8 mars 2021 – Guatemala Solidarity Project
Le gouvernement guatémaltèque, par l’intermédiaire du Ministère public insiste sur le fait de continuer à criminaliser Abelino Chub Caal, dans le cadre de la spoliation des terres subie par la communauté Q’eqchi de Plan Grande à El Estor, Izabal.
Abelino Chub, défenseur des droits fonciers autochtones, a passé 813 jours injustement emprisonné avant son procès, faussement accusé d’usurpation aggravée, d’incendie criminel et d’association illégale. Il a finalement été libéré le 22 avril 2019, après que la Cour pour les risques majeurs A du Guatemala ait prononcé une sentence disculpatoire, le déclarant innocent de toutes les accusations.
Toutefois, le ministère public a décidé de faire appel de cette décision. Le 24 février 2021, la Cour d’appel pénale a tenu une audience spéciale d’appel. L’avocat de la défense Jovita Tzul a présenté ses arguments et Abelino Chub a exprimé sa consternation face à l’appel, demandant à la Cour de confirmer la décision en sa faveur. Le ministère public ne s’est même pas présenté à l’audience, préférant envoyer ses allégations par écrit. La décision de la Cour sur cet appel a été publiée le 10 mars à 15h00.
Les agissements du ministère public semblent s’inscrire dans une stratégie visant à criminaliser les défenseur.e.s des droits humains et les leaders communautaires au Guatemala. Maintenir Abelino Chub impliqué dans une procédure pénale entrave littéralement sa capacité à mener à bien son travail de défense du peuple Q’eqchi. Et ce, malgré le fait que la Cour pour les risques majeurs A ait déclaré Abelino complètement innocent.
Selon la défense d’Abelino Chub, « La peine prononcée le 22 avril 2019 par la Cour pour les risques majeurs A du Guatemala est claire et logiquement motivée. Il est donc incompréhensible que le ministère public allègue dans son appel que la condamnation (2016-00328) n’est pas fondée parce qu’elle n’a pas donné une valeur probante suffisante à deux des témoins de l’accusation – le contremaître et le directeur de la ferme Murciélago, qui appartiendrait à Cobra Investments et CXI, Inc. (sociétés ayant un intérêt direct dans la région et plaignants dans l’affaire). Pour cette raison, il est clair qu’il s’agit toujours d’un cas de criminalisation et d’une stratégie de spoliation des terres des Q’eqchi« .
Il est troublant de constater que l’État guatémaltèque, par l’intermédiaire du ministère public, continue de criminaliser et de persécuter les défenseur.e.s des droits humains, tout en encourageant et en approuvant la dépossession des terres indigènes. Par ailleurs, le ministère public a clairement manqué à son devoir d’enquêter sur les graves irrégularités qui ont été mises en évidence lors du procès. Dans sa sentence, la Cour pour les risques majeurs A a ordonné « au ministère public de mener une enquête sur les irrégularités détectées dans les titres fonciers publics qui font partie des preuves matérielles« . Toutefois, à notre connaissance, aucune enquête de ce type n’a été menée et aucun résultat n’a été annoncé.
Abelino a été arrêté par la police civile nationale guatémaltèque le 4 février 2017 dans le département d’Alta Verapaz. L’arrestation a eu lieu dans un contexte de conflit social prononcé, provoqué par des intérêts économiques qui ont systématiquement dépossédé le peuple Q’eqchi de ses terres. Ces entreprises ont provoqué des violences et de graves impacts environnementaux tout en imposant leurs projets économiques : plantations de monocultures, construction d’énormes centrales hydroélectriques, extraction de nickel.
Ces projets ont contribué à l’augmentation de la pauvreté et de l’extrême pauvreté dans la région. Les communautés Q’eqchi qui ont historiquement résidé sur le territoire ont dénoncé à plusieurs reprises la violence, la répression, la criminalisation et les expulsions dont elles sont victimes. Cependant, le système judiciaire guatémaltèque n’a pas répondu à ces plaintes. De fait, des mégaprojets continuent d’être imposés sur les terres communautaires, ce qui constitue une violation des droits garantis par la Constitution de la République et les conventions internationales, comme la Convention 169 de l’OIT, qui établit le respect des terres indigènes et le droit à des consultations préalables, libres et informées concernant l’utilisation de ces terres.
Nous, organisations soussignées, dénonçons la criminalisation des défenseur.e.s et la dépossession des terres indigènes par l’application abusive de la loi contre celles et ceux qui défendent leurs droits légitimes et légaux. La Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) a exprimé sa préoccupation concernant la criminalisation des défenseur.e.s des droits humains et l’utilisation abusive du droit pénal pour limiter l’exercice de la défense des droits humains.
Nous demandons instamment à l’État guatémaltèque de garantir les droits des communautés autochtones Q’eqchi, y compris le droit de défendre les droits humains et le droit de défendre leur territoire.
Nous exhortons le ministère public à renoncer à poursuivre les procédures pénales qui criminalisent les défenseur.e.s des droits humains tels qu’Abelino Chub Caal et violent les droits des communautés autochtones, telles que Plan Grande de El Estor, Izabal. De plus, nous vous demandons de vous conformer à votre obligation d’enquêter de manière objective et impartiale pour mettre fin à la dépossession forcée des terres des Q’eqchi.
Source article et photo: The Ongoing Criminalization of Human Rights Defender Abelino Chub Caal