HomeCommuniquéLettre signée par des organisations canadiennes concernant la crise constitutionnelle au Guatemala

Lettre signée par des organisations canadiennes concernant la crise constitutionnelle au Guatemala

Mme. Rita Rudaitis-Renaud
Ambassadrice du Canada au Guatemala
3 Calle 8-44, Zone 10
Guatemala, Guatemala

cc: Honorable Chrystia Freeland, Ministre des Affaires étrangères

Re: Préoccupation concernant l’escalade de la crise constitutionnelle au Guatemala

Mme l’Ambassadrice,

Nous, organisations signataires, sommes profondément préoccupées par l’escalade de la crise constitutionnelle qui se déroule au Guatemala depuis août 2018. Nous suivons de près l’évolution de la situation et nous partageons les préoccupations des organisations de défense des droits humains guatémaltèques et des autorités ancestrales Maya, Xinka et Garifuna, qui craignent que l’État guatémaltèque soit revenu à la tactique répressive utilisée pendant le conflit armé interne. Le gouvernement du Guatemala défie l’état de droit et ignore les freins et contrepoids mis en place au sein de l’État guatémaltèque pour empêcher la consolidation du pouvoir, en violation totale des accords de paix de 1996 et de l’institutionnalité démocratique.

Le président guatémaltèque, Jimmy Morales, a annoncé en août 2018 que son gouvernement ne renouvellerait pas la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), parrainée par l’ONU. Le gouvernement guatémaltèque a bafoué à plusieurs reprises les décisions de la Cour constitutionnelle autorisant les représentants de la CICIG à entrer dans le pays, en violation d’un accord existant entre les Nations Unies et le gouvernement du Guatemala, valide jusqu’en septembre 2019.

Le 5 janvier 2019, l’enquêteur de la CICIG, le colombien Yilen Osorio Zuluaga, a été empêché d’entrer au Guatemala et illégalement détenu à l’aéroport de La Aurora, à Guatemala. Alors que des groupes de défense des droits humains, des représentants de la société civile et des autorités autochtones s’étaient rassemblés devant l’aéroport pour demander sa libération et exprimer leur soutien à la CICIG, M. Osorio a finalement été libéré le lendemain soir, en application d’une ordonnance de la Cour constitutionnelle adressée directement aux autorités guatémaltèques de l’immigration, après 25 heures de détention. Un jour plus tard, le 7 janvier 2019, la ministre guatémaltèque des Affaires étrangères, Sandra Jovel, a annoncé devant le siège des Nations Unies que le Guatemala mettrait fin unilatéralement au mandat de la CICIG, dans un délai 24 heures. Dans sa déclaration, elle a nié la légitimité des décisions de la Cour constitutionnelle. Immédiatement après, le président Jimmy Morales a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a confirmé l’annulation du mandat, en violation des décisions de la Cour constitutionnelle.

Nous craignons que le refus persistant de la branche exécutive de se conformer aux ordres de la plus haute instance judiciaire du pays constitue un coup «technique», entraînant le Guatemala sur la voie de la dictature. L’inquiétude est aggravée par les actions répétées du Congrès guatémaltèque, dont 20% font l’objet d’une enquête pour corruption, visant à saper les efforts de lutte contre la corruption par une législation connue sous le nom de « pacte de corruption ». Nous comprenons que les actions du gouvernement vont bien au-delà d’une simple tentative d’éloigner la CICIG du pays; les efforts du gouvernement pour consolider le pouvoir constituent une attaque contre l’état de droit et les institutions.

La société civile, les organisations de défense des droits humains et les autorités autochtones du Guatemala ont à plusieurs reprises appelé la communauté internationale à continuer à appuyer la CICIG et les juges de la Cour constitutionnelle du Guatemala. Ils ont également demandé de nouvelles enquêtes sur les agents gouvernementaux et les entreprises corrompus.

En dépit de leurs appels, les menaces contre l’état de droit ont atteint un point critique au Guatemala. Il est essentiel que le Canada prenne position pour les droits humains, l’état de droit et la fin de la corruption et de l’impunité au Guatemala. Nous demandons à l’ambassade du Canada de se tenir aux côtés de la population guatémaltèque et de réaffirmer publiquement son soutien à la CICIG. Nous demandons également aux ambassades d’appeler le gouvernement guatémaltèque à respecter les décisions de la Cour constitutionnelle.

Nous reconnaissons la récente réponse publique du Canada à l’appui de la CICIG et espérons que l’ambassade du Canada utilisera tous les moyens disponibles pour souligner l’appui constant à la CICIG et plaider en faveur du respect du gouvernement du Guatemala à la Cour constitutionnelle.

Signé,
Americas Policy Group – Groupe d’orientation politique pour les Amériques
Amnesty International Canada
Atlantic Regional Solidarity Network (ARSN)
Alternatives Canada
BC CASA/Cafe Justicia Canada
Canadian Jesuits International
Canadian Union for Public Employees
Centre Paysan
Church in Action Committee, Maritimes Region, United Church of Canada
CoDevelopment Canada
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Common Frontiers
The Humanity Fund
Inter Pares
KAIROS: Canadian Ecumenical Justice Initiatives
KAIROS Halifax
Martha Justice Ministry of the Sisters of St. Martha, Antigonish
Maquila Solidarity Network (MSN)
Maritimes – Guatemala Breaking the Silence Network (BTS)
Network in Solidarity with the People of Guatemala (NISGUA)
Nobel Women’s Initiative
Projet Accompagnement Québec-Guatemala
Public Service Alliance of Canada- Alianza de la Función Pública de Canadá
Todos por Guatemala Canada
Toronto Guatemala Community Network
The United Church of Canada
Union Paysanne
United Steelworkers
USC Canada