Les présidents de 52 communautés de Challhuahuacho, dans le département d’Apurimac, ont accepté de suspendre le blocus communautaire qu’ils menaient depuis deux mois, dans un accord ayant pour but de lever l’état d’urgence en place depuis août 2017 et de permettre la réouverture du corridor minier et le passage des camions vers la minière de Las Bambas.
La levée de l’état d’urgence a prétendument pour but de mettre en place une table de dialogue entre les communautés affectées par le corridor minier, le Ministère des Transports et l’entreprise minière MMG. Les populations affectées par le corridor minier demandent principalement une indemnisation économique ainsi que des moyens d’amélioration de la route (asphaltage, contrôle du bruit) par laquelle passaient les camions de la minière.
Cependant, plusieurs éléments permettent de douter des intentions réelles des acteurs étatiques et miniers et du bien-fondé de l’accord signé. En effet, le Président de la communauté de Fuerabamba, Gregorio Rojas, maintient qu’il a accepté de suspendre le blocus sous pression par peur d’être détenu de nouveau. De plus, les consultants légaux de la communauté, Jorge et Frank Chavez Sotelo, sont détenus depuis le 21 mars sans espoir de libération.
Pour comprendre la situation, il est important de rappeler les éléments-clés qui ont conduit à l’escalade de la tension entre la minière chinoise et la communauté.
Au tout début du projet, en 2011, la minière de Las Bambas appartenait à l’entreprise suisse Xstrata, qui prévoyait transporter les minéraux à l’aide d’un minéroduc vers Espinal afin d’être traités. Ce plan avait été approuvé dans le cadre de l’étude d’impacts environnementaux, processus qui avait encouragé la participation citoyenne.
Cependant, la vente de Las Bambas à l’entreprise chinoise MMG en 2013 a été marquée par le changement du minéroduc pour une route terrestre, modification de haute importance qui n’a en aucun point fait l’objet d’une consultation à la population affectée. Cette route, qui est maintenant en place et utilisée exclusivement comme corridor minier, est marquée le passage de plus de 300 camions par jour sur une route de 482 km et passe par plus de 70 villages en majorité autochtones. Sans surprise, ces allées et venues occasionne une quantité important de poussière et affecte les semences des agriculteurs.
Le Ministère des Transports et des Communications du Pérou a donc re-catégorisé la route comme voie publique nationale, déresponsabilisant du fait même l’entreprise et mettant en charge le gouvernement péruvien d’assurer l’amélioration du corridor minier. Cependant, rien n’a été fait pour annuler ou même atténuer les effets négatifs du passage des camions.
Un État d’urgence était ainsi en place depuis Août 2017 et une présence policière et militaire était assurée pour permettre le passage des camions, jusqu’à ce que le blocus communautaire prenne place et soit récemment arrêté dû à l’accord douteux et à la table de dialogue qui doit s’ensuivre.
La situation à la mine de Las Bambas représente un exemple flagrant de la primauté des intérêts des compagnies minières sur le bien-être et les droits fondamentaux des communautés affectées. En effet, le manque de transparence de la part de l’entreprise et l’absence d’efficacité des autorités de l’état péruvien ont toutes deux conduit à la détérioration des conditions sociales sur les espaces de développement minier et du fait même, au conflit dont nous sommes témoins aujourd’hui. Nous continuerons de suivre cette situation de près.
Sources:
http://cooperaccion.org.pe/las-bambas-gobierno-levanta-el-estado-de-emergencia-en-corredor-minero/ (en espagnol)
http://cooperaccion.org.pe/las-bambas-cronica-de-un-conflicto-anunciado-que-parece-no-tener-fin/ (en espagnol)
Pour comprendre la situation:
https://gestion.pe/peru/bambas-5-hechos-entender-brevemente-conflicto-zona-nndc-262703 (en espagnol)
https://peru21.pe/politica/bambas-gregorio-rojas-senala-presionado-firmar-acuerdo-470619 (en espagnol)
http://www.cdhal.org/comunicado-de-rema-en-solidaridad-y-apoyo-a-los-compas-en-resistencia-contra-el-proyecto-las-bambas/ (communiqué en espagnol publié en novembre 2015 par le CDHAL)