Les entreprises canadiennes qui opèrent à l’étranger ont derrière elles un long passif de violation des droits humains. En 2019, l’on assiste à la création du bureau de l’ombudspersonne canadien pour la responsabilité des entreprises qui devait avoir comme mandat d’enquêter sur des dénonciations faites à l’encontre de ses entreprises opérant à l’étranger. Cependant, il est utile de se questionner sur la pertinence de ce mécanisme : est-il vraiment en mesure d’aider les communautés à obtenir justice pour les dommages causés par les projets des entreprises canadiennes ?
Cela fait déjà longtemps que les entreprises canadiennes sont accusées de commettre de graves violations aux droits humains dans les pays où elles opèrent à l’étranger. Malgré la mobilisation des communautés affectées par ces entreprises, l’impunité demeure à l’ordre du jour.
En 2019, face à la pression de la société civile, le gouvernement canadien a créé le bureau de l’ombudsperson de la responsabilité des entreprises dont le but est de recevoir et d’enquêter les dénonciations ayant trait aux actions de ces entreprises
Le Comité pour les droits humains en Amérique latine, CDHAL, a conversé avec Emily Dwyer, la coordinatrice du Réseau canadien pour la reddition de comptes des entreprises. Elle nous explique pourquoi l’ombudspersonne n’est pas un mécanisme adéquat.
Les organisations sociales et les syndicats canadiens sont inquiets parce que le bureau de l’ombudspersonne va prochainement ouvrir ses portes pour recevoir les plaintes des communautés affectées par des projets ou des entreprises canadiennes. Toutefois, le bureau n’a pas les pouvoirs nécessaires pour être un mécanisme approprié à recevoir des plaintes ainsi que de mener leur enquête.
Emily, que dirais-tu aux communautés qui pensent soumettre des plaintes à l’ombudspersonne ?
Le bureau n’est pas ce que le gouvernement canadien avait promis de créer ni ce que la société civile canadienne et ses partenaires mondiaux ont demandé. Le bureau actuel manque d’autorité et dépend entièrement de la volonté des entreprises accusées de violations pour fournir les informations nécessaires afin de confirmer les faits. De plus, le bureau de l’ombudsperson n’est pas indépendant du gouvernement canadien ni des entreprises.
Quels sont les risques pour les communautés ?
Premièrement, il n’est pas clair si les informations à caractère sensible que les communautés affectées fourniront demeureront éloignées des mains des gouvernements ou entreprises faisant l’objet d’une évaluation. Deuxièmement, en raison de l’absence de pouvoirs d’enquête, l’ombudspersonne pourrait arriver à des conclusions ou rédiger des rapports erronés, ce qui pourrait nuire aux intérêts de la communauté affectée.
Il est important de souligner que le Canada a compté sur d’autres mécanismes similaires qui, jusqu’ici, n’ont pas amélioré la situation des communautés affectées. Au contraire, à de nombreuses reprises, il s’est avéré qu’après des années d’investissement de ressources et de temps dans les processus de dénonciations, les violations persistent et les communautés ont même fait face à des représailles.
Les organisations et les syndicats du Canada continueront de surveiller ainsi que de plaider en faveur de la transformation du bureau de l’ombudspersonne en un mécanisme doté des pouvoirs nécessaires pour réclamer justice. Toutefois, pour l’instant, nous vous conseillons de procéder avec prudence.
Source photo : RCRCE