Le mercredi 17 décembre 2014, au milieu du brouhaha de l’entrée principale de la Court Suprême de Cajamarca, la Dre Mirtha Vásquez annonçait au mari, à la fille Ysidora et au gendre de Máxima Acuña de Chaupe que celle-ci avait été acquittée de toutes les charges déposées contre elle par la puissante minière Yanacocha, d’appropriation illégale de terres. Elle pourra donc désormais retourner chez elle en tant que propriétaire. Elle ne peut pas en être expulsée !
Suite à un long procès qui a duré plus de trois ans, le juge a résolu de déclarer fondée la requête d’appel contre la sentence antérieure qui les condamnait, elle et sa famille, à deux ans et huit mois de prison et au paiement d’une amende de 5,500 soles.
L’entreprise minière Yanacocha a toutefois présenté un recours de cassation qui implique une révision de l’interprétation réalisée par les juges des normes qui ont rendu possible le jugement. Il est fort probable qu’il soit déclaré irrecevable
Célébrons le fait qu’au Pérou, justice a été faite!
Un long conflit
En 1994, la famille Chaupe Acuña a acquis un terrain de 18 hectares face à Laguna Azul, tel qu’indiqué sur le titre de propriété accordé par la communauté paysanne de Sorochuco. Deux ans plus tard, l’entreprise Yanacocha a acheté à la communauté 270 hectares à proximité du terrain des Chaupe Acuña, argumentant que le terrain en litige se trouverait à l’intérieur de leur territoire. L’odyssée de la famille (Chaupe Acuña) pour protéger leur propriété que l’on appelle « Tragadero Grande », a commencé le 24 mai 2011 avec l’arrivée de l’entreprise minière. Ce jour-là, l’entreprise s’est présentée accompagnée de machineries lourdes et de policiers. Ils ont détruit leur maison et ont tenté de les expulser. Suite à ceci, la minière est revenue plusieurs fois avec l’intention de les expulser. La Police nationale du Pérou a agressé à plusieurs reprises les membres de la famille, mais ceux-ci n’ont jamais abandonné leur terrain.
En 2011, l’entreprise a présenté la première plainte invoquant l’usurpation de terrains. En août 2014, après plusieurs appellations, le tribunal dicte une nouvelle sentence contre la famille, mais qui aujourd’hui (NDT : avec la décision de la Court Suprême de Cajamarca) se trouve annulée. La famille est ainsi acquittée et elle ne pourra pas, pour le moment, être expulsée de ses terres. « Je resterai sur mes terres, car je n’ai plus peur de l’expropriation dont me menaçait quotidiennement Yanacocha », affirme Máxima Acuña à travers des larmes de joie, à la sortie du tribunal.
Projet minier Conga
La maison de la famille Chaupe Acuña se trouve face à Laguna Azul, l’une des lagunes qui pourrait être affectée par le projet minier Conga, dans le département de Cajamarca, au nord du Pérou. Ce projet, actuellement paralysé, envisage l’extraction de 480 000 à 780 000 onces annuelles d’or et 54 000 tonnes de cuivre, durant une vingtaine d’années, suite à une investissement estimé de 480 milliards de dollars. Pour cela, quatre lagunes seraient détruites. Deux d’entre elles (El Perol et Mala) seraient vidées afin d’en extraire le minéral et les deux autres seraient utilisées comme dépôts de déchets miniers.
Selon un rapport de 2012 que l’organisation Environmental Defender Laz Center a commandé à l’hydrogéologue états-unien Robert Moran, l’eau de la zone où est prévu le projet Conga est potable et utile pour l’agriculture et pour d’autres activités qui existent déjà dans la région, tels que l’élevage de truites. Le rapport conclue que le sous-sol des lagunes que Yanacocha envisage d’utiliser pour stocker les résidus toxiques, n’est pas imperméable et que la roche calcaire poreuse du sous-sol filtrerait les substances polluantes dans tout le système hydrique. Cela contaminerait les sources d’eau ainsi que d’autres ressources souterraines en eau où des métaux comme l’aluminium, l’arsenic et le plomb resteraient présents plusieurs années après que la minière ait abandonné l’exploitation de la zone.
Le projet Conga a suscité une grande controverse et une forte opposition de la part de la population dont la résistance a débuté en novembre 2011. Suite au soulèvement de la population civile contre le projet minier, les autorités ont déclaré l’état d’urgence et la militarisation de plusieurs provinces. En 2012, au plus fort de la répression, la police tue cinq personnes durant une manifestation, parmi eux, un jeune de 16 ans. Cette même année, le peuple de Cajamarca convoque la Grande marche nationale de l’eau qui parcourt les 840 kilomètres qui sépare cette ville du nord du pays de Lima, regroupant des milliers de personnes autour de la défense de l’eau et de la protection des bassins hydrologiques face à l’industrie minière. Actuellement, le conflit est toujours en cours, ce qui démontre le rejet du projet par la communauté ainsi que son caractère non viable du point de vue social..