À propos de la situation:
Le 3 janvier 2020, le juge Daniel Urrutia Laubreaux a reçu une plainte disciplinaire après avoir convoqué le maire de la région métropolitaine de Santiago, Felipe Guevara, devant la cour au sujet de la détention arbitraire d’un manifestant pacifique. La Cour d’appel de Santiago est en train de déterminer s’il convient ou non d’ouvrir une procédure disciplinaire contre le juge. Cette plainte fait partie d’une série d’attaques qui semblent viser à empêcher le juge d’agir de manière indépendante.
À propos de Daniel Urrutia Laubreaux:
Daniel Urrutia Laubreaux est juge de contrôle* et défenseur des droits humains ; il a statué dans des affaires contre l’État chilien, la police d’État et le personnel de l’administration publique. Tout au long de sa carrière de juge, il a activement défendu les droits humains, notamment le droit de vote des personnes en détention préventive, les droits des mineurs en détention provisoire et le droit à la liberté de réunion et d’association, entre autres.
Depuis octobre 2019 et le début de la crise sociale et politique au Chili, Daniel Urrutia Laubreaux est constamment harcelé pour avoir statué dans des affaires liées à l’exercice des droits civils et politiques. Il s’est prononcé publiquement sur les violations des droits humains et le « terrorisme d’État » commis dans le contexte des troubles sociaux dans le pays. Cela a conduit à divers incidents, notamment des soupçons de surveillance téléphonique, des actes de dénigrement, l’acharnement judiciaire et une campagne de diffamation en représailles contre son travail de juge et de défenseur des droits humains. Depuis janvier 2020, il est visé par des attaques sur les réseaux sociaux, par des individus qui appellent à son licenciement en utilisant le hashtag #RemociónJuezUrrutia, ainsi que des déclarations d’anciens membres du gouvernement tel que l’ex membre du Congrès Gustavo Hasbún, qui a déclaré qu’Urrutia « est une honte pour la branche judiciaire ».
Ce n’est pas la première fois que le juge est harcelé à cause de son travail en faveur des libertés publiques au Chili. En juin 2006, il a visité le centre de détention provisoire de Santiago Sur, où il a constaté que plus de 100 détenus dormaient à l’extérieur. Il a envoyé un rapport sévère sur la question au parquet de la Cour suprême et à la cour d’appel de Santiago. Peu de temps après, des inconnus ont tiré sur son bureau. En 2009, il a dû prendre un congé sans solde et déménager au Mexique pendant trois ans en raison du harcèlement dont il avait fait l’objet de la part des autorités judiciaires supérieures, qui aurait pu affecter son indépendance en tant que juge.
En février 2019, la Commission interaméricaine des droits humains a présenté l’affaire 12.955 Daniel Urrutia Laubreaux contre le Chili devant la Cour interaméricaine des droits humains. L’audience publique aura lieu le 30 janvier 2020 à San José au Costa Rica. L’affaire est liée à un projet universitaire mené par le défenseur des droits humains, durant lequel il a critiqué la Cour suprême de justice pour son implication dans les violations des droits humains pendant la dictature et a demandé des excuses publiques pour les crimes commis. Pour cette raison, son travail a été censuré, une sanction qui a ensuite été réduite à un avertissement.
Front Line Defenders est préoccupée par le harcèlement et les menaces contre Daniel Urrutia Laubreaux, qui semblent être directement liés à son travail en faveur des droits humains et de la démocratie au Chili, en particulier dans le contexte de la crise politique et sociale actuelle.
Le Chili a fait d’importants progrès concernant le respect et la protection des droits humains depuis la fin de la dictature de Pinochet, et c’est l’un des pays d’Amérique du Sud qui ont réussi à traduire en justice les coupables des atrocités perpétrées pendant la dictature. Malgré ces avancées, les DDH sont toujours la cible d’abus policiers; des manifestations ont été violemment réprimées plusieurs fois.