéEs internationaux et internationales en provenance de 54 pays. L’évènement, organisé par International Rivers et appuyé par l’IMDEC et le MAPDER, vient renforcer la campagne « Los OjOs del mundo están puestos en Temaca »11(Les yeux du monde sont posé sur Temaca) et fait de Temaca un symbole de lutte. C’est l’occasion pour des personnes affectées par les barrages, des représentants d’organismes de défense des droits humains et environnementaux, des scientifiques et des experts des quatre coins de la planète de partager de l’information, d’échanger des stratégies d’action collectives et de fortifier le mouvement mondial de lutte contre les barrages et pour les droits humains et les rivières. À l’issue de la rencontre, les manifestants demandent une fois de plus aux gouvernements fédéral et étatique de suspendre la construction du barrage El Zapotillo. « Non seulement on viole le droit des personnes à être consultées et à avoir de l’information, mais on viole aussi les lois et les normes mexicaines», affirme Marcos Von Borstel de l’IMDEC. Les autorités responsables permettent alors aux déléguéEs internationaux et internationales accompagnéEs d’habitantEs de la région le passage jusque-là interdit sur les sites de construction. La déclaration de Temaca rappelle la solidarité des déléguéEs avec la communauté menacée d’être inondée par le barrage EL Zapotillo et la nécessité d’une lutte commune.

Après avoir constaté l’avancée des travaux, les opposants au projet de la communauté de Temacapulín et des représentants des organisations les appuyant décident de faire un campement permanent sur le site du «nouveau Temaca » en cours de construction. Ils y restent pendant 22 jours, à partir du 8 novembre 2010.12Deux jours plus tard, le 10 novembre 2010, a lieu la Journée nationale et internationale pour la suspension du barrage El Zapotillo comme convenu avec les déléguéEs de la rencontre d’octobre. Dans une vingtaine de pays et dans huit villes mexicaines, des actions sont coordonnées en solidarité avec les habitants des trois communautés. Au niveau national, des manifestations ont lieu devant les bureaux de la CONAGUA alors qu’environ 1 000 manifestants se présentent devant la Casa Jalisco, faisant une demande de démission du gouverneur de l’état. À l’international, des lettres déclarant l’opposition au barrage El Zapotillo sont remises aux ambassadeurs et consuls mexicains des différents pays et des manifestants prennent place devant les bâtiments des représentants gouvernementaux du Mexique.

Le 17 novembre 2010, le Tribunal Administratif de l’état de Jalisco émet une désobéissance à la CEA, au SEDEUR et à la Municipalité de Cañadas de Obregón suite au non respect de la demande de suspension du projet de construction sur le site de Talicoyunque. Plusieurs organisations de défense des populations affectées indiquent que ces autorités responsables se contredisent et continuent d’effrayer les communautés toujours désinformées. En effet, les représentants du gouvernement de Jalisco, à travers la CEA, tentent de se déresponsabiliser en affirmant que l’arrêt de la construction du nouveau Temaca duquel ils sont en charge ne dépend pas d’eux et que le jugement ne les concerne pas. Ce même jour, des organisations internationales demandent une consultation publique sur la relocalisation de Temacapulín, alors que pour la deuxième fois le Tribunal Administratif de l’état de Jalisco demande la suspension du projet, accordant un délai de cinq jour à la CEA pour faire arrêter la machinerie.

Le 1erdécembre 2010, alors que les constructions n’ont toujours pas cessé, le directeur des Bassins et Durabilité de la CEA, Héctor Castañeda Náñez, affirme en conférence de presse que la demande faite par les habitants de Temacapulín, Acasico et Palmarejo pour empêcher leur relocalisation a été rejetée par le Tribunal. En effet, le 30 novembre 2010, le TAE de Jalisco, réuni en plénière, met fin à la suspension provisoire accordée le 15 décembre 2009 (procédure 675-2010). Une décision essentiellement politique et suspecte, qui démontre le manque d’indépendance du système judiciaire mexicain.

Le 4 décembre 2010, l’Association nationale des avocats démocratiques (ANAD) dénonce les menaces et les harcèlements constants envers les avocates Guadalupe Espinoza Sauceda, Claudia Gómez Godoy et Evangelina Robles González, ainsi qu’envers le défenseur de droits humains Marco Von Borstel, le prêtre et leader communautaire Gabriel Espinoza Iñiguez et la journaliste Jade Ramírez Cuevas Villanueva, qui donnent une voix aux habitants des communautés affectées par le barrage.13L’ANAD dénonce une autre série de menaces, harcèlements et intimidations quatre jours plus tard, cette fois contre les défenseurs de droits humains Marco Von Borstel et Gustavo Lozano ainsi que la journaliste Jade Ramírez, dans l’état de Guanajuato.14

La lutte continue

Les 7 et 8 janvier 2011 a été organisé une consultation populaire des communautés de Temacapulin à propos du barrage El Zapotillo : 99% des votants se prononcent contre le barrage. 3 questions ont été posées. La premiere : « Êtes-vous pour la construction du barrage El Zapotillo ? », à laquelle cinq personnes ont répondu oui, et 643 ont répondu non. La deuxième, qui portait sur l’éventualité d’être déplacées et relogées ailleurs : seulement trois personnes sur 649 ont acceptées. La troisième, qui demandait si les autorités avaient préalablement consulté la population avant de commencer la construction du barrage : seules onze personnes ont répondu par l’affirmative. Au final, 622 personnes se sont dites « prêtes à continuer la lutte pour Temacapulin et son développement », contre vingt-cinq personnes qui ont refusé de continuer le mouvement d’opposition.

Le tribunal de second district en matière administrative de l’état de Jalisco a rendu le 9 février 2011 sa décision de suspendre la construction du barrage en raison de violations par la CONAGUA des droits de la sécurité légale, la consultation de toutes les parties impliquées dans le projet, la propriété privée, l’information de la population concernée par le projet et le respect de l’environnement, qui sont des droits protégés par la constitution mexicaine.

Le 28 mars 2011 débute l’occupation du chantier du barrage par des habitants de Temacapulin et leurs sympathisantEs venuEs de tout le Mexique.  Cette occupation semble être le dernier recours de la population de Temacapulin car la CONAGUA n’a pas arrêté la construction du barrage en dépit du sondage de début janvier où la population a  exprimé son opposition au barrage a 99%, et surtout contre l’injonction légale du 9 février 2011.

Le 7 avril 2011, la CONAGUA refuse de prendre en compte les résultats de la Commission Mondiale des Barrages à propos des impacts négatifs des barrages sur les populations et l’environnement. La CONAGUA a qualifié ces résultats de « généralités », ne considérant pas cette études comme sérieuse, et donc n’obligeant en rien le gouvernement mexicain. La CONAGUA a également nié le fait que les barrages causent des gazes à effet de serre et qu’ils participent au réchauffement climatique de la planète.

A la mi-avril 2011,durant la troisième table de dialogue entre les autorités et les habitantEs de Temacapulin opposéEs au barrage El Zapotillo, à propos de la légalité, la légitimité et la durabilité de l’ouvrage, la CONAGUA a reconnu pour la première fois qu’il y a eu des violations de droits humains des populations affectées par le barrage durant le processus de création du barrage El Zapotillo.

Le 15 avril 2011, le père Gabriel Espinoza, porte-parole du mouvement d’opposition au projet El Zapotillo, a pris connaissance de l’existence d’un rapport de l’INAH (Institut National d’Anthropologie et d’Histoire) sur la zone inondable par le barrage, mais la directrice de l’INAH, Angélica Peregrina, lui en a interdit la consultation. Il ne saura de quoi il s’agit que lorsque les médias dévoileront son contenu, aàsavoir que 70% de la localité de Temacapulin qui sera inondée devrait être préservé en tant que structure urbaine historiquement importante et patrimoine culturel de la nation mexicaine.

Le 9 mai 2011, les plaintes déposées par la CONAGUA à l’encontre des opposants ayant bloqué le chantier du barrage El Zapotillo durant neuf jours ont été « gelées ». Elles n’ont pas été retirées, mais pour le moment l’enquête préliminaire est suspendue. Une pétition a été lancée pour que les plaintes de la CONAGUA contre les activistes soient suspendues.

Le 25 mai 2011, le directeur de la CEA, César Coll Carabias, a annoncé que 56% des réserves d’eau du barrage resteront dans l’état de  Jalisco et iront à destination de Los Altos et de la zone métropolitaine de Guadalajara (ZMG), et 46% seront redistribuées à la ville de Leon, dans l’état voisin de Guanajuato, pour répondre à la demande en eau d’une population totale de 2,4 millions d’habitants. Selon lui, le barrage attirera en plus le tourisme dans la région, se qui devrait créer une centaine d’emplois permanents pour la population locale, qui peut trouver là une compensation au fait d’avoir été déplacée à cause du barrage.

Le 1er juin 2011 se tiennent des tables de dialogue entre les communautées affectées par le barrage et les responsables de la construction du barrage à Tepatitlan. Quatre tables de discussion ont été organisées :

1- légalité et légitimité,

2- impacts du barrages à court et moyen terme, en accord avec la ligne de la Commission mondiale des barrages,

3- continuation des tables 1 et 2,

4- alternatives au barrage pour garantir les droits de tous.

Des experts, des universitaires, des avocats, des enquêteurs et des spécialistes ont été conviés à ces tables de discussions, en plus des autorités mexicaines, des communautés affectées, des citoyens et des mouvements qui ont appuyé les communautés affectées.

Au terme des discussions entre la CONAGUA et les populations de Temacapulin, Palmarejo et Acacico, le directeur de la CONAGUA, José Luis Luege Tamargo, a annoncé la continuation de la construction du barrage El Zapotillo et la relocalisation des trois municipalités qui seront inondées. Il a affirmé que plus de la moitié de la population qui sera déplacée est d’accord avec la relocalisation (ce que contredisent les chiffres des opposants au projet), et il a promis que la place centrale de Temacapulin, son église, son panthéon et ses arcades seraient déplacées pierre par pierre pour conserver leur importance historique. Ceci représente 1 700 millions de pesos pour la CONAGUA. Mais l’INAH rejète cette option au vu des conclusions de son rapport qui préconise que 70% de la localité devrait être préservé en l’état et à son emplacement actuel.

Pour sa part, le sous-secrétaire de gouvernement, Juan Marcos Gutierrez, a annoncé que la construction du barrage El Zapotillo continuerait car les droits humains des 2,4 millions d’habitants de Leon, Guanajuato, Los Altos, Jalisco et Guadalajara (notamment le droit à l’eau) doivent aussi être respectés et par conséquent pèsent plus lourd dans la balance que les droits humains des quelques mille personnes déplacées à cause du barrage, car les droits de la majorité priment.

La promesse faite par la Segob (Secrétariat du gouvernement) de retirer les plaintes contre les opposants au barrage qui ont occupé le chantier de l’ouvrage pour bloquer son avancée, un préalables requis par les habitants pour la tenue des négociations de ce 1er juin, n’a pas été tenue. Rien n’a été fait, et les autorités ont déclaré qu’elles « allaient analyser » la possibilité de retirer ces plaintes, mais ce n’est pas une priorité pour elles, car elles estiment ne pas avoir à subir les « menaces » des opposants au barrage.

La CONAGUA a annoncé que la presse du barrage sera achevée en 2012, et recevra de l’eau dès 2013. Les habitants devront donc être déplacés avant le milieu de 2012. La CEA prépare le dossier d’expropriation pour garantir la propriété fédérale du barrage, ce qui inclus les localités de Temacapulin, Palmarejo et Acasico.

Face à ces déclarations, les habitants de Temacapulin, Acasico et Palmarejo ont décidé de porter devant les juridictions internationales leur cas comme un cas de déplacement forcé selon l’Observation Générale 7 du Comité des Droits Économiques et Sociaux des Nations Unies, qui insiste sur le fait que les déplacements entraînent la violation de nombreux droits humains comme le droit à la vie, à l’alimentation, au travail et à la non ingérence dans la vie familiale. Elle souligne aussi que l’expulsion doit être le dernier recours et qu’avant cela doivent être respectés certains droits comme le droit à l’information, à la consultation, ou la proposition de projets alternatifs.

Les personnes affectées par le barrages vont aussi saisir la CIDH (Commission interaméricaine des droits de l’Homme) et l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) pour contester la construction du barrage, avec le motif que les impacts environnementaux et sociaux n’ont à aucun moment été pris en compte dans les études du projet.

Le 3 juin 2011, le directeur d’Amnesty International Mexique, Alberto Herrera Aragón a demandé aux autorités mexicaines de suspendre le chantier du barrage El Zapotillo, car il ne respecte pas les droits humains des communautés alentour. Il estime qu’il y a un risque de violences envers les populations qui seront déplacées dans la zone du barrage El Zapotillo. Amnesty International pourrait lancer un appel international à la mobilisation pour que les droits de ces communautés soient respectés si les autorités mexicaines les déplacent avec violence.

Le 6 juin 2011, le rapport de l’INAH rendu le 26 mai 2011 indiquant que Temacapulin ne devrait pas être inondé par le barrage El Zapotillo pour la valeur historique de ces monuments, et que les dits monuments devraient être déplacés pierre par pierre en dernier recours, a été archivé pour deux ans. Toutefois, il a déjà été rendu public, ce qui empêche la CONAGUA de le bafouer en toute impunité.

Au 8 juin 2011, le chantier des nouvelles habitations construites pour les quelques milles habitants de Temacapulin, Acasico et Palmarejoest avancé de 28%. La construction de la nouvelle zone d’habitation « Nueva Casa Museo » devrait coûter 700 millions de pesos. Chaque logement compte un terrain de mille mètres carrés, dont 170 seront utilisés pour la construction de la maison en elle-même. 4 806 hectares seront réservés à la relocalisation pierre par pierre de certains monuments historiques des communes qui seront inondées.

La Commission des affaires métropolitaines a organisé le 9 juin 2011 un séminaire sur « la gestion métropolitaine de l’eau et la non viabilité de la construction de barrages dans l’état de Jalisco ». Le député Carlos Briseño Becerra a dénoncé la construction du barrage El Zapotillo contre la volonté des habitants, et la législatrice Olga Araceli Gómez Flores, présidente de la Commission des affaires métropolitaines, a fait remarquer que le projet El Zapotillo comporte de nombreuses inconnues juridiques et a provoqué des scandales administratifs autour des autorités en charge de l’eau. Le docteur espagnol en sciences physiques et co-fondateur de l’Association Nouvelle culture de l’eau, Pedro Arrojo Agudo, a félicité l’initiative des habitants de Temacapulin, Acasico et Palmarejo de mettre en place un dialogue avec les autorités.

Le 12 juin 2011, la CONAGUA déclare que même avec le barrage El Zapotillo, ce n’est pas sûr qu’il y ait assez d’eau pour subvenir aux besoins de Jalisco et Guanajuato, car comme le montrent les barrages de Jalisco et de la Cuenca Lerma Chapala, qui ne fonctionnent qu’à 54% de leur capacité maximum, la sécheresse de la région ne permet pas de garantir une utilisation maximale du barrage.

Olivier de Schutter, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples à une alimentation adéquate, a visité le 18 juin 2011 Talicoyunque, le nouveau village construit pour reloger les habitants de Temacapulin, Palmarejo et Acasico. Il a déclaré que ce nouveau village est situé dans une zone où la terre est peu adaptée à l’agriculture, ce qui viole le droit des habitants à l’alimentation, qui « signifie pouvoir s’alimenter et produire les aliments ». La CEA a répondu qu’elle prendrait ces recommandations en compte dans la mesure du possible, tout en notant que le rapport de M. de Schutter n’a aucune force obligatoire pour elle. Ainsi, début juillet a débuté la seconde phase de construction du nouveau village. L’objectif est de construire 30 nouvelles maisons avant la fin de l’année, en plus des 15 déjà construites, et d’urbaniser le terrain (construction de routes, installation des réseaux d’électricité, etc.). En tout, la construction du nouveau village va coûter 100 millions de pesos.

Le 22 juin 2011, la Troisième Commission du Travail, du Trésor et du Crédit public, de l’Agriculture et du Développement, des Communications et des Travaux publics, a demandé a la CONAGUA de lui rendre, dans un délai de cinq jours, un rapport sur les bénéfices qu’apportent la construction du barrage El Zapotillo. Pour formuler cette recommandation, les législateurs se sont appuyé sur l’article 78, section III de la Constitution mexicaine ; sur les articles 116, 127 et suivants de la loi organique du Congres Général du Mexique ; et sur les articles 58, 87, 88, 176 et suivants du Règlement pour le Gouvernement intérieur du Congres Général du Mexique.

Jorge Videgaray Verdad, président du Conseil d’Administration de Sapal (Système d’eau potable et des égouts de la ville de Leon) a annoncé le 25 juin 2011 que l’aqueduc permettant le transport de l’eau depuis le barrage El Zapotillo jusqu’à la ville de Leon coûterait 5 000 millions de pesos à la ville, en plus des deux millions de pesos qu’elle a investit dans la construction du mur du barrage. La construction de l’aqueduc, long de 140 km, devrait commencer fin 2011.

A ce jour, le barrage El Zapotillo est construit à 25%.

Le Segob – secrétariat du gouvernement – a publié le 7 juillet 2011 au Journal Officiel de la Fédération mexicaine un accord qui établit les bases du mécanisme de protection des défenseurs des droits humains en cas de situation à risque, de menace ou de vulnérabilité, afin qu’ils puissent mener à bien leur travail de promotion et de défense des droits humains. Les mesures administratives à mettre en place pour assurer cette protection seront décidées ultérieurement par le Segob ainsi que par le Sous-secrétariat aux affaires juridiques et aux droits humains et par le responsable de l’Unité pour la promotion et la défense des droits humains.

Le 17 juillet 2011, une députée du Parti Révolutionnaire Démocratique au Congrès, Olga Araceli Gómez Flores, a porté plainte contre le directeur général de la CEA, César Coll Carabias, devant la Commission des droits humains de l’état de Jalisco. Cette plainte fait suite aux accusations lancées par Coll Carabias à l’encontre du père Gabriel Espinosa le mois dernier. Il accusait le père, porte-parole du mouvement des opposants au barrage, d’être un « agitateur » et un « incitateur » à la violence. La Commission des droits humains de la Chambre des députés a appelé José Luis Luegue Tamargo, le président de la CONAGUA, à comparaître devant elle le 21 juillet 2011 pour analyser la situation des habitants affectés par le projet du barrage El Zapotillo. La CONAGUA devait y expliquer en quoi le projet est viable, et expliquer les irrégularités survenues pendant la construction du barrage. Le directeur a à nouveau assuré que tout le processus de construction du barrage avait été fait dans les règles, autant envers la protection de l’environnement qu’envers l’indemnisation et la relocalisation des habitants.

Le 30 juillet 2011 est sorti un rapport rédigé par des chercheurs de l’Université de Fordham, New York, qui dénonce des violations de droits humains à l’encontre des communautés affectées par les mégaprojets de mines ou de barrages, parmi lesquels les barrages de Paso de la Reina, La Parota et El Zapotillo. Le rapport dénonce la violation du droit à la consultation et à la participation des communautés dans le processus de planification du projet, ainsi que la violation du droit à l’information en ce qui concerne le projet et ses impacts. De plus, le rapport souligne que les communautés sont forcées à être déplacées et les impacts du méga-projet sur l’environnement les affectent directement. Enfin, le rapport fait état des menaces, agressions et meurtres dont sont victimes les opposants au barrage et les défenseurs des droits humains, qui subissent la pression des médias et des autorités qui les traitent d’ « anti-développement » ou d’ « anti-patriotiques ». Le rapport énonce donc des recommandations à l’attention des gouvernements mexicain, américain et canadien, ainsi qu’à l’Union européenne et aux entreprises implantées au Mexique, pour respecter les lois mexicaines et les traités internationaux afin de garantir les droits des citoyenNEs mexicainEs affectéEs par les méga-projets

Le 11 août 2011, le secrétaire général de la municipalité de Canada de Obregon, Mario Ruano, a révélé que le conseil municipal n’avait pas autorisé l’utilisation des terres pour construire le barrage El Zapotillo d’une hauteur de 105m. Jusqu’à présent, il n’existe qu’un acte du conseil municipal qui autorise un barrage d’une hauteur de 80m. L’autorisation de changement dans l’utilisation des terres doit venir du niveau fédéral, car les terres appartiennent à l’État. Ces terres sont protégées car considérées comme une zone de réserve pour la consommation humaine. Selon l’article 37, fraction 14, de la loi du gouvernement et de l’administration publique de l’état de Jalisco, les municipalités ont le pouvoir de formuler, évaluer et réviser le programme municipal de développement urbain et les plans de développement urbains des centres de population. Ce sont elles qui établissent les zones de construction et donnent les licences et permis de construction.
Le 12 août 2011, le barrage était construit à 35%.
Le réservoir du barrage El Zapotillo commencera à se remplir à la saison des pluies 2012. Le mur de 105 m de haut devrait être achevé en novembre 2012. Toutefois, les villages de Temacapulin, Acasico et Palmarejo ne seront pas inondés par cette première montée des eaux. Le directeur de la CONAGUA a assuré que ces villages ne seraient pas inondés tant qu’un accord ne serait pas trouvé entre eux et les autorités en charge du projet El Zapotillo.
En date du 13 août 2011, les consortiums d’entreprises encore en course pour répondre à l’appel d’offres lancé par la CONAGUA pour construire, gérer et entretenir l’aqueduc qui acheminerait l’eau du barrage El Zapotillo à la ville de Leon sont :

–         Abengoa México, Bafesa Agua et Abeinsa; et

–         Korea Water Resources Corporation, Samsung C&T Corporation, Samsung Engineering Company, Techint, Techint Compañía Técnica Internacional, Techint Chile et Constructora y Pavimentadora VISE.

La CONAGUA devrait signer un contrat de prestation de services avec un de ces consortiums à la fin du mois de septembre 2011. Le consortium d’entreprises gagnant signera pour l’étude projet, la construction, la mise en marche, le fonctionnement et l’entretien de l’aqueduc pour une période de 25 ans. Les travaux commenceront à la fin de l’année 2011 ; ils coûteront 5 000 millions de pesos.

Les 21 et 22 août 2011, la caravane « De l’eau et la paix pour tous et pour toutes… et pour toujours ! » partira de Temacapulin pour aller jusqu’au palais du gouvernement à Guadalajara, afin de protester contre les violences commises contres les opposants au barrage El Zapotillo et contre les dommages subis par touTEs les affectéEs des barrages en général. Cette caravane fait suite à la création du « Mouvement pour la paix avec justice et dignité » par le poète Javier Sicilia le 12 juillet 2011. On peut suivre la Caravane sur Twitter via #Caravanatemaca.

Les 27 et 28 août 2011 est organisé le « Festival au son de la résistance » contre le barrage El Zapotillo. De la musique, un concours de danse, des baignades dans les eaux thermales du village et une zone pour les campeurs seront proposés au public.

Projets alternatifs

Divers projets alternatifs existent, mais aucun n’a été étudié par les autorités responsables du projet de barrage El Zapotillo.

Parmi les propositions identifiées par certains spécialistes, il serait possible de construire une série de barrages de déviation sur le Rio Verde, en utilisant le système hydrique Zurda-Calderón afin d’apporter l’eau à la capitale de Jalisco.15Ils ont également noté que l’efficacité dans la distribution de l’eau doit être substantiellement améliorée avant d’envisager des projets coûteux économiquement, socialement et écologiquement. D’ailleurs, à León comme à Guadalajara, l’infrastructure de distribution d’eau occasionne des pertes d’eau potable évaluées à près de 40%.

D’autres alternatives ailleurs sur le Rio Verde qui n’impliquent pas l’inondation de communautés établies sont aussi à considérer. Le barrage d’Atengo, situé 9 kilomètres plus haut, là où le Rio Verde s’unit avec le Fleuve Santiago, représente une capacité de 220 millions de mètres cubiques d’eau. Ce barrage serait complémentaire au barrage El Salto, dont l’infrastructure est déjà en place depuis 1992, sans être utilisée. Ce dernier représenterait 90 millions de mètres cubiques d’eau, ce qui représente un total de 9 600 litres d’eau par seconde qui pourrait être fourni à Guadalajara.

D’autre part, le barrage El Purgatorio pourrait ramasser au plus 40 millions de mètres cubiques et dériver jusqu’à 5,5 mètres cubiques par seconde avec un système de barrages comprenant El Zapotillo, El Salto et un troisième barrage. Bien que le coût de chacun de ces projets soit de 3 milliards de pesos mexicains, en construisant Atengo, il serait possible d’éviter les coûts sociaux liés à l’augmentation de 25 mètres de hauteur du mur du barrage El Zapotillo.

Pour en savoir plus sur la problématique de l’eau au Mexique

La problématique de l’eau dans le bassin Lerma-Chapala-Santiago-Pacífico

Dans le bassin Lerma-Chapala-Santiago-Pacífico, le plus grand du pays, qui traverse les états de México, Querétaro, Guanajuato, Aguascalientes, Michoacán, Jalisco et Nayarit, les barrages hydroélectriques Aguamilpa et El Cajón fonctionnent déjà; le barrage hydroélectrique La Yesca est en construction alors que le barrage Arcediano demeure un projet. Le barrage El Zapotillo ne ferait qu’aggraver la situation de surexploitation, de pollution, de conflits et de disputes pour l’eau qui ont déjà lieu dans la région du bassin. Les impacts cumulatifs de cette série de barrages, quant à la qualité et la quantité d’eau, la rétention de sédiments et ses conséquences sur les écosystèmes côtiers, qui souffrent déjà d’une grande dégradation, n’ont pas été étudiés.

La diminution dramatique de la disponibilité de l’eau au Mexique a été signalée par le directeur de la CONAGUA, José Luis Luege, qui juge que la principale cause de cette situation serait l’accroissement de la population.16

Selon divers groupes de la société civile luttant pour les droits humains et environnementaux, le Mexique serait en train de commettre des omissions vis-à-vis de l’application de sa législation environnementale en ce qui a trait à la gestion des ressources hydriques dans le bassin hydrologique Lerma-Chapala-Sanitago-Pacífico. La conséquence de cela est la grave détérioration environnementale et le déséquilibre hydrique du bassin. La Commission pour la coopération environnementale (CCE), qui fait partie de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a d’ailleurs demandé des explications au gouvernement mexicain.

En guise de réplique, México a affirmé que puisque les Rivières Santiago et Verde sont contaminées par des décharges d’eaux usées, municipales et industrielles non traitées, le projet du barrage Arcediano dépend du contrôle des sources de détérioration de l’eau, ainsi que de la collecte, du transport et du traitement de ces eaux résiduelles. De plus, il est probable que le gouvernement de Jalisco lance le projet  du barrage en même temps qu’il lance des actions d’assainissement du bassin.

La problématique de l’eau à Guanajuato

Durant l’inauguration de l’Expo Agua 2010, il a été mentionné que l’état de Guanajuato occupe le septième rang au niveau national en ce qui a trait au service de l’eau potable, soit avec une couverture de 93%. Les 46 municipalités de l’état comptent sur un programme d’homologation des tarifs d’approvisionnement d’eau, de drainage et d’assainissement, ce qui a permis aux organismes d’améliorer la qualité de ses services.

Malgré cela, l’état est toujours en manque d’eau. León contamine de façon alarmante sa principale rivière, Turbio. Les tanneries continuent de jeter leurs déchets à la rivière et les entreprises y déversent des déchets chimiques hautement contaminants, comme le chrome. De plus, à León se trouve l’une des entreprises les plus polluantes du Mexique, Química Central, dont les déchets affectent aussi la rivière.

Le Sistema de Agua Potable y Alcantarillado (SAPAL – Système d’eau potable et d’égouts) de León a émis un projet ambitieux afin de traiter l’eau et d’y retirer quelques contaminants. Bien qu’elle n’en résulterait pas potable, cette eau pourrait servir à l’irrigation agricole et à l’usage industriel. L’usine de traitement proposée pourrait, en théorie, traiter presque toute l’eau contaminée de la ville.

Avec le barrage El Zapotillo, León recevra 120 millions de mètres cubiques d’eau par an, ce qui assurerait 25 années d’approvisionnement.

La problématique de l’eau à Jalisco

De façon générale, dans l’état de Jalisco, on note de sérieux problèmes en lien avec l’eau, dont une mauvaise urbanisation, une surexploitation et une contamination de l’eau. Des conflits sociaux liés à l’eau sont aussi survenus. D’une part, il y a un besoin urgent de restaurer le fleuve Santiago et de protéger la santé de la population, affectée par la contamination; d’autre part, un rejet social s’est développé face à la construction des barrages Arcediano et El Zapotillo suite aux harcèlements, aux menaces et au manque d’information et de consultation de la part des autorités envers les communautés affectées par ces projets. De plus, la législation environnementale très vague et très permissive favorise la déresponsabilisation du gouvernement et des industries face à la contamination de l’eau; enfin, les politiques publiques hydriques sont partielles, désarticulées et non durables.

Il est à noter que Jalisco a reçu une quantité incroyable de ressources de la part du gouvernement fédéral pour des œuvres d’assainissement des eaux et des infrastructures hydriques, soit une somme plus important que celle destinée aux autoroutes.17

Le fleuve Santiago, le deuxième plus important du pays, est aussi l’un des plus contaminés. Les déchets industriels et domestiques vont directement au fleuve sans aucun traitement, d’où la nécessité de construire des centres d’assainissement d’eau. Parmi les contaminants, on retrouve des métaux lourds comme le chrome, le plomb, le cobalt, l’arsenic, le cuivre, le magnésium et le mercure18, mais aussi quelques hydrocarbures, principalement le toluène, ainsi que possiblement des agents toxiques non-métaliques, comme le sulfure d’hydrogène et l’arsenic. Ces contaminants génèrent des problèmes neurotoxiques, mais aussi des problèmes liés à l’exposition chronique à des éléments cancérigènes. Les populations vivant près du fleuve ont des taux plus élevés de cancer, ainsi que des taux plus importants de problèmes respiratoires, gastriques et reproductifs que la population en général.19

Au-delà de cette grande problématique environnementale, la santé publique se voit menacée par le nombre incroyable de cancers ainsi que des maladies respiratoires et de la peau qui sont apparues dans la Zone Métropolitaine de Guadalajara (ZMG). Une importante mobilisation sociale a eue lieu suite à la mort du jeune Miguel Angel López Rocha, 8 ans, des suites d’une chute dans le fleuve le 26 janvier 2008. Dans un état de coma depuis sa chute, il est mort le 13 février 2008, à cause d’une intoxication à l’arsenic, confirmé par la Secretaría de Salud de Jalisco (SSJ – Secrétariat de la santé).

Un an jour pour jour après la mort du jeune garcon, soit le 27 janvier 2009, la CEDHJ a déposé des recommandations dirigées à tous les paliers de gouvernement en ce qui a trait à la contamination du fleuve Santiago. Dans chacune de ses conclusions, le CEDHJ a indiqué que les autorités n’ont rien fait pour remédier au problème de la pollution du fleuve Santiago. La Commission a aussi conclut qu’on a violé les droits des personnes à jouir d’une eau saine et écologiquement équilibrée, à la santé, à l’alimentation, au patrimoine, à la légalité, à la sécurité sociale, à l’emploi et au logement, en plus d’affecter les droits des enfants.

Un mois plus tard, le gouvernement de l’état de Jalisco, face à la macro-recommandation émise par la CEDHJ, accepte 69 des 100 points concernant Jalisco. En mars de cette même année, la CEA confirme que les niveaux de contamination du fleuve sont hors de la norme en ce qui concerne les restes de matière fécale et  les métaux lourds.

En février 2010, alors que des marches s’organisent pour décrier le deuxième anniversaire de la mort du jeune Miguel Angel, la SSJ présente une étude épidémiologiques qui nie les risques pour la santé pour ceux qui vivent en marge du fleuve Santiago. Le document est critiqué par l’Université de Guadalajara, qui affirme que la recherche n’est pas assez développée pour  pouvoir la qualifier d’une étude épidémiologique formelle, scientifique et technique.20

Le Secrétaire de la Santé de l’état de Jalisco, Alfonso Peterson Farah (PAN), reste vague en ce qui a trait à la situation de la rivière Santiago, affirmant entre autres que la rivière n’est pas un risque pour la santé et soulignant qu’il n’y a aucune association entre inhaler des vapeurs de la rivière et des risques de santé chez les personnes qui vivent aux alentours de la rivière21. Il se corrigera par la suite pour dire qu’il n’a jamais affirmé que vivre au bord de la rivière ne représentait pas un risque pour la santé. Selon Ruth de Celis, du département de Santé Environnementale de l’Université de Guadalajara, “si la SSJ accepte que l’eau ne puisse pas se boire, ni s’utiliser pour se baigner ou laver des vêtements, mais qu’à la fois elle n’est pas dangereuse, alors je ne comprends pas, il y a quelque chose qui cloche”.22Le Secrétaire Peterson Farah a clarifié sa position en affirmant qu’il était en faveur du nettoyage de la rivière Santiago, appuyant l’initiative présentée par la Secrétaire de l’Environnement, Martha Ruth del Toro, pour déclarer le fleuve Santiago une zone de fragilité environnementale.23Cette zone, un polygone d’environ 745 kilomètres carrés, englobe les municipalités de Tala, Tlajomulco, Zapopan, El Salto, Tonalá, Tlaquepaque, Juanacatlán, Zapotlanejo et Ixtlahuacán del Río.

Selon le Colegio de Ingenieros Civiles del Estado de Jalisco (CICEJ – Collège d’ingénieurs civiles de l’État), les chantiers des barrages El Zapotillo et El Purgatorio, qui seraient construits pour profiter des eaux du Rio Verde, sont les projets adéquats pour résoudre la pénurie d’eau rencontrée dans les zones métropolitaines de Guadalajara et León, ainsi que diverses villes de Los Altos de Jalisco. Pour le CICEJ, ces projets ont une justification environnementale, puisqu’ils permettraient de restaurer les aquifères du sous-sol du bassin Lerma et de la zone contournant Guadalajara, ainsi que la récupération du Lac Chapala, qui approvisionne présentement la Capitale de Jalisco. L’institution affirme aussi que ces projets permettraient de récupérer l’eau qui va à León, descend par la Rivière Turbio jusqu’à la Rivière Lerma et qui retourne au Lac Chapala. Celle-ci devrait subir un traitement afin de permettre à nouveau la vie aquatique dans le lac. Par ailleurs, le barrage de déviation El Purgatorio doterait la Zone Métropolitaine de Guadalajara de 5,2 mètres cubiques d’eau par seconde et serait donc la base pour générer la nouvelle source d’approvisionnement.

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1 (Occidental, 2010)

2 (Santillan, 2010)

4 (Partida, 2008)

5 (Marquez, 23 Mai 2008)

6 (Partida, »Rechaza Conagua recomendación de ombudsman sobre El Zapotillo», 2010)

7 (Partida, Cuestionan la presa el Zapotillo, 2010)

8 (La CEA compro compro 19 propiedades para el Zapotillo el año pasado, 2010)

10 (Covarrubias, 2010)

17 (Ferrer, 2010)

18 (Diaz, 2010)

19 (Celis, 2010)Santiago

20 (Torres, 2010)

21 (Ferrer, 2010)

22 (Celis, 2010)

23 (Rello, 2010)