HomeCommuniquéLa moitié d’une vie sur un papier ou l’irresponsabilité sociale des entreprises exportant des fleurs

La moitié d’une vie sur un papier ou l’irresponsabilité sociale des entreprises exportant des fleurs

Source
Corporacion Cactus
2012-02-14
Cas: Colombie

COMMUNIQUÉ DE LA CORPORACION CACTUS
14 Février – Journée internationale des travailleuses et travailleurs des fleurs:

«Nous sommes plus importants que des milliers de fleurs ensemble»

La moitié d’une vie sur un papier

Les Nannetti et l’irresponsabilité sociale des entreprises

Maribel regarde avec dédain la promesse de paiement de quatre millions de pesos (2000$CAN) de son ancien employeur, l’une des entreprises du groupe Floramérica. Deux milles dollars pour rembourser les prestations sociales non payées depuis deux ans, quatre semaines de salaire non payées avant la faillite de la serre et une indemnisation pour ses quinze ans de loyaux services. Le paiement devrait être fait le 12 mai prochain. En fait, elle devrait recevoir plus de ce qui a été accordé; au moins sept millions de pesos, soit presque double. Mais la menace de se retrouver sans rien lui a fait accepter l’offre.

La méfiance de Maribel face à la signature photocopiée de Nicolás Nannetti – propriétaire avec son frère Andrés du groupe Floramérica- n’est pas infondée. L’année dernière elle a travaillé sans salaire pendant trois mois pour cette même compagnie. Ce n’est donc pas la première fois que l’entrepreneur ne respecte les dates convenues de paiements. D’ailleurs, les doutes de cette travailleuse viennent aussi du fait que les Nannetti ont versé de l’argent à la campagne présidentielle du ministre de l’Agriculture d’alors : Andres Felipe Arias. Ce dernier lui a rendu la pareil avec de larges subventions gouvernementales du programme Agro Ingreso Seguro, en plus de la création d’une ligne de crédit pour les exportateurs où l’État s’est porté garant. Dans un élan d’audace, les jeunes entrepreneurs Nannetti n’ont pas respecté leurs paiements afin que l’État couvre leur prêt des 80 milliards de pesos (40 millions $CAN). (NDL: le programme de crédit Agro Ingreso Seguro est l’un des plus importants scandales de l’année en Colombie. Andres Felipe Arias a été reconnu de fraude et purge maintenant une peine de prison)

Les collègues de Maribel et plus de 1500 travailleurs qui possèdent également l’une de ces promesses de paiement partagent une sensation d’incertitude. Ils savent tous et toutes que les 400 hectares de terre possédés par les frères Nannetti sont au nom d’un «holding» aux États-Unis. Ils savent aussi que les paiements dûs par les employeurs au Fond d’investissement Sunflowers Enterprises Group, parmi d’autres créanciers, prévaudront sûrement sur les leurs.

Il y a trois ans seulement cette travailleuse de 52 ans n’aurait pas pu imaginer que son employeur ferait faillite. Les Nannetti possédaient l’une des compagnies du groupe la plus solide dans le secteur, exportant plus de quatre mille boîtes à fleurs tous les jours qui représentaient 9% de la production nationale. Elle n’avait pas prévu non plus que le temps consacré à l’entreprise lui laisserait des blessures à vie dans les mains à cause de l’utilisation continue des ciseaux; cela sans compter les maux chroniques dans la région lombaire, fruit des longues journées passées dans les semis.

La faiblesse de ce groupe de personnes possédant une promesse de paiement ainsi que le processus de réorganisation douteux des plus 500 personnes qui travaillent encore dans douze entreprises des Nannetti sont le résultat des violations au droit d’association, de négociation et de grève des travailleuses et travailleurs. C’est le cas de Sitraguacarí, syndicat indépendant de l’une de ces entreprises dont le droit à la grève a été violé à deux reprises, dont l’une par la force publique lorsque les membres réclamaient leurs salaires.

Dans l’entreprise Splendor Flowers, dans le cadre d’une des grèves de Sintrasplendor qui a duré plus de six mois, des personnes de l’administration ont fait irruption par la violence dans les installations pour empêcher cette grève. Par ailleurs, dans le groupe Floramérica, le syndicat partonal Sinaltraflor faisait une forte présence. Celui-ci est reconnu comme une organisation qui ne protège pas les intérêts des travailleurs/euses en plus d’être soupçonné d’avoir été utilisé par les entrepreneurs comme stratégie pour empêcher l’organisation indépendante des autres syndicats indépendants.

Pour le moment, le superintendant des sociétés, Luis Guillermo Velez, a insisté sur la nécessité de réorganiser les entreprises, se servant du même raisonnement qui a mené aux crédits étatiques, subventions pour l’hiver, puis pour l’été, puis pour palier à l’oscillation du taux de change, entre autres. L’idée est celle d’éviter la liquidation des compagnies afin de protéger les emplois déjà existants. Cependant, des groupes de travailleurs/euses ont demandé la liquidation des entreprises pour que les dettes qu’on leur doit puissent être payées.

Actuellement Yeny Muñoz, la fille aînée de Maribel travaille dans l’une des entreprises des Nannetti actuellement exploitée par un autre entrepreneur. Elle n’a pas de contrat de travail ce qui signifie qu’elle n’est payée que chaque journée de travail soit $25.000 pesos (12,50$CAN) et n’a pas d’affiliation au système de sécurité sociale. De ce fait, quand son enfant a eu besoin de médicaments, c’est elle qui a dû payer de sa propre poche.

Il s’agit ici de nouvelles entreprises, créées avec le patrimoine de celles qui ont déjà été liquidées ou bien, avec d’autres fonds, qui ensuite se déclareront en faillite pour ainsi éviter de payer leurs dettes. Ces entreprises ont été créées pour maintenir les exportations, pour produire plus avec moins de travailleurs et travailleuses tout en se servant de personnes comme Yeny:c’est-à-dire sans contrats et avec qui le salaire est convenu sur la base du nombre d’unités, également appelé salaire par journée.

Dans le cadre de la célébration du 14 février, «Journée internationale des travailleuses et travailleurs de fleurs», on ne peut pas ignorer la réalité que vivent actuellement plus de 6000 personnes de la Sabana de Bogota travaillant pour le groupe FlorAmérica. Ce dernier réunit douze des plus grandes entreprises liées à 36 autres compagnies qui sont actuellement en processus de restructuration, de réorganisation ou de liquidation obligatoire.

Il est maintenant impératif d’exprimer notre solidarité avec ces milliers de personnes qui, après avoir perdu l’emploi qu’ils/elles occupaient depuis plusieurs années, voient en danger le paiement de leurs salaires et le paiement de la contributions au régime de santé et de retraite par les employeurs.

Corporación Cactus, Sabana de Bogotá, 14 février 2012

Les travailleuses et travailleurs de fleurs sont plus importants que des milliers de fleurs ensemble”.