La Rapporteure Spéciale des Nations Unies pour les droits autochtones, Victoria Tauli-Corpuz, a présenté cette semaine au Conseil des Droits Humains de l’ONU à Genève son rapport portant sur sa visite au Honduras, ajoutant sa voix à l’appel lancé pour une commission d’enquête indépendante sur l’assassinat de Berta Cáceres. Le rapport comprend une annexe détaillée au sujet de la lutte du peuple Lenca de Río Blanco et souligne qu’il « faut considérer sérieusement la révocation du contrat en faveur de l’entreprise DESA » [notamment à cause de l’implication d’au moins deux personnes liées à cette entreprise dans l’assassinat de Berta Cáceres.]
Francisco Javier Sánchez, Président du Conseil Autochtone de Río Blanco et membre du COPINH, (Consejo Cívico de Organizaciones Populares e Indígenas de Honduras, conseil civique d’organisations populaires et autochtones du Honduras), a accueilli avec reconnaissance le rapport de la Rapporteure Spéciale lors de la présentation à Genève et a réitéré l’importance des recommandations adressées à l’État hondurien et aux institutions financières. À ce sujet, il a particulièrement mentionné les éléments du rapport concernant le Projet Agua Zarca et la responsabilité des banques qui le financent. Tel qu’indiqué par la Rapporteuse, « les actes de violence associés à la réalisation du projet incluent entre autres les assassinats de Berta Cáceres, Tomas Garcia et d’autres dirigents lencas et constituent des délits, et à ce sujet, l’État, l’entreprise et les institutions financières doivent répondre aux standards du droit international » (par 54 de l’annexe).
Le rapport établit clairement les violations de droits humains et autochtones associées au projet Agua Zarca, spécialement le fait qu’il n’y a jamais eu de consultation publique ni de consentement préalable, libre et éclairé; le rapport souligne également la violence, les attaques et les assassinats dont a été victime le peuple Lenca. Le COPINH exige que l’État du Honduras respecte les droits autochtones et annule définitivement le Projet Agua Zarca. De plus, le COPINH exige que les banques qui financent le projet (la Banque centraméricaine d’intégration économique [BCIE], la banque hollandaise de développement [FMO], le fonds finlandais de coopération industrielle Finnfund et le fournisseur d’équipement allemand Voith-Hydro [Siemens]) se retirent immédiatement et définitivement du projet. Ça suffit, les justifications, les excuses et les mensonges de DESA et des banques! Il est venu le moment de cesser les prêts bancaires pour ce projet qui a causé déjà tant de mort et de souffrance.
Comme le souligne le rapport de la Rapporteure Spéciale :
« […] les banques d’investissement dans ce cas-ci doivent prendre conscience de leur responsabilité quant au fait d’avoir entretenu des relations d’affaire avec une entreprise impliquée dans des actes délictueux et portant gravement atteinte aux droits humains. Même avant l’assassinat de Berta Cáceres, des violations graves de droits humains ont eu lieu, notamment des menaces, des agressions et des assassinats commis par des agents militaires liés à l’entreprise ou sympathisants du projet. Il est préoccupant de constater que, malgré cette situation, les banques d’investissement n’ont jamais jugé bon de remettre en question l’appui apporté au projet, et ce, malgré le fait que selon le FMO des études et voyages de contrôle diligent auraient été réalisés et que des consultants ont été engagés afin d’évaluer les impacts du projet.
Ce qui précède fait surgir la question suivante : « Quelle valeur fut donnée à la série de dénonciations contre les actes de violence visant les membres du COPINH et aux communautés de Rio Blanco opposées au projet ? Un autre élément que l’on se doit d’aborder est la série de poursuites judiciaires contres les fonctionnaires qui ont approuvé le projet. La Rapporteure Spéciale signale que les déclarations de DESA et des institutions financières n’ont jamais fait référence à ces poursuites, ni aux divers actes de violence dont ont souffert les opposants au projet depuis ses débuts. » (par 58-59 de l’annexe)
« D’un autre côté, si une entreprise ou une institution ne dispose pas de l’influence nécessaire pour empêcher ou calmer les conséquences négatives de l’autre entité, il faudrait considérer de mettre fin à la relation d’affaire, prenant en compte la gravité des conséquences sur les droits humains : plus grande est la violation, moins il devrait y avoir de délai dans la décision de [l’institution] à mettre fin à la relation. » (par 60 de l’annexe)
« Compte tenu de la gravité des violations de droits humains et des délits reliés aux projet, il serait pertinent de se questionner au sujet de la responsabilité partagée de FMO, Finnfund et BCIE concernant ces actes »(par 61 de l’annexe) »
Finalement, nous souhaitons faire ressortir les recommandations de la Rapporteure Spéciale à l’État du Honduras, notamment :
« Prendre en considération les actes de menaces, de harcèlement et de violence perpétrés durant des années contre des membres de COPINH et de Rio Blanco opposé.e.s au projet, en plus de l’implication d’au moins deux personnes liées à l’entreprise DESA dans l’assassinat de Berta Cáceres et les violations reliés à l’absence de consultation préalable, il faut en ce sens sérieusement considérer la révocation du contrat favorisant l’entreprise DESA, tout comme les licences et autres permis en faveur du projet Agua Zarca.
De même, il est nécessaire de procéder à la démilitarisation des la région de Rio Blanco et de la zone du projet, en retirant les forces militaires, policières et, tout comme celles de sécurité privée embauchées par l’entreprise. » (par 67-68)
Le rapport complet, en anglais seulement, est disponible ici [l’annexe concernant la situation de Rio Blanco est cependant rédigée uniquement en espagnol]:
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G16/162/03/PDF/G1616203.pdf?OpenElement