Par Grahame Russell, Rights action, 17 avril 2023
Le peuple maya Q’eqchi’ semble condamné à subir toujours plus de violations aux droits de la personne et d’expulsions, ainsi que des dommages environnementaux et de la corruption, causés par une autre compagnie minière transnationale qui exploite une mine illégitime sur des terres volées.
Selon le Newsweek Magazine, « le gouvernement américain soutient l’acquisition d’une mine de nickel controversée au Guatemala par une entreprise canadienne. Cette décision intervient dans un contexte de concurrence de plus en plus intense avec la Chine pour des ressources stratégiques telles que le nickel, élément essentiel aux technologies telles que les voitures électriques ».
Il semble que la CAN, la société Central America Nickel basée à Montréal, profite des sanctions américaines imposées arbitrairement à une société basée en Suisse, pour reprendre le contrôle canadien de la mine de nickel Fenix, située sur les terres traditionnelles du peuple Q’eqchi’, dans l’est du Guatemala.
L’impérialisme économique des États-Unis et du Canada
Il est difficile de trouver un exemple plus flagrant de l’impérialisme économique des États-Unis et du Canada.
Selon un mémo obtenu par Newsweek, « avec le soutien du gouvernement américain, les actifs guatémaltèques du Solway Investment Group (basé en Suisse) – qui a été soumis à des sanctions américaines sur la base d’allégations de trafic d’influence russe et de dévastation écologique – sont en voie d’acquisition par [la société Central America Nickel, basée à Montréal] pour un « rabais substantiel ».
U.S. Role in Notorious Nickel Mine Deal Revealed
By David Brennan, April 6, 2023
https://www.newsweek.com/newsweek-exclusive-us-bid-help-secure-sanctioned-1bn-nickel-mine-guatemala-fenix-1792282
- La « Société financière de développement international (DFC) du gouvernement américain a déjà accepté de fournir une assurance contre les risques politiques pour un projet de nickel au Guatemala, ainsi qu’un financement de 300 millions de dollars pour des installations de traitement supplémentaires ».
- « Le sulfate de nickel qui y est produit est destiné à être vendu aux fabricants américains de batteries et de [véhicules électriques] tels que General Motors ».
- « Il est prévu de transférer les actifs de nickel de la CAN au Guatemala à une société américaine appelée America Rare Earth Sources Inc. (ARES), qui sera complètement détenue par CAN. La CAN acquerra 100% d’ARES, qui à son tour acquerra 100% de deux sociétés guatémaltèques, Rio Nickel Inc. et Nichromet Guatemala Inc. ».
Propagande et ferveur antichinoises
- « Le nickel est l’un des nombreux domaines dans lesquels Pékin et Moscou se rapprochent. Bloomberg a rapporté que la plus grande société minière russe vend désormais son nickel à la Chine en yuans ».
« Le Canada fait partie des pays qui s’efforcent d’exclure Pékin de ses industries stratégiques. L’année dernière, le gouvernement a forcé trois entreprises chinoises à se défaire de leurs investissements dans des mines de lithium canadiennes, le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne déclarant qu’Ottawa « agirait de manière décisive si des investissements menaçaient notre sécurité nationale et nos chaînes d’approvisionnement en minerais essentiels » ».
Pas « leurs », « nos »!
Selon la politique du gouvernement canadien, ce qui se trouve sur ou sous les terres Q’eqchi’ est vital pour « notre sécurité nationale et nos chaînes d’approvisionnement en minerais essentiels ».
L’extrême tyrannie des chaînes d’approvisionnement
Il semble que le peuple Q’eqchi’ soit condamné à subir toujours plus de violences et de préjudices dus à l’exploitation minière, alors que le Canada et les États-Unis s’efforcent de contrôler les chaînes d’approvisionnement en minerais « de l’énergie verte » pour les investisseurs et les consommateurs nord-américains.
Sept décennies d’enfer minier
Après que le coup d’État militaire soutenu par les États-Unis a renversé le dernier gouvernement démocratique du Guatemala en 1954, le gouvernement canadien a établi pour la première fois des relations diplomatiques avec le Guatemala, et ce, avec le régime soutenu par l’armée à la suite du coup d’État!
Peu après, le gouvernement canadien a contribué à financer et à soutenir l’entrée de l’International Nickel Company (INCO) au Guatemala. À son tour, le gouvernement guatémaltèque, soutenu par l’armée après le coup d’État, a accordé à INCO le contrôle de centaines de kilomètres carrés de terres Q’eqchi’ sur la rive nord du lac Izabal.
C’est ainsi qu’ont commencé sept décennies d’enfer minier pour le peuple Q’eqchi’ et l’environnement.
De 1964 à 2011, la mine Fenix a été contrôlée par trois sociétés canadiennes, puis, de 2011 à 2023, par la société suisse Solway Investment Group.
Comme l’a établi une décision de la Cour Constitutionnelle du Guatemala en 2019, la mine a été exploitée illégalement, sans études d’impact environnemental appropriées ni le consentement préalable, libre et informé, du peuple Q’eqchi’.
Dans « TESTIMONIO-Canadian Mining in the Aftermath of Genocides in Guatemala », Catherine Nolin et moi-même documentons les luttes de défense communautaire et de résistance à l’exploitation minière à travers le Guatemala, y compris dans la région Q’eqchi’.
Chacune de ces luttes est caractérisée – à divers degrés – par des violations systémiques des droits de la personne et des meurtres, des atteintes à l’environnement et à la santé, ainsi que de la corruption et de l’impunité, ce qui nous amène à la conclusion suivante :
« Au Guatemala, il n’est pas possible d’exploiter une mine à grande échelle sans participer et tirer profit des violations des droits de la personne et de la répression, la corruption et l’impunité. En d’autres termes, la violation des droits de la personne, la répression, la corruption et l’impunité sont le mode de fonctionnement des entreprises au Guatemala, en particulier des entreprises à grande échelle ».
Parmi les quatre luttes de résistance minière documentées, le peuple Q’eqchi’ est celui qui a souffert le plus et le plus longtemps.
« Le problème sous-jacent dans tous ces cas est que le gouvernement canadien et nos entreprises choisissent de faire des affaires dans des conditions racistes, d’exploitation et de répression du Guatemala, où la corruption, l’impunité et un manque fondamental de démocratie sont la norme. Le gouvernement canadien et les compagnies minières contribuent au racisme, à l’exploitation, à la répression, à la corruption, à l’impunité et à l’absence de démocratie, et en tirent profit ».
Aujourd’hui, le Guatemala est dirigé par les mêmes élites politiques, économiques et militaires au pouvoir depuis le coup d’État de 1954. Il est pratiquement impossible d’imaginer comment la société Central America Nickel (CAN), basée à Montréal, pourrait exploiter la mine de nickel Fenix d’une autre manière.
La dette du Canada envers le peuple Q’eqchi’
C’est aux Canadiens et aux Américains – individus, organisations de défense des droits de la personne, politiciens et médias – qu’il revient d’exposer à quel point cette affaire est absurde: de l’imposition de sanctions arbitraires à une société suisse pour qu’une société canadienne approuvée par le gouvernement américain puisse reprendre la mine Fenix, jusqu’aux violations des droits de la personne et à la violence, à la dépossession et aux atteintes à l’environnement, en passant par la corruption et l’impunité subies par les Q’eqchi’ qui continueront certainement à souffrir.
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TESTIMONIO-Canadian Mining in the Aftermath of Genocides in Guatemala (L’exploitation minière canadienne au lendemain des génocides au Guatemala)
Édité par Catherine Nolin (UNBC) et Grahame Russell (Rights Action)
https://btlbooks.com/book/testimonio
https://www.testimoniothebook.org