La majorité des Québécois estime que les compagnies minières et les gouvernements devraient en faire plus pour protéger l’environnement et la santé des populations, selon un sondage Léger commandé par la Coalition Québec meilleure mine obtenu par Le Devoir.
Une douzaine de questions portant sur l’industrie minière et la protection de l’environnement ont été posées entre les 15 et 18 juillet derniers par la firme de marketing à un échantillon Web de 995 personnes représentatif de la population québécoise.
Les résultats de l’étude indiquent notamment un appui à plusieurs changements aux politiques en place. Ils nous apprennent entre autres que 81 % des répondants estiment que « les vieilles mines comme la fonderie Horne de Rouyn-Noranda doivent respecter les mêmes normes d’émissions d’arsenic et d’autres métaux que partout ailleurs au Québec ».
« Pour nous, c’est un signal fort », a indiqué le porte-parole du Regroupement vigilance mines de l’Abitibi-Témiscamingue, Marc Nantel, dont l’organisme est membre de la coalition. « Je pense que ça va mettre de la pression sur le gouvernement, à savoir qu’on ne peut pas continuer à exploiter les ressources en faisant fi de la santé des gens et de l’environnement. Depuis plusieurs semaines, la fonderie de la compagnie Glencore fait les manchettes en raison de l’impact de ses émissions d’arsenic et d’autres contaminants sur la santé des habitants, de la faune et de la flore des environs. En raison d’un permis spécial, la fonderie Horne a le droit d’émettre jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube, alors que la norme québécoise est de 3 ng/m3.
L’auteur-compositeur-interprèteRichard Desjardins, porte-parole de l’organisme Action boréale, s’inquiète depuis au moins une quarantaine d’années de la pollution causée par la fonderie de cuivre. Selon lui, les résultats de ce sondage sont une bonne nouvelle. « Malgré toute la publicité [effectuée par l’industrie minière] pour avoir une belle image, les gens se rendent compte qu’elle continue à polluer. C’est ça, la réalité », remarque-t-il.
Le gouvernement du Québec a lancé cette année une campagne faisant valoir l’importance de l’industrie minière pour l’économie verte, dans le cadre du Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025. L’Association minière du Québec a aussi fait une offensive publicitaire dans les dernières années.
Toutefois, 68 % des Québécois ont l’impression que l’industrie minière « engendre des impacts négatifs importants sur l’environnement », selon le sondage.
Les rejets toxiques de cette industrie sont aussi sous les projecteurs à Québec. La pollution au nickel dans le port de la capitale doit cesser, selon 73 % des sondés. Or, le gouvernement Legault y a autorisé au printemps un seuil de tolérance cinq fois plus élevé en la matière. La minière Glencore est aussi en cause dans le dossier.
La porte-parole de l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, Véronique Lalande, n’est pas surprise par les résultats du sondage. « Il y a vraiment une prise de conscience de l’ensemble des citoyens qui vivent à proximité de lieux industriels d’extraction minière, de transformation et de transit, comme nous, a-t-elle relevé. On peut développer des activités économiques, même industrielles lourdes, tant qu’on protège correctement les populations et l’environnement, au lieu d’être dans la recherche du profit le plus élevé. »
En faveur de nouvelles mesures
Plusieurs autres mesures proposées dans le sondage ont obtenu la faveur populaire. On parle notamment d’interdire le rejet de déchets miniers dans tout lac, toute rivière et tout milieu écologique sensible, d’exiger le consentement des populations locales avant d’autoriser toute activité minière et d’interdire tout projet minier dans des zones touristiques ou de villégiature.
Ces prises de position ont réjoui des résidents et des élus municipaux des Laurentides et de l’Outaouais, qui réclament la protection d’une plus grande partie de leur territoire contre le développement minier. Le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation a d’ailleurs installé la fin de semaine dernière une cinquantaine d’affiches décrétant « incompatibles à l’activité minière » 21 municipalités de la MRC de Papineau, avec l’appui de ces dernières et du préfet de la MRC.
Ces citoyens s’opposent notamment au projet de mine de graphite à ciel ouvert La Loutre, craignant son effet sur les lacs des environs, où se trouvent de nombreux chalets. « Le graphite est important, mais il ne faut pas faire ça comme au Far West, sans tenir compte des autres activités menées sur ces territoires. On souhaite aussi sauvegarder des terres agricoles », a revendiqué le maire de Duhamel, David Pharand. Il s’inquiète de l’intérêt grandissant d’entreprises et d’individus, qui acquièrent des claims — des titres d’exploration minière — sur le territoire de la région. D’autant que les droits miniers ont généralement préséance sur les autres usages des terres, pouvant aller jusqu’à forcer l’expropriation des occupants lorsqu’arrive l’étape de l’exploitation.
Richard Desjardins estime de son côté qu’il est temps de mettre fin à cette primauté de l’exploitation minière. « Les priorités doivent être changées. L’environnement doit venir en premier », a-t-il déclaré. Les Québécois sont sur la même longueur d’onde : 79 % des répondants au sondage Léger ont affirmé être fortement d’accord ou plutôt d’accord pour « prioriser la santé et l’environnement, même si cela signifie que certains projets miniers devront cesser leurs opérations ».
Enfin, 80 % des sondés demandent aux gouvernements de « prioriser la réutilisation et le recyclage des minéraux avant d’exploiter davantage les mines ».
Publie par, Roxane Léouzon
2 août 2022