Washington DC. C’est une décision historique, le Conseil d’administration de la Banque interaméricaine de développement (BID) a approuvé la tenue d’une enquête internationale sur le bras privé BID Invest pour ses investissements dans le projet Hidroituango, situé dans le département d’Antioquia en Colombie et dont les impacts sont dévastateurs pour des milliers de personnes dans quatre différents départements et 27 municipalités de Colombie.
L’enquête aura comme objectif principal d’établir si, en finançant ce mégaprojet, dans une région de la Colombie encore touchée par la violence et les conflits armés, la Banque se conforme ou non aux normes sociales et environnementales qu’elle est tenue de respecter, d’observer et s’il existe une relation entre celle-ci et les graves dommages subis par les communautés touchées.
«Comme personne affectée par Hidroituango, nous exigeons que l’enquête soit rigoureuse et indépendante», a déclaré Isabel Zuleta, porte-parole du Mouvement Rios Vivos Colombie, qui représente les communautés affectées. «Depuis plus de dix ans, nos communautés dénoncent les graves problèmes que le projet a causé et qui ont été exacerbés par les multiples urgences qui ont commencé depuis 2018 et qui n’ont pas cessé. Nous espérons qu’avec cette enquête internationale, les voix des victimes et des opposant.e.s au projet seront finalement écoutées. »
L’enquête a pour origine une demande présentée par 477 personnes affectées par le projet Hidroituango. Dans cette demande, les communautés affectées, représentées par le Mouvement Rios Vivos, soulignent que les politiques de la BID établissent que les projets qu’ils financent doivent être durables, participatifs et respectueux de la législation nationale, ce qui n’a pas eu lieu avec Hidroituango.
Dans la plainte, les communautés ont démontré que le projet n’a pas eu d’évaluation adéquate en ce qui concerne les impacts environnementaux, n’a pas permis la participation des communautés ni leur donner l’accès à l’information, et que le projet s’est développé dans un contexte de violations des droits humains, de l’usage disproportionné de la force et d’une situation croissante de violence contre les personnes qui défendent le territoire et l’eau. En plus, les opposant.e.s au projet et les femmes affectées ont vécu une discrimination permanente. Tout cela, soulignent-elles, contredit les normes sociales et environnementales que la BID doit appliquer dans ses investissements.
Aussi, la réclamation se produit au milieu d’une crise humanitaire dans la zone de construction du barrage hydroélectrique, laquelle démontre un danger à la vie de milliers de personnes, qui ont dues être évacuées de façon improvisée par la crise du barrage. Ce qui a commencé avec le colmatage du ciment de deux tunnels, s’en est suivi de l’obstruction de l’autre tunnel et a causé une augmentation drastique du débit de la rivière, des glissements de terrain, des inondations et des déplacements forcés de milliers de personnes. Aucun autre projet de développement n’a causé une crise humanitaire d’une telle force en Colombie.
Les communautés ont dénoncé l’évaluation inadéquate des impacts ainsi que la faible réglementation environnementale à laquelle le projet a été soumis et qui fut autorisé par toutes ses formes. Dans cette région, l’état d’urgence n’a pas cessé et les risques que le barrage s’effondre n’a pas été exclu par le gouvernement ni par les entités de contrôle de l’état colombien.
Cependant, il est important de mentionner que les communautés cherchent à entrer en processus de dialogue et de médiation du conflit entre l’entreprise chargée du projet et Rios Vivos à travers un mécanisme de responsabilité de la BID. Toutefois, l’entreprise refuse le dialogue, c’est pour cette raison que, en continuant le processus, ce mécanisme recommande l’enquête.
Les communautés affectées par Hidroituango, installées dans le bassin de la rivière Cauca et de ses affluents, sont accompagnées dans un processus de plainte avec le Centre international de droits comparé de l’environnement (CIDCE), l’Association interaméricaine pour la défense de l’environnement et le Projet de responsabilité internationale.
Le barrage hydroélectrique prétend être le plus grand de Colombie et espère générer 2400 MW. Bien que l’inondation n’ait pas généré d’énergie depuis près de deux ans, elle possède un réservoir de 79 kilomètres qui a inondé une zone de 4 500 hectares sans enlever la couche de la centrale, qui génère méthane de gaz à effet de serre, sans terminer le travail, informer, déplacer ou compenser les communautés.
La BID Invest a investi des millions de dollars dans le projet et a facilité l’investissement d’un milliard de dollars supplémentaire de la part d’autres banques internationales. Ces investissements sont maintenus malgré les crises graves du projet.