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CDHAL, Common Frontiers, MinningWatch Canada
(Montréal, Ottawa, Toronto) 20 syndicats, organisations à but non lucratif et organisations de la société civile ont signé une déclaration ouverte pour exprimer leur solidarité et leur support aux communautés autochtones, aux travailleurs.euses, aux paysans.e.s, et aux organisations de la société civile qui sont présentement engagés dans des manifestations à travers le pays contre les mesures d’austérité imposées par le FMI.
La lettre appelle au gouvernement canadien de cesser son silence concernant la répression ordonnée par l’État et questionne le manque de couverture médiatique canadienne sur les manifestations massives en Équateur, comparant à la vigueur avec laquelle les médias couvrent les manifestations tels à Hong Kong ou au Venezuela.
La lettre dénonce toutes tentatives des compagnies minières canadiennes sur l’utilisation de cette crise économique et politique pour poursuivre et accroitre leurs investissement, soulignant que l’exploitation minière canadienne ne résoudrait pas la crise de la dette extérieure.
« Présentement, la majorité des compagnies minières actives en Équateur sont des compagnies canadiennes qui détiennent plus de 40 projets, dont la population s’oppose activement. Nous remarquons que les compagnies utilisent la crise de la dette extérieure pour faire la promotion de leurs projets et nous nous inquiétons que cela ne va qu’aggraver les représailles contre les communautés autochtones, les paysan.e.s et les populations rurales qui manifestent à juste titre contre l’expansion des activités extractives sur leur territoire », nous dit Kirsten Francescone, la coordinatrice d’Amérique Latine pour MinningWatch Canada. « Le peuple équatorien devrait être capable de décider comment ils.elles veulent vivre, spécialement si la population a choisi des moyens de subsistance plutôt que l’exploitation minière. Nous n’avons pas besoin de plus de désastre minier dans le monde.»
Le 14 octobre, après 10 jours de manifestations dans la capitale du pays, à Quito, et l’augmentation du support international face aux manifestant.e.s, le Décret 883 a été abrogé par le gouvernement Moreno.
« Le peuple équatorien, notamment les communautés autochtones, ont envoyé un message clair au reste du monde : cette grande capitale et le gouvernement anti-souverain doivent arrêter leur offensive extractive sur les corps et le territoire. Même si le Décret 883 a été abrogé, la communauté internationale doit continuer de condamner la répression perpétrée par le gouvernement de Lenin Moreno et demander justice pour les personnes qui ont été criminalisées, blessées ou tuées lors du soulèvement populaire », nous partage Rosa Peralta du Comité pour les droits humains en Amérique Latine, CDHAL.
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Depuis le 2 octobre, des organisations autochtones, ainsi que des syndicats, des mouvements sociaux et des organisations paysannes manifestent à travers l’Équateur contre l’ensemble de mesures d’austérité imposé par le Fonds Monétaire International (FMI) et d’autres institutions financières internationales résultant en: une augmentation de 120% pour le prix de l’essence; des réformes du droit du travail qui ébranlent sérieusement les protections des travailleurs.euses au pays, en précarisant certains emplois du secteur privé et en entraînant une réduction de 20% du salaires des contrats du secteur public; et l’imposition des projets extractifs (miniers, pétroliers et de gaz) dans l’effort mal dirigé pour régler la crise de la dette.
Le gouvernement de l’Équateur a répondu avec une violence extrême, incluant l’usage de gaz lacrymogène, des balles de caoutchouc et même des vraies balles sur les manifestant.e.s. Des organisations ont rapporté que plus de 700 personnes ont été arrêté, trois manifestant.e.s ont été tué et au moins 100 ont été blessé.
Nous condamnons « L’état d’exception » déclaré par le président de l’Équateur le 3 octobre, octroyant à la police et aux forces militaires des pouvoirs exceptionnels pour « maintenir l’ordre et la paix. » Cela signifie d’imposer un état de terreur pour les communautés autochtones, les travailleurs.euses et les organisations de la société civile qui pratiquent leur droit de manifester.
Nous rejetons l’imposition du FMI du « Paquetazo », un ensemble grotesque de mesures d’austérité : des politiques d’ajustement structurel néolibérales lourdes, qui privilégient l’investissement étranger privé au bien public au dépens des moyens de subsistance des travailleurs.euses et des droits des peuples autochtones. Nous retrouvons de nombreuses conséquences catastrophiques de ce type de réformes dans la région et de nombreuses évidences démontrent que, tout en récompensant les banques, les investisseurs et les élites, ces réformes exacerbent la pauvreté et les inégalités et produisent des impacts irréparables sur le tissu socio-environnemental des communautés.
Nous appelons le gouvernement équatorien à abroger les mesures d’austérité annoncées récemment, annuler l’accord conclu avec le FMI et à respecter la décision des peuples autochtones de préserver leurs territoires des industries extractives.
Nous dénonçons l’utilisation démesurée de la force mandatée par l’État pour réprimer les manifestations. Le 7 octobre, le bureau du défenseur du peuple équatorien a fait savoir que la répression et la criminalisation des manifestant.e.s, en particulier des peuples autochtones et des jeunes, étaient sans précédent par rapport aux autres manifestations de ces dernières années. Il rapporte que 485 manifestant.e.s ont été arrêté entre le 3 et le 7 octobre, dont beaucoup présentent des preuves de blessures graves et de mauvais traitements.
Nous dénonçons les compagnies minières qui, en tentant d’assurer à leurs actionnaires des profits et des investissements dans un pays qui montre une forte opposition aux activités extractives, utilisent la crise de la dette étrangère de l’Équateur pour démontrer que leur projet donne un fort support au gouvernement. Nous condamnons les actions des minières canadiennes d’utiliser l’état d’exception pour faire avancer leurs futures activités d’extraction dans les régions où ils n’auraient pas été capables de continuer leur projet à cause des résistances. Les compagnies minières canadiennes ne résoudront pas la crise de la dette extérieure.
Nous appelons au gouvernement canadien de mettre terme à son silence face aux protestations massives qui affectent le pays ainsi que l’usage excessif de la force par le gouvernent de l’Équateur. Nous remarquons aussi la complicité en tant que membre de l’Organisation des États Américains (OEA), laquelle a partagé un communiqué le 8 octobre condamnant la violence des manifestant.e.s sans condamner l’usage d’une force excessive contre ces personnes, qui est bien documenté.
Nous appelons à la presse canadienne de partager les abus et la répression perpétré par l’État en Équateur avec la même rigueur et attention que leur reportage sur les manifestations à Hong Kong ou au Venezuela.
Nous exprimons notre solidarité avec nos sœurs et nos frères en Équateur qui s’opposent actuellement à ce modèle économique prédateur. Nous vous entendons et nous sommes avec vous en esprit.
Signataires
Association Québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
British Columbia Government and Service Employees Union
British Columbia Teachers’ Federation
Carleton University Political Economy
Common Frontiers
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Convergencia Social Toronto
Groupe de solidarité avec le peuple shuar
International Civil Liberties Monitoring Group (ICLMG)
Inter Pares
Kitchen Table Collective
Latin American & Caribbean Solidarity Network
Mining Injustice Solidarity Network (MISN)
Mining Justice Action Committee (MJAC)
MiningWatch Canada
Ontario Secondary School Teachers’ Federation (OSSTF)
The United Church of Canada / L’Église Unie du Canada
Unifor
Union of British Columbia Indian Chiefs
United Steelworkers
Chronologie des évènements récents.
Mars 2019 : Le Conseil exécutif du FMI a approuvé un prêt de 4.2 milliards à l’Équateur, en plus de tous les autres milliards déjà prêtés par la BID, la Banque Mondiale et le FMI.
23 septembre : Le FMI parvient à un accord lors de la deuxième revue du programme; note que la législation en matière d’ajustement structurel devrait être mise en œuvre dans un proche avenir.
1eroctobre : Moreno informe la population que le gouvernement implantera une série de mesures d’austérité (Décret présidentiel 833)
2 octobre : Le Front Unitaire des Travailleurs (FUT), le Front populaire, la CONAIE et d’autres organisations appellent des manifestations à l’échelle nationale contre les mesures d’austérité, exigeant la révocation du décret présidentiel.
3 octobre : Moreno déclare « l’état d’exception » (état d’urgence), octroyant aux forces militaires et à la police des pouvoirs exceptionnels pour « maintenir l’ordre et la paix ». La répression face aux manifestant.e.s qui s’en suit. Les actes violents de répression sont enregistrés à travers le pays.
5 octobre : L’organisation d’autochtones CONAIE annonce son propre « état d’exception », demandant immédiatement le retrait des militaires et de la police des communautés ou sinon, ils vont faire face à « la justice autochtone.»
6 octobre : Les actes de répression continuent. Dans certaines régions où les organisations autochtones prennent l’initiative, comme Morona Santiago et Imbarura, et même s’intensifient.
7 octobre : Les médias rapportent que 20 000 autochtones membres de CONAIE sont arrivé.e.s à Quinto pour continuer leurs manifestations; ils sont les bienvenu.e.s dans cette ville, mais attaqué.e.s par la police.
7 octobre : le bureau de l’Ombudsman de l’équateur a sorti un rapport « l’état d’exception 2019 » en notant les évènements de cette semaine comme étant les plus intenses des dernières années. Ils ont noté l’usage de la force excessive par la police et par les militaires, spécifiquement contre les communautés autochtones; l’usage de la force physique contre les manifestants; preuve de torture et de détention; et un total de 485 rapports de détention entre le 3 et le 6 octobre.
8 octobre : Lenin Moreno a imposé un couvre-feu national, décret 888.
8 octobre : L’Organisation des états américains a sorti un communiqué de presse qui condamne les actes de « violence » par les manifestants. Or, ils ne mentionnent pas les détentions, les détentions et les meurtres ordonnés par l’état.
Le résumé des conditions du FMI pour réduire les dépenses fiscales, pour être plus effectif et pour payer la dette extérieure inclus (pas exclusif)
1- Réduire les subventions gouvernementales sur l’essence (l’étincelle qui a déclenché les grèves de la semaine dernière)
2- Réforme fiscale pour rendre plus favorable les investissements directs étrangers (IDE), réduisant les impôts payés par les sociétés étrangères.
3- Augmenter la «compétitivité» du marché du travail pour favoriser les IDE.
4- Rationaliser les salaires pour favoriser les IDE (réductions salariales d’environ 20%)
5- Réduire considérablement le temps de vacances des employés du secteur public.
6- Restructurer la gestion fiscale
7- Prioriser le paiement de la dette
8- Encourager les projets extractifs miniers et de l’huile par les compagnies étrangères.