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Les zoos humains

Publié par Carlos del Frade, Desinformémonos, le 8 février 2025

On l’appelait la Société impériale d’acclimatation zoologique. Reproduite aux États-Unis et en Europe, des milliers de personnes enlevées arrivaient de Patagonie, d’Afrique et d’Asie pour être exposées, violées, vendues et, après leur mort, leur corps analysé avec une extrême cruauté. Du bout du monde, la nouvelle étape du capitalisme que l’on appelle l’impérialisme s’affiche.

Je meurs comme j’ai vécu, je ne suis commandé par aucun cacique ?

C’est ce que dit un Tehuelche avant d’être transpercé. Une véritable déclaration d’identité, individuelle et collective. La note figure dans le prologue d’un livre indispensable en ces temps de cruauté démocratisée. Son auteur est Norma Sosa, professeure d’histoire, qui a déjà publié, entre autres, « Mujeres indígenas de la Pampa y la Patagonia » (Femmes indigènes de la Pampa et de la Patagonie) et « Cazadores de plumas en la Patagonia » (Chasseurs de plumes en Patagonie). Son style est austère, mais son travail regorge de sources, de données et de photographies choisies qui génèrent une conception profonde de l’exploitation humaine réalisée par les pays du monde et de la construction du racisme comme forme de justification devant les populations de leurs propres nations prétendument supérieures.

Ces peuples ont été l’objet d’expériences avec lesquelles le monde « civilisé » a tenté de nouvelles formes d’appropriation basées sur l’orphelinat géographique qui a fait de la frontière sud des États-Unis une terre vide, sans dieux ni diables. Business, spectacle, démonstration scientifique, showmanship politique, « Human Zoos », « Faune Humaine », Ethnos Shows ou zoos humains sont quelques-unes des expressions qui ont été appliquées à l’origine, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, aux villas reconstruites dans les mêmes enclos que les jardins zoologiques européens et autres installations destinées au divertissement du public. Là, les peuples indigènes exhibés lors de tournées lucratives étaient en même temps des objets de recherche utiles pour la science qui cherchait à dresser un inventaire des types ethniques – explique Norma Sosa dans son livre « Tehuelches y fueguinos en zoológicos humanos », publié en 2020.

Les Fuégiens présentés à Paris en 1889 par l’entrepreneur Maurice Maître.

En 1854, les Français fondent la Société zoologique d’acclimatation, rebaptisée plus tard « Société zoologique impériale d’acclimatation », qui, quatre ans plus tard, compte trois mille membres qui la soutiennent par leur cotisation annuelle de 25 francs.

Le nom est un signe non seulement d’identité mais aussi de propriété : la Société impériale zoologique d’acclimatation. Dans cette société, reproduite plus tard aux États-Unis et dans diverses nations de l’Europe, des centaines de personnes enlevées en Patagonie, en Afrique, en Asie et dans d’autres parties du monde sont amenées pour être exposées, violées, vendues et, après leur mort, leurs corps sont analysés. Des hommes et des animaux ramenés du bout du monde comme démonstration de cette nouvelle étape du capitalisme qu’est l’impérialisme.

Un chercheur d’or du nom de Julius Popper conseillait d’enlever les Tehuelches et les Fuégiens avec des méthodes qui se répéteraient plus tard dans ces périphéries pillées du monde. Il intitule ses suggestions « Conseils pour la chasse aux Fuégiens » et affirme que « vous allez maintenant lever l’ancre et mettre les voiles, les Indiens vont sûrement protester, mais quelques coups d’un côté, quelques coups de l’autre, et finalement une chaîne ou une corde pacifieront finalement vos spécimens anthropologiques ».

Mais les exploiteurs qui dirigeaient ces zoos humains dans la seconde moitié du XIXe siècle et la première partie du XXe siècle ne pouvaient manquer d’être surpris par l’amour profond des enfants de ces peuples indigènes malgré ces mauvais traitements et à des milliers de kilomètres de leur lieu de naissance et de croissance.

Un groupe exposé à Palerme

L’amour excessif des Indigènes pour leurs petits explique qu’une vieille personne demande à une jeune mère de lui prêter son enfant pour un court instant afin de le placer affectueusement dans son sein, de jouer avec lui, d’avoir entre les mains un passe-temps délicieux et de revivre le bonheur d’être mère », écrit l’un des savants dits de Manouvrier.

Pendant ce temps, la tactique est au fouet et à l’alcool.

Le spectacle de Buffalo Bill, par exemple, rapporte 40 000 dollars par semaine, alors que personne ne s’interroge sur les conditions de vie des personnes montrées. Certains missionnaires, comme d’habitude, justifient l’enlèvement et l’exploitation des gens avec des arguments tels que les filles « arrachées aux ongles du diable » et d’autres, faisant école, commencent à dire que les Tehuelches, les Fuégiens et les gens d’autres latitudes sont maltraités par leur propre consentement.

Le célèbre Estanislao Zeballos est allé jusqu’à écrire que « la barbarie est maudite et que même les restes de ses morts ne resteront pas dans le désert ».

Le livre de Norma Sosa est essentiel pour montrer l’étendue de l’hypocrisie du système lorsqu’il s’agit d’exploiter, de persécuter et d’exterminer les personnes qui le dérangent. Il est également remarquable qu’elle découvre dans ces annotations prétendument scientifiques, la surprise des Européens face à l’amour que les peuples indigènes portaient à leurs filles et à leurs fils. Jamais un coup, toujours la tendresse et l’étreinte, les serrant contre eux, comme nous l’a enseigné maintes fois notre prophète laïc, Alberto Morlachetti.

Source: https://desinformemonos.org/zoologicos-humanos/