Publié par Desinformémonos, le 31 mai 2023
L’attaque armée contre la communauté zapatiste de Moisés Gandhi « est la responsabilité directe du gouvernement du Chiapas et du gouvernement fédéral », ont assuré des milliers de cinéastes, écrivains, universitaires, artistes, défenseurs des communautés et activistes nationaux et internationaux tels que Noam Chomsky, Bertha Navarro, Daniel Giménez Cacho, Fernanda Navarro, Juan Villoro, Alfonso Cuarón, Gael García Bernal, María de Jesús Patricio (Marichuy), Pierre Salama, entre autres.
Cette déclaration internationale fait suite à l’attaque paramilitaire perpétrée par l’Organisation régionale des producteurs de café d’Ocosingo (ORCAO) contre la communauté autonome de Moisés Gandhi à Ocosingo, au Chiapas, le 22 mai, au cours de laquelle le Tseltal Jorge López Sántiz a été grièvement blessé.
« L’attaque de l’ORCAO n’est pas un conflit entre communautés, comme Carlos Salinas le qualifierait et comme López Obrador essaiera certainement de le faire. L’attentat relève de la responsabilité directe du gouvernement du Chiapas et du gouvernement fédéral. Le premier pur avoir couvert la croissance des groupes criminels ayant transformé le Chiapas d’un état de relative tranquillité en un foyer de violence. Le second pour être resté silencieux et passif face à la situation évidente du sud-est », indiquent-ils dans le texte.
Les intellectuels et les activistes ont expliqué que l’attaque paramilitaire contre les communautés autonomes est le résultat des politiques sociales du gouvernement d’Andrés Manuel López Obrador « pour diviser et corrompre, détruire le tissu social des communautés et des peuples », en particulier au Chiapas.
« Le Chiapas est au bord de la guerre civile avec les paramilitaires et les tueurs à gages des différents cartels qui se battent pour la place et les groupes d’autodéfense, avec la complicité active ou passive des gouvernements de Rutilio Escandón Cadenas et d’Andrés Manuel López Obrador », ont-ils ajouté.
Les plus de mille personnalités ont exigé l’arrêt de la violence paramilitaire au Chiapas pour éviter que « le Mexique ne s’enfonce davantage dans cette guerre sans fin qui le déchire », ainsi que la justice et l’assistance médicale pour Jorge López Sántiz, la dissolution absolue de l’ORCAO, une enquête sur le gouvernement de Rutilio Escandón et que « le silence de López Obrador cesse d’être complice de la violence au Chiapas ».
Pour ce faire, ils ont appelé à la poursuite de la journée de mobilisations et d’actions pour dénoncer la guerre contre les communautés de l’EZLN, qui a débuté le 27 mai et se terminera le 10 juin, y compris une action nationale et internationale coordonnée le 8 juin.
Voici le texte intégral de la déclaration :
Aux peuples du Mexique et du monde,
Aux personnes, collectivités et peuples qui défendent la Vie
À ceux qui ressentent l’urgence d’agir face à un Sud-Est mexicain en flammes.
Aujourd’hui, en ce moment, le Mexique est à la limite, à cette limite qui semble toujours lointaine jusqu’à ce qu’une balle d’en haut fasse exploser la rage du Mexique d’en bas. Le camarade zapatiste Jorge López Santíz est entre la vie et la mort à cause d’une attaque paramilitaire de l’Organisation régionale des producteurs de café d’Ocosingo (ORCAO), la même organisation qui a attaqué et harcelé les communautés zapatistes. Le Chiapas est au bord de la guerre civile avec les paramilitaires et les tueurs à gages des différents cartels qui se battent pour la plaza et les groupes d’autodéfense, avec la complicité active ou passive des gouvernements de Rutilio Escandón Cadenas et d’Andrés Manuel López Obrador.
L’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), qui a maintenu la paix et développé son projet autonome sur ses territoires, et qui a tenté d’éviter les affrontements violents avec les forces paramilitaires et les autres forces de l’État mexicain, est constamment harcelée, attaquée et provoquée. Depuis la fin du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, l’EZLN a opté pour une lutte politique civile et pacifique, bien que ses communautés soient la cible de tirs, que ses cultures soient incendiées et que son bétail soit empoisonné. Malgré le fait qu’au lieu d’investir leur travail dans la guerre, ils l’ont investi dans la construction d’hôpitaux, d’écoles et de gouvernements autonomes qui ont bénéficié aux zapatistes et aux non-zapatistes, les gouvernements, de Carlos Salinas à Lopez Obrador, ont tenté de les isoler, de les délégitimer et de les exterminer. Aujourd’hui, à quelques mois du 40ème anniversaire de l’EZLN, l’attaque paramilitaire de l’ORCAO a fait tenir la vie d’un homme à un fil, le même fil qui pend à l’éruption du Mexique d’en bas qui ne peut plus supporter la pression sur sa dignité ni la guerre contre ses communautés et ses territoires.
L’attaque de l’ORCAO n’est pas un conflit entre communautés, comme le qualifierait Carlos Salinas et comme le prétendra certainement López Obrador. Il s’agit d’une responsabilité directe du gouvernement du Chiapas et du gouvernement fédéral. Le premier pour avoir couvert la croissance des groupes criminels ayant transformé le Chiapas d’un état de relative tranquillité en un foyer de violence. Le second pour son silence et sa passivité face à la situation évidente du sud-est. Pourquoi l’ORCAO attaque-t-elle les communautés zapatistes ? Pourquoi le gouvernement de Rutilio Escandón le permet-il ? Parce que dans le Chiapas d’avant, gouverner signifie baigner dans le sang indigène. Pourquoi López Obrador reste-t-il silencieux ? Parce que le gouverneur du Chiapas est le beau-frère de son bien-aimé secrétaire de l’Intérieur, Adán Augusto López, parce que, comme ses prédécesseurs, il ne supporte pas qu’un groupe rebelle soit la référence de l’espoir et de la dignité, parce qu’il a besoin de justifier une action militaire pour « nettoyer » le sud-est et pouvoir enfin imposer ses mégaprojets.
Nous comprenons également cette attaque comme le résultat des politiques sociales du gouvernement actuel visant à diviser et à corrompre, en détruisant le tissu social des communautés et des peuples de notre pays et, en particulier, du Chiapas. Nous constatons avec inquiétude que des programmes tels que « Sembrado Vida » – qui se caractérise par le fait qu’il dispose pratiquement du même budget que le ministère fédéral de l’agriculture – et d’autres programmes similaires, encouragent la confrontation entre les communautés historiquement dépossédées de leurs terres et de leurs droits, car ils sont utilisés comme mécanismes de contrôle politique et comme monnaie d’échange pour des organisations telles qu’ORCAO afin d’obtenir l’accès aux prétendus avantages que ces programmes fournissent, au prix du vol des terres autonomes zapatistes récupérées. Pour nous, il est clair qu’il ne s’agit pas de conflits entre les peuples, mais d’une action contre-insurrectionnelle qui cherche à les détruire, à détruire l’EZLN et toutes les communautés et les peuples qui continuent à lutter pour une vie digne.
Ceux d’entre nous qui signent cette lettre le font pour nous appeler et appeler ceux qui croient que la dignité et la parole doivent se lever pour arrêter le massacre qui se profile ; pour appeler ceux qui soutiennent le gouvernement actuel à ouvrir leur cœur aux injustices qui inondent le présent de ce pays, au-delà de leurs affinités ou sympathies politiques ; pour que nous puissions nous rencontrer dans la nécessité d’agir avec l’objectif commun d’arrêter cette atrocité.
Nous signons cette lettre parce que nous voyons l’urgence d’arrêter la violence paramilitaire au Chiapas, car ne pas le faire signifie laisser le Mexique s’enfoncer encore plus dans la guerre sans fin qui le déchire. Nous exigeons que justice soit rendue à Jorge López Santíz. Nous exigeons la dissolution absolue de l’ORCAO. Nous exigeons une enquête approfondie sur le gouvernement de Rutilio Escandón. Nous exigeons que le silence de López Obrador cesse d’être complice de la violence au Chiapas.
Reprenant les demandes présentées par le Congrès National Indigène, nous exigeons:
- que la santé du camarade Jorge soit garantie et qu’il reçoive toute l’attention nécessaire et pendant le temps requis.
- L’arrêt de l’attaque armée contre la communauté Moisés Gandhi et le respect de son territoire autonome.
- Que les auteurs matériels et intellectuels de ces attaques paramilitaires soient punis.
- Le démantèlement des groupes armés par lesquels la guerre contre les communautés zapatistes est active et se développe.
Nous exigeons également la libération immédiate de Manuel Gómez, base de soutien de l’EZLN, dont nous n’avons pas oublié l’emprisonnement injuste.
Avec le CNI, nous avertissons que la guerre qui a été déclarée contre les peuples originels, gardiens de la Terre Mère, nous oblige à agir de manière organisée pour arrêter la violence croissante et pour rétablir notre lien et notre attention à la Vie. Nous nous appelons à manifester dans les rues, les ambassades et les consulats, les centres d’études et les lieux de travail, les réseaux sociaux, partout où cela est possible et indispensable, contre la violence militaire, paramilitaire et du crime organisé et pour la défense de la Vie.
Nous nous appelons et nous vous appelons à joindre vos forces pour tisser une journée d’actions disloquées du 27 mai au 10 juin avec une action nationale et internationale coordonnée le 8 juin.
Arrêtez la guerre contre les peuples zapatistes. S’ils en touchent un.e, ils nous touchent tous.tes.